La montée en puissance de Solace sur le monde du stoner américain et international paraissait imparable. Sur la base d’albums impeccables et de prestations live rares mais réputées, le quintette U.S. est devenu sinon hégémonique, tout du moins référentiel. Certains diraient même “cultes”, mais ce dernier qualificatif n’est finalement devenu d’actualité que ces dernières années, durant lesquelles le groupe a presque disparu du paysage musical. Pause, split, disparition, difficultés financières, pas de labels, démotivation… Tous les justificatifs ont été annoncés et imaginés, mais le résultat était le même : a priori, il devenait assez improbable que Solace délivre une nouvelle offrande aux fans que nous étions juste en train de devenir. Ces derniers temps (depuis 2007-2008 pour être précis !) la rumeur a toutefois enflé, et les premiers échos de l’enregistrement de cet inespéré “A.D.” se sont concrétisés. Mais même sa sortie fut émaillée de difficultés et de rendez-vous manqués (sortie repoussée plusieurs fois, puis problèmes de mastering, puis de fabrication du CD…).
Notre espoir, enrichi par ces années d’incertitude, était donc grand à l’arrivée de ce disque. Et quitte à déflorer cette chronique, autant le dire tout de suite : il n’y a pas matière à déception, “A.D.” est bien le disque attendu par les connaisseurs et les curieux. Le disque, proposant une heure de très bon stoner (tendance heavy plutôt que atmosphérique, c’est sûr), est composé de 10 titres ; je vous laisse à vos caclulatrices, ça fait bien une moyenne de 6 minutes par morceau, sous la forme de chansons sinueuses, épiques parfois, enlevées. Mais, marque de fabrique du combo parmi d’autres, jamais ils ne se laissent aller à “faire du gras” : même lorsque les titres sont longs (un titre d’intro à 7 minutes, faut oser, tout comme le titre de fin à 10 minutes…), ils évitent le superflu, se contentant d’aligner intelligemment les séquences de manière cohérente autour d’un riff très souvent pachydermique. Couplets, breaks, soli, refrains déstructurés, tout est utilisé à bon escient. Les soli d’ailleurs, et c’est un point remarquable, sont juste jouissifs : loin de la branlette de manche, ils sont efficaces et limpides, et leur usage est toujours bienvenu. Chapeau aux bretteurs (Southard et Daniels) pour ce tour de manche (jeu de mot… désolé).
Les compositions permettent au groupe de déployer l’entière palette de leurs capacités, à l’image de leur chanteur Jason qui se permet les hurlements les plus violents et primitifs sur l’introductif “The Disillusionned Prophet” pour mieux dévoiler ses capacités en chant clair sur l’ensemble des titres. Ce morceau, excellente vitrine de la “montagne russe” qui attend les auditeurs, permet à chacun de montrer sa contribution à cet album “fleuve”, à l’instar de Kenny Lund à la batterie, qui charpente des rythmiques particulièrement alambiquées. Un peu plus loin, “Six-Year trainwreck” (un morceau autobiographique de la carrière du groupe ?…) ou “Down South Dog” nous remémorent les discrètes effluves sudistes qui font l’une des spécificités du combo, notamment à travers un son de grattes bien gras (l’intro en harmonie de grattes du premier ne démériterait pas sur un album de Down). Le très metal “The Skull of the Head of a Man” (titre le plus court et le plus bourrin de la galette), amène naturellement à l’excellent “From below” qui cloture majestueusement l’album : une approche résolument doom vient porter ce mid-tempo fleuve.
Je pense qu’il est assez aisé de comprendre que cet album est bien au niveau où on l’attendait : excellent. C’est un album exigeant, en revanche, qui pourra déstabiliser l’auditeur peu averti : les morceaux sont longs, les rythmiques complexes, les textures instrumentales et vocales nombreuses et variées. Mais “l’effort” est largement récompensé.
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