Alors que l’exercice incontournable de la demo représente pour la majorité des groupes un tâtonnement dans la tentative de définir un style et un son propre, offrant à l’auditeur une série de pistes intéressantes (ou moins intéressantes) qui mériteront d’être développées par la suite, d’autres groupes, beaucoup plus rares, débarquent d’emblée avec un travail dont l’aboutissement et la maturité ne laissent planer aucun doute sur le potentiel dont ils disposent. C’est très clairement le cas de Paranaut.
Originaire de Portland, Oregon, ce trio à la biographie classique faite de rencontres fortuites, d’une volonté de créer une musique intense et originale et de tournées intensives dans les clubs locaux a sorti voici presque un an cet album auto-produit dont les qualités ne cessent de m’impressionner. Par son côté oppressant et mélancolique, on serait de prime abord tenté de classer « The Hills Fell Silent » au rayon Doom, terme que se révèle rapidement trop étriqué pour définir la richesse et la complexité des huit morceaux ispirés d’une de leur montagne locale qui s’étirent sur plus de 70 minutes et nécessitent une série d’écoutes attentives pour être totalement assimilés. Imaginez Neurosis en beaucoup plus lourd et moins calculateur, délaissant les développements hyper travaillés au profit de jams parfois bruitistes et souvent hallucinées et vous aurez une vague idée de la manière dont sonne ce groupe difficilement comparable. Ici, pas de structures alambiquées ou de riffs complexes, simplement une suite de titres propres à développer des climax à base de guitares sous-accordées, de vocaux principalement gutturaux pourtant propices à réconcilier tous les allergiques à ce style tant décrié et d’un batteur phénoménal adepte des roulements en tous genres qui contribuent un peu plus à brouiller les pistes. Capable d’inclure des passages d’une légèreté et d’une beauté sombre rehaussée par la présence de claviers triturés dans tous les sens ou d’utiliser un accordéon le temps d’une intro qui soudain les fait sonner comme The Black Heart Procession, ces trois-là ne ménagent pas leurs efforts pour nous déstabiliser et nous happer dans un tourbillon d’émotions contradictoires dont on ressort décontenancés. Après trois titres plus abordables dont un « Derelict Years » ultra heavy qui ravira les fans de High on Fire, les morceaux s’affranchissent des structures classiques et évoluent au gré d’une inspiration sans limites, frôlant parfois le drone, combinant des rythmiques presque tribales et des riffs d’une profondeur abyssale avant de rebondir sur des passages mélodiques où vient parfois pointer un piano, comme c’est le cas sur « … and They Have Fallen » sur lequel il apporte un contrepoint surprenant et introduit une deuxième partie beaucoup plus apaisée, avec comme seul fil conducteur une tension permanente sous-jacente à tout l’album dont il s’avère très difficile de décrocher. Que ce soit sur les titres plus courts ou sur ceux qui dépassent allègrement les dix minutes, on ne décèle jamais aucune longueur ou la moindre tentative de remplissage malgré la propension du guitariste à partir dans des délires incontrôlés pendant que les deux autres continuent à tracer droit devant eux, imperturbables, offrant à notre équilibriste l’occasion de toujours retomber sur ses pieds. Ceci s’illustre parfaitement dans « Maelstrom of Heart », titre massif d’une noirceur oppressante qui parvient à captiver tout au long de ses 15 minutes en s’appuyant sur une seule idée, la guitare laissant la place à un clavier poussé dans ses derniers retranchements pour un solo, si on peut utiliser ce terme pour définir cette succession de bruits, que même les fans de SunnO))) qui en connaissent un rayon niveau bizarreries ne devraient pas trouver inintéressants.
Paranaut, retenez bien ce nom, vous en entendrez reparler prochainement, c’est une évidence.
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