A peine plus d’un an après Elektrik Ram, le quatuor sud-africain remet déjà le couvert avec un nouvel album ! Changement d’écurie au passage, avec un départ du label sud-af’ Mongrel Records et la signature chez les allemands de Sound of Liberation Records, une jeune structure dans l’édition de disques, certes, mais bien implantée et expérimentée dans la gestion d’artistes, tournées, festivals, etc… Un pied supplémentaire sur le vieux continent en tout cas pour le groupe, qui ces derniers mois a arpenté l’Europe en long et en large (tournées, festivals, premières parties…).
Musicalement, on n’est pas vraiment déstabilisé avec ce disque… pour peu que l’on soit familier de Ruff Majik ! Il faut quand même à nouveau s’accrocher un peu pour rentrer dans leur univers : si le groupe a toujours été lié à la famille stoner, il reste difficile de l’associer à une tendance précise du genre, ou à des groupes spécifiques qui pourraient être identifiés comme influences directes ou indirectes. Tandis que sur les disques précédents, on pouvait tracer des liens avec QOTSA parfois, c’est ici bien plus rare (bon OK, sauf sur “Cult Eyes”…). Le groupe est émancipé, et fait du Ruff Majik, à savoir un heavy rock débridé, énergique, qui va piocher ici ou là dans le stoner, le garage rock, le metal, le funk, le blues, etc… Le tout emmené par la voix emblématique de Holiday (qui peut poser problème à certains… mais tellement marquante et importante pour l’identité du quatuor !).
Il apparaît que ce disque est le dernier volet d’une trilogie, entamée avec le brillant The Devil’s Cattle en 2020. Au regard de la musique “bariolée” du groupe, la ligne directrice qui pourrait lier ces trois disques ne saute pas franchement aux oreilles… si ce n’est dans sa qualité de composition ? Car c’est à nouveau ce facteur qui distingue Moth Eater du “tout-venant” : même s’il n’y a pas de hit dévastateur évident comme sur ses deux prédécesseurs (“Rave to the Grave”, “Jolly Rodger”, etc…), Moth Eater propose son lot de perles super catchy, probablement plus dense même que sur les deux disques précédents. On a ainsi du mal à se détacher des énervés “Battering Lamb” et “What a Time to be a Knife”, du groovy “Dirt and Deer Blood”, du très malin “Wasted Youth” et son refrain dévastateur à chanter les bras qui balancent en l’air (si si)… Forcément, le disque comporte son lot d’OVNIs, mais on reste dans des genres musicaux très accessibles, et ces morceaux sont réussis (on pense à “We’re Not Out of the Swamp Yet” qui porte bien son nom avec son blues sludgy, au funky “Ingozi”…).
Dans un texte de huit pages (!) transmis aux médias et amis du groupe pour accompagner l’album, Johni Holiday, son indéboulonnable frontman, décrit longuement son approche artistique, sa nostalgie du music business du début du siècle, son sentiment de nostalgie d’être dans un système musical qui ne va pas dans le bon sens, et dans lequel il essaye de faire survivre son groupe, via parfois des approches un peu décalées… Le bonhomme force au respect, et son intégrité, mêlée à sa créativité, en font un personnage particulièrement attachant. En outre, son dernier disque est, en toute objectivité, un bien bel ouvrage. Un disque qui comporte un échantillon remarquable de hits que l’on se plaira à chanter longuement sous la douche, des compos enthousiastes et enthousiasmantes qui font presque toutes mouche. Moth Eater est un disque réussi, un disque difficile à cerner pour le non-initié, mais qui récompense l’auditeur aventureux. Il faut lui donner sa chance.
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