Le label américain Small Stone Records a beau ne plus être que l’ombre de lui-même en termes d’activité (nombre de sorties) depuis quelques années, on peut lui faire confiance pour maintenir son roster à un haut niveau qualitatif, et garder son soutien (vraisemblablement désintéressé) pour les groupes qui le méritent. C’est donc avec une certaine bienveillance que l’on appréhende le troisième disque des bostoniens de Sundrifter, leur second chez Small Stone, après un Visitations que l’on avait bien apprécié, il y a presque six ans. Le groupe s’est fait discret depuis, sans actualité ou activité significative, à part quelques disparates prestations scéniques.
On imagine à peu près à quoi s’en tenir en lançant les premières rotations de ce An Earlier Time, qui sans surprise propose un heavy rock charpenté, où stoner et grunge viennent se tirer la bourre (on pourrait penser à un mix de QOTSA-milieu de carrière et de Soundgarden, grossièrement), avec deux composantes clés propres au trio étasunien : un travail sonore, harmonique et mélodique très marquant, et le chant de Craig Peura.
Le premier point est vraiment le driver principal qui emmène le groupe dans des territoires inaccessibles à la plupart des groupes (pas le territoire du succès pour le moment, apparemment). Il se traduit avant tout par un goût du riff « hybride », où les patterns mélodiques sont courts et répétitifs et viennent renforcer la rythmique. On pense à l’intention musicale post-rock… sans le son post-rock ! Car ici la mise en son est travaillée, la production est mature, efficace, finement ciselée : des arrangements classieux (discrets claviers, discrets effets guitare & voix…) viennent apporter un clinquant bien particulier à chaque titre. Cet état de fait participe à ce très agréable contraste qui définit la musicalité du groupe : souvent enclins au riffing sec et froid, Sundrifter n’hésite pas à l’enrober d’une subtile nappe de claviers, de soli mélodiques, de chant aérien… (voir le dernier tiers de « Begin Again » par exemple).
Puisqu’on parle de chant, on notera que Craig Peura a encore développé son spectre vocal sur ce disque, apportant à chaque titre un relief particulier. S’il évoque souvent Chris Cornell (par exemple sur « Prehistoric Liftoff ») il trouve aussi sa place dans des plans plus nerveux, ou à l’inverse plus aériens encore (son chant sur « Want Your Home » évoque plutôt Bono de U2 !).
On a donc là une galette de belle qualité. Pour faire la fine bouche, on pourra un peu gloser sur le running order, qui voit trois titres lents (mid-tempo au mieux) clôturer le disque, ce qui donne une « fin de bouche » un peu surprenante, et qui ne reflète pas la tonalité globale du disque. Mais la première moitié étant un exemple d’efficacité, on appuiera simplement sur « repeat » (ou on tournera la galette pour les vinylistes) pour se replonger à fond dans cet excellent disque.
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