Le huitième long format du trio ukrainien Stoned Jesus, Songs To Sun, est l’occasion de se souvenir que le groupe avait subi de plein fouet le début de la guerre russo-ukrainienne. Il s’était vu obligé de reporter la sortie de son album Father Light. Mais un an plus tard, le groupe était revenu avec la galette sous le bras, quittant au passage Napalm Records pour un retour chez Season Of Mist. Enfin, Igor, quittant l’Ukraine pour l’UE, reforme le groupe avec deux nouveaux comparses. Une manière de marquer l’aboutissement (?) d’une mutation et d’affirmer sa volonté d’écrire autrement sa musique en proposant au passage avant fin 2027 trois albums unis par la volonté de produire une seule et même œuvre sous forme triptyque dont chaque panneau proposera un genre différent.
De la recomposition du groupe découle un Stoned Jesus qui vient faire du rock, certes, mais pas que. Igor se libère au passage, hurle sa douleur dans le porte-voix post-metal de “Low”, et aspire au prog quasi chamanique avec “Quicksand”. Ce morceau contient les germes du changement et de la réorientation. C’est la charnière de l’album, le point autour duquel tout tourne, bien qu’il conclue cette partie du triptyque à venir. Entre l’ancien et le nouveau Stoned Jesus, il n’est pas question de rejet. Igor assume son histoire, mais avec colère, il cherche à détruire le carcan dans lequel on aurait pu souhaiter enfermer Stoned Jesus.
Même si rupture il y a, on retrouve ce qui a fait la gloire du trio. “New Dawn” sonne comme l’écho lointain de “I’m The Mountain”. Sans doute ce ressenti vient-il de sa basse puissante, soulignée par quelques accords de gratte pleins de reverb. Du côté de “Lost In The Rain”, Igor assume pleinement sa place de leader. Il met en avant son chant mélancolique et joue la délicatesse à la manière du rock alternatif des années 90. Mais la guitare finit par livrer des riffs d’une lourdeur jouissive, avant de revenir à une ballade électro-acoustique fredonnée.
Tout au long de l’album, on est balancé d’un côté et de l’autre. Songs To Sun plonge ses racines dans une multitude d’influences pour nourrir ses six pistes et quarante minutes. Un être hybride, aux contours volontairement flous. Plus qu’un simple album de stoner, Songs To Sun apparaît comme un morceau de courage. Le courage de raconter autre chose, de sortir hors de l’attendu, au risque de perdre au passage quelques auditeurs attachés au Stoned Jesus strictement stoner. Reste à voir ce que donneront les deux prochains volets du triptyque, Songs To The Moon et Songs To Earth promis comme sombre et expérimental pour l’un et totalement progressif pour l’autre.
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