Alors qu’une brume épaisse tapisse encore le sol humide de cette forêt dense, se dessine, au loin, la silhouette charpentée d’un bûcheron. Le pas est lourd, la hache affûtée, posée sur ses larges épaules. La respiration, cependant, angoissée. On sent du tourment sous cette cage thoracique. Mais dans cette carcasse, un ptit cœur tout mignon bat son plein. Deux ventricules même. Précisément complémentaires, à la subtile mécanique et la réciprocité vitale.
C’est grosso merdo la vision qui m’a prise à l’écoute du nouvel opus de The Lumberjack Feedback, ce Blackened Visions étouffant et lumineux. Les lillois viennent de sortir en ce début 2016 une belle arme de suffocation, où le doom et le sludge s’accouplent en de longues plages instrumentales, maniant les entrelacs guitaristiques et rythmiques avec un plaisir malsain, python luisant, prédateur féroce nous enserrant jusqu’à l’agonie. Une fois le casque vissé sur les oreilles, il est intéressant de noter toutes les subtilités de production permettant une réelle réciprocité des deux batteurs, mettant en avant leurs jeux complémentaires. La question n’est plus de savoir si deux batteurs sont réellement utiles (coucou Kylesa) mais où leur danse de guerre va nous mener ?
Réduire The Lumberjack Feedback à ce seul aspect martial serait hérésie car les cordes ne sont pas en reste. Noires et torturées certes, mais à la mélodie toujours enivrante et recherchée. Le blast pour lui-même ne les intéresse pas. Il est toujours la conséquence d’une progression harmonique, le résultat d’un jeux de torture mélodique. « IMereMortal » et « No Cure (for the fools) » par exemple font montre de ce savoir-faire. Blackened Visions pourrait être la bande-son d’un film expressionniste allemand sans soucis. Curieux de voir ce que donnerait leur travail sur un tel support d’ailleurs.
La galette est suffisamment courte pour ne pas tomber dans la redite. Les 6 titres forment un juste chemin à travers ce style, toujours difficile à digérer. Un équilibre qu’a su trouver le quintet, entre jeux du foulard et premier cri humain.
La scène doom française à ceci de particuliers qu’elle est intelligente (à part quelques exceptions évidemment) et que ses productions se révèlent chiadées et multiples pour peu qu’on y plonge l’oreille un peu plus profondément qu’à l’accoutumée. The Lumberjack Feedback vient grossir les rangs de ces gros bébés mal rasés et l’on est très heureux de voir cette famille s’agrandir. Un plus que très bel effort qu’on a hâte de voir vivre sur scène.
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