X

Righteous Fool – Righteous Fool

Un peu de recul suffit à prendre la mesure de la petite galaxie autour de Corrosion of Conformity et ses quatre musiciens hyperactifs : une palanquée de projets musicaux, pour certains émanant directement des périodes de « break » de C.O.C. (durant leur split ou leurs pauses un peu forcées, en particulier par la priorité donnée ces dernières années à Down, l’autre groupe de Keenan). Reed Mullin (batterie), au calme pendant une dizaine d’années (rappelons qu’il quitta C.O.C. au début des années 2000), n’a pas brillé dans l’intervalle par sa production discographique parallèle, ce qui ne l’empêcha pas d’initier un projet musical avec son pote Jason Browning (guitare) en 2009. Pour étoffer ce maigre line-up, Mullin reprend contact avec son ancien compère bassiste Mike Dean (basse), qui ne tarde pas à intégrer le projet, heureux de renouer avec son binôme rythmique presque dix ans après leurs dernières bacchanales musicales. Le jeune trio produit une première paire de chansons que Southern Lord sort en 7’’ en 2010 [les deux chansons figurent sur  le présent disque, a priori du même enregistrement], permettant au groupe de se greffer à quelques tournées et tester leurs compos sur scène. Toutefois, le trio n’a jamais vraiment trouvé de franche « fenêtre de tir » pour être mieux mis en avant (qu’il s’agisse de tournée en headlining, de sortie de disque…), et c’est aujourd’hui seulement que le groupe trouve la voie discographique, à travers ce premier album, qui sort chez Ripple Music. Un album en quelque sorte posthume, Reed Mullin nous ayant quitté comme vous le savez en 2020. Il s’agit donc vraisemblablement ici de la première et dernière opportunité pour le groupe de se faire connaître largement… étrange situation.

C’est dans cet état de réflexion un peu ambigu que l’on se lance dans l’écoute de l’album, une écoute qui s’avère bien vite quelque peu délicate : le disque est assez difficile à cerner. Très largement porté par des musiciens qui affectionnent le jam, les titres déboulent sans prévenir, s’enchaînent sans forcément de logique claire, à l’image de cette intro instrumentale ultra mélodique (mais à la structure “à tiroirs”) qui passe le relais à “Asteroid”, un titre nerveux et groovy, que l’on croirait directement issu du répertoire de… Valient Thorr (ça vaut pour le chant aussi !). Etrange… Et ce n’est qu’un exemple, car les compos qui défilent ont au minimum deux points communs : ce sens du groove avant tout, avec toujours des rythmiques gouleyantes, mais aussi des structures alambiquées, conférant à l’ensemble un atour presque prog. La plupart des titres se développent et se déploient sur une succession de séquences, breaks, aller-retours… On est loin du socle standard couplet-refrain-couplet-refrain-solo-refrain, d’autant plus que le trio ne propose pas de titres à rallonges : avec onze morceaux pour 45 minutes, on atteint rarement la barre des 5 minutes par chanson. L’ensemble donne donc une impression roborative, d’un disque rempli jusqu’à la gueule d’idées, pour la plupart excellentes, mises bout à bout. Mais il y a peut-être trop à manger au final pour un seul repas, et le disque a du mal à passer et à maintenir la pleine attention sur la longueur… avec cette sensation paradoxale que son contenu est assez brillant en terme d’écriture. En aparté, on notera que les trois musiciens se partagent les lignes de chant sur l’album, avec une certaine réussite au global (ce qui contribue toutefois à l’impression d’un spectre musical “bariolé”).

Remis en contexte (un album-somme, récapitulatif probablement de toute l’existence du groupe), ce disque mérite bien cette densité. Débordant de riffs impeccables, de soli barrés et de courtes jams stellaires, le tout enrobé d’une prod assez sommaire mais efficace, ce disque généreux se mérite… mais il le vaut bien.

 


 

Note de Desert-Rock
   (8/10)

Note des visiteurs
(9.5/10 - 2 votes)

(Pour donner votre note,
cliquez sur le nombre de cactus voulus)

Voir les commentaires (1)