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Sheavy – Disfigurine

Les années passant, sHEAVY s’impose de manière insidieuse comme une sorte de méta-groupe de stoner, un groupe (paradoxalement) si « premier degré » qu’il en devient conceptuellement presque elliptique. Une musique hors mode, qui, il y a une poignée d’années, ressemblait juste à un ersatz décomplexé et naïf de Sabbath (satanée tessiture vocale de Hennessey, évidemment, mais aussi un sens du riff qui ne trompera personne, voir l’intro de « Waking the Bloodbeast » et aussi son chant harmonisé aux grattes sur le couplet), et qui s’est cristallisée sur un genre musical bien identifié bon an mal an, un stoner fluide et velu à la fois, un truc patibulaire et aérien, chargé de groove.

On pourrait presque s’en tenir à ce constat pour vendre la galette : si vous avez aimé les albums précédents des canadiens, vous aimerez celui-là. Ca pourrait marcher. Le problème est que dans un monde où la remise en question prime, l’on ne cite plus que des dinosaures (AC/DC, Motörhead) pour porter aux nues les groupes qui préfèrent approfondir et peaufiner un genre plutôt que partir à la découverte de nouveaux territoires incertains. Or sHEAVY est au moins aussi méritant. A fond dans leur trip, et bien décidés à rester fidèles à leur public, sHEAVY débite donc dans « Disfigurine » 10 nouveaux titres superbement troussés, mais qui ne surprendront personne. Et bon dieu, ça fait chaud au cœur. Un nouveau disque de sHEAVY (et c’est en cela que le groupe repose sur une sorte de paradoxe perpétuel) est vivifiant, une sorte d’îlot rafraîchissant dans un océan de musique compliquée, contextualisée.

Ces propos pourraient laisser croire que le groupe est en roue libre, alors qu’au contraire, le père Hennessey s’est défoncé cette fois encore pour chiader des morceaux superbement acérés. Alors qu’une première écoute distraite peut laisser circonspect, très vite les compos viscérales du chanteur forcent le respect par leur efficacité sournoise : portées par un son très 80’s (comprendre une prod’ basique : on s’assure que chaque piste est clairement audible, on monte le volume des grattes, et basta !), les titres recèlent en réalité de mille ingénieux passages, breaks, soli, riffs. Et quitte à rabacher, le groove commun à l’ensemble de cette galette assure un fil rouge impeccable. Difficile de mentionner des titres qui se distinguent. Jetez une oreille attentive à des titres comme le titre éponyme, ou mieux encore « Echo in the skull », qui a tout : basse super-heavy et groovy (encore !), tempi saccadés et lourds, emballées rythmiques échevelées, soli, et une avalanche de riffs qui n’en finit jamais de nous marteler les neurones (et y laissent des traces). Voir aussi le bluffant « The book of lost time », qui allie une intro presque punk à un riff nerveux, le tout amenant à une succession de soli basse (wah-wah) / guitare jouissifs.

A titre personnel, et tandis que 2011 présente ses premières rondelles vinyles, je pense qu’il n’y avait pas de plus belle manière de clôturer avec panache 2010 qu’avec cet album : au-delà de l’intérêt primal (qui a dit « reptilien » ?) que représente le bonheur musical procuré par ce disque, sHEAVY nous rassure, encore (et comme si c’était nécessaire), sur la pérennité et la pertinence d’un genre musical qui nous donne encore des frissons. Merci à eux.

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