Les bretons de Stonebirds n’ont apparemment pas fini de nous surprendre. On avait quitté le groupe il y a quelques années dans une formation plus étoffée, évoluant dans un stoner efficace et d’influence assez classique. Le combo s’est resserré depuis, devenant trio, ce qui heureusement n’a pas entamé sa motivation. Intègre dans sa démarche, le groupe a sollicité un co-financement via une plateforme de crowdfunding, pour l’aider à accomplir sa démarche sonore atypique, qui passe par un recours à un enregistrement 100% analogique. Dubitatif mais intéressé, c’est avec une réelle curiosité que l’on enfourne le disque, doté d’un artwork absolument sublime (la version vinyl doit déchirer…).
Puisqu’on en parle, le premier “choc” vient du son : tandis que nous sommes plutôt habitués à de grosses machines sonores rutilantes au son très policé, “à la ricaine”, la première écoute de cet exigeant Into The Fog… And The Filthy Air déstabilise un peu : oubliées les rondeurs chaudes et suaves des prods stoner classiques, le son du disque est précis, oppressant, travaillé, avec cette petite réverb qui nous fait croire qu’on est au milieu des bonhommes tandis qu’ils jouent. Perturbant, donc, mais réussi. Le deuxième choc est plus direct encore : stylistiquement, Stonebirds a fait un grand pas… de côté ! Une bifurcation musicale plutôt bien emmanchée les amène désormais sur un terrain musical plus austère, dans des terres plus complexes, qui leur sont propres désormais. On entend du sludge, on entend du stoner un peu, toujours, des passages plus psyche, d’autres plus véloces, on entend plein de choses sur les 35 minutes de cette galette. Aïe!, vous l’avez bien entendu, et c’est là que se niche le seul point frustrant de ce disque : cinq titres, c’est à la fois trop peu pour un album, et très riche pour un EP, mais c’est quand même un peu le cul entre deux chaises. Il sera dit et redit que le groupe ne cherche pas le confort !
“After The Sin” affiche toutes les ambitions du disque sur ses presque neuf minutes : épique et puissant, le titre enchaîne les passages les plus heavy, dont un refrain sans concession (bien appuyé par les cris lointains de Fañch). On entend parfois invoqué le fantôme lointain du Dredg de “Leitmotif”, notamment dans son dernier tiers, lorsque le trio s’engage sur des soli de gratte lancinants du meilleur effet. Précisons que le “trio” trouve parfois un peu ses limites dans son ambition avec une seule guitare, et se permet (avec réussite) de rajouter des pistes de guitare lorsque nécessaire, voire de claviers ici ou là. “Angst Lover” un peu plus loin est le partenaire logique de ce premier titre, et même si son tempo est plus lent et son ambiance plus atmosphérique, l’effet et les influences ne sont pas très loin. On notera en particulier une section heavy particulièrement prenante aux deux tiers du morceau à peu près, qui apporte à cet autre titre-fleuve (presque huit minutes) encore une palanquée de couleurs, sur une palette déjà bien riche. “Into The Fog”, dès ses premières secondes, nous rappelle My Sleeping Karma et l’atmosphère particulièrement relaxante qui se dégage de ses compos. Il faut dire que sa ligne de basse ronde et heavy sur laquelle se greffent des leads de guitare lointains efficaces, vise juste. C’est sur la fin de ce morceau et les suivants que l’on se prend à entendre quelques sonorités que les vieux rockers français mentionnent encore ici ou là sous le patronyme de “l’axe girondin” – à savoir le triplet Sleeppers / Nihil (1ère période) / Year Of No Light : empruntant (inconsciemment ou involontairement peut-être) aux diverses facettes bruitistes de chaque formation, Stonebirds montre encore qu’il n’est pas prêt de se laisser enfermé dans une ornière. Pour finir, “Perpetual Wasteland”, sur une base mélancolique, monte progressivement en pression, pour aboutir à un pic presque malsain, puis exploser pour un final parfaitement abouti. Impeccable clôture pour un disque qui ne laisse pas indifférent.
En espérant que les opportunités collent avec leur motivation et leur disponibilité, on espère voir le trio breton sur les routes dans les prochains mois. Il faut dire que l’on a franchement envie de voir ce que donne en live cette nouvelle version du groupe, qui manifestement à des choses à montrer ! Pas vraiment destiné aux fans des musiques “pied au plancher” ou d’un pur stoner désertique, les amateurs d’ambiances plus policées et travaillées devraient trouver leur bonheur avec ce disque qui ne souffre que de très rares défauts, un gage de travail et de maturité. On espère aussi entendre vite un peu plus de musique, ces cinq titres nous donnant l’eau à la bouche, même s’ils ne manquent pas de “matière”. Un bel album en tout cas, et une nouvelle preuve de la richesse de la scène française.
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