En une douzaine d’années environ, Primitive Man s’est petit à petit retrouvé à la fois à la pointe de son style musical et… quasiment son seul représentant ! C’est plus facile d’être hégémonique dans ces conditions… Dans les faits, le trio a posé les bases d’une sorte d’hybridation entre le funeral doom, le drone, le sludge, le post metal, le noise, le black metal, etc… dont il est le seul à maîtriser la recette et l’ensemble des composantes.
Observance s’avère en être une illustration impeccable, robuste et intègre, nettoyée de toutes les sonorités « annexes », se construisant sur ses bases musicales les plus brutes. Parmi les formations s’illustrant dans les genres musicaux susmentionnés, aucune ne propose une synthèse similaire et aussi aboutie : lenteur, lourdeur, désespoir, noirceur, puissance, rugosité, douleur même parfois… Au bingo de la musique dépressive, Primitive Man coche direct toutes les cases : c’est tout ça à la fois, simultanément.
Il n’y a pas sur Observance (ni sur ses prédécesseurs d’ailleurs) de morceau plus léger qu’un autre, ni moins sombre, ni plus rapide… La formation parvient à nouveau (après le mastoc Immersion) à maintenir sur un album entier un niveau de tension difficile à atteindre par d’autres formations, tout en proposant un ensemble de compositions assez diversifié pour ne pas avoir envie de quitter l’album en cours d’écoute. Attention toutefois à la relativité du terme « diversifié » : la cohérence sonique du disque est redoutable (production massue), et les premières écoutes ne permettent d’entendre qu’un flot ininterrompu de séquences plus brutales et sinistres les unes que les autres. C’est au fil des passages du disque que se révèlent des nuances d’ambiance, de rythmiques, de gimmicks sonore (ah ce « toc toc toc » malaisant qui tisse la trame de la première partie de “Social Contract” ou ce presque aérien premier tiers de “Devotion”…) qui dessinent le parcours sonore de plus d’une heure proposé par la formation.
Il faut donc d’abord passer ces premières écoutes un peu complexes, ce qui pourra représenter un obstacle difficile à surmonter pour les Spotify-addicts et autres auditeurs à l’attention défaillante au bout de quelques minutes sans « twist » musical. Primitive Man est un groupe à digestion lente, et Observance ne change pas cet état de fait, au contraire. Le disque nécessite d’avoir envie d’entendre ça… envie de souffrir ? Au-delà du cliché facile, tâchons de reconnaître une certaine beauté, et en tout cas une vraie qualité dans cette musique. L’intention qu’elle matérialise en tant que forme artistique et en tant que vecteur de communication est redoutable d’efficacité – la plateforme parfaite à la transmission des messages sombres, froids et cyniques qu’embarque le trio.
Observance est à ce stade un point culminant de la carrière de Primitive Man : il affirme et affine les piliers qui faisaient de Immersion son premier aboutissement il y a quelques années, en mêlant maturité dans l’écriture et efficacité de la mise en son pour accompagner et renforcer son propos. On ne peut pas vraiment dire qu’un nouveau palier est franchi dans leur discographie, toutefois le groupe se positionne en leader dans son segment, avec un album encor supérieur. Avec le potentiel pour fédérer des publics de « franges » (paradoxe ?), Observance promet en tout cas de prochaines douloureuses prestations live. On a hâte.
Note : un extrait de 14 minutes ci-dessous, juste parce que pourquoi pas :
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