Album posthume ? Difficile à dire, en tous les cas c’est avec une certaine émotion que nous avons reçu ce disque, quelques mois après que le groupe poitevin ait annoncé mettre ses activités en sommeil pour une durée indéterminée… Avec presque vingt ans d’activité au compteur tout de même, TBDLB (merci de votre compréhension) aura ancré sa carrière dans l’underground du doom metal français, gravitant dans des sphères que l’on qualifiera soit de confidentielles, soit de cultes ; en tous les cas bien loin d’un retentissant succès public. Il faut dire qu’avec son doom sans concession, sa discographie famélique (c’est leur troisième album seulement) et son apathie scénique (une moyenne de deux ou trois concerts par an sur l’ensemble de sa carrière…), le quintette n’aura pas vraiment mis l’effort dans une dynamique carriériste.
Du point de vue discographique, les deux premiers albums du groupe, apportaient deux approches subtilement différentes de leur vision musicale : Blood for the Bloodking (dans l’aspiration de sa redoutable démo The Beast Must Die), d’abord, proposait un doom âpre, lourd et au son de guitare rêche, très riff-oriented, avec une prod rêche et brut de décoffrage. Lost n’ Drunk ensuite a apporté une évolution un peu plus mélodique, un recours à des plans plus psyche aussi, un usage de la fuzz un peu différent et un son un peu plus soigné. Nuances que tout cela, en tous les cas, car l’identité du groupe est restée forte et reconnaissable entre mille : un doom metal d’un classicisme confondant, trouvant sa source dans les pères géniteurs du genre (on nommera dans le lot Witchfinder General, Cathedral, Reverend Bizarre…), joué avec liberté et fantaisie, mais sans jamais dévier des piliers stylistiques : lenteur, lourdeur, riff, occultisme…
Clans of the Alphane Moon ne déroge pas à ce socle musical, on n’en est pas étonné. Côté compos, on est comme toujours sur une grosse base doom, lente et riffue… très riffue d’ailleurs : ce troisième méfait est probablement leur disque le plus efficace, avec un ensemble de chansons solide. Et pourtant, la pièce est difficile à avaler : 1h10 au garrot, sept chansons (oui, ça fait dix minutes par chanson en moyenne, heavydemment), on pouvait s’attendre à quelques passages dispensables. On exagèrerait en affirmant que la tension est la même du début à la fin, et quelques passages auraient pu être zappés, mais globalement, on est sur un excellent ratio qualité / quantité. Du gros riff, donc, on le répète, produit en nombre par la paire Opyat / Pierre : un titre un riff au minimum, caviardés comme il se doit par des breaks velus, des envolées de leads épiques… La base instrumentale apporte un plaisir particulièrement régressif, et avec un peu de recul, se positionne un peu entre leurs deux premiers albums au niveau de l’intention : de la rudesse, du riff, mais aussi de la mélodie, des plans plus travaillés… Sur ce socle, l’emblématique Bottleben vient poser ses vocaux bien particuliers, qui feront peut-être grincer des dents ceux qui ne connaissent pas le groupe : son chant puissant, largement mis en avant dans la prod, a des atours théâtraux et incantatoires qui peuvent, pour certains, faire ombrage au socle musical. C’est pourtant bien là l’identité du groupe (on vous met en particulier “Flames of Sagitarius” en écoute ci-dessous qui présente toutes les facettes du groupe : du riff, du lead a gogo, des lignes de chant parfois super catchy ou complètement décalées… tout est là !).
Le disque se détache en outre de ses prédécesseurs par une production largement plus travaillée, avec une mise en son qui met bien plus en valeur la musique du quintette (on jettera juste un voile pudique sur ce son de caisse claire très discutable – un détail). Et l’on en arrive progressivement au constat qu’il s’agit probablement du disque le plus mature du groupe, la parfaite synthèse de sa modeste discographie. Selon les goûts et les aspirations de chacun(e), il peut ou pas s’agir de leur meilleur disque, mais dans tous les cas il apporte une vraie complémentarité. Le résultat reste donc le même : si vous êtes fans du groupe, achetez le disque, il ne vous décevra pas. Et si vous ne connaissez pas le groupe, achetez le disque, il vous offrira une excellente porte d’entrée vers leur (modeste) discographie.
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