Small Stone records n’est plus que l’ombre de la figure de proue flamboyante qu’il était pour toute la scène au cours de la première décennie de ce siècle. Il faudra un jour se pencher sur ce chavirement brutal, qui nous a laissé un peu orphelins… Pour autant le label n’est pas mort, et Scott nous le rappelle à l’occasion de quelques plus discrètes sorties par an, souvent remarquables. Vous connaissez l’adage sur la qualité et la quantité… Le bonhomme n’a donc pas perdu son nez de découvreur, et il a pêché cette fois une jeune formation de Portland, un quintette auteur d’un premier album en autoprod il y a deux ans, et qui sort aujourd’hui sur le label son second LP, plus d’un an après l’avoir enregistré (!) sous la houlette du respectable Jack Endino (grand producteur d’albums parfois médiocres). Bonne pioche…
Mystic Goddess donne lors des premiers tours de piste l’impression d’un album décousu, qui se cherche. Rien n’est au final moins faux. ROTAW (pardonnez cet élan de familiarité) est en fait un groupe complexe en un sens, ce qui peut désarçonner. Si aucune ligne directrice franche n’émerge des premières écoutes de ce disque, c’est parce que le quintette ratisse large dans le spectre du stoner US, tendance heavy rock US – un style qui, soit dit en passant, occupe une large part du catalogue du label. Un peu casse-cou, le groupe se frotte autant au stoner doom (“Mystic Goddess”) au heavy nerveux (“Out of the Gallows”, “Agua Caliente”), et batifole joyeusement avec un stoner groovy plus classique (“MK Ultra Violence”) ou même de l’ésotérisme acoustique (“Ordo Ab Khao”). Fait remarquable : ROTAW fait partie des très rares groupes qui excellent dans l’exercice casse-gueule du mid-tempo : écoutez le très mélodique “Wasteland” ou ce “Unholy Trinity” aux accents Danzig-iens pour vous en convaincre (et de la part de votre serviteur, ce n’est pas un compliment anodin).
On retrouve par ailleurs chez ROTAW un autre facteur clé propre à beaucoup des groupes de Small Stone : un vrai chanteur ! (qui ne tient aucun autre instrument qu’un pied de micro, soit dit en passant, assez rare aussi pour être signalé…) Les vocaux de Caleb Weidenbach emmènent vraiment les compos sur un terrain plus ambitieux, apportant via son timbre parfois surprenant, une identité plus marquée au groupe. Les autres musiciens, sans émerger autant, sont très bien servis par un enregistrement et une prod, effectivement, aux petits oignons. Même si Endino, capté en plein vol par le Covid, n’a pu superviser que le début de l’enregistrement, la mise en son est de grande qualité.
Ça fait plaisir de retrouver un Small Stone toujours actif et pertinent en découvreur de sang frais, surtout avec des disques de cette qualité. Un disque qui ne cartonnera probablement pas sur les plateformes de streaming, et plus globalement dans cette sombre période, où les avis sont faits au bout d’une écoute de 30 secondes de chaque chanson en mode accéléré, mais qui saura satisfaire l’amateur éclairé de bon stoner rock US (nord des USA pour les puristes) underground.
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