Quand Sacred est sorti en 2017, on n’en croyait pas nos oreilles : 23 ans après son prédécesseur (The Church Within), The Obsessed était bel et bien vivant. Même si imparfait (quelques morceaux de moindre intérêt) Sacred comportait néanmoins une palanquée de titres remarquables, signes d’un groupe non seulement fonctionnel, mais surtout inspiré, qui semblait en avoir encore sous la pédale ! Dès lors, l’annonce de la sortie de ce nouvel album n’a pas été une si grande surprise, mais elle charrie son lot d’enjeux pour le groupe : confirmer la continuité d’une discographie honorable jusqu’ici, et surtout maintenir l’aura culte que porte toujours The Obsessed.
A ce titre, les errements récents de Wino pouvaient nous inquiéter (avec, entre autres signes alarmants, un documentaire hagiographique hallucinant dont nous avons choisi de ne pas vous parler). En outre, l’instabilité du line-up ces dernières années ne montre pas le signe d’une dynamique de groupe très équilibrée derrière Wino, frontman et leader incontestable : autour de son batteur Constantino, présent depuis Sacred, ça valse côté bassiste… En revanche, l’incorporation de Jason Taylor en second guitariste confirme l’incarnation de The Obsessed en quatuor (sous la forme vue en live ces derniers mois, notamment au dernier Hellfest). Cerise sur le gâteau, cette pochette immonde, dont on pourrait parler des heures, coche à peu près toutes les cases de ce qu’il ne faut pas faire (couleurs moches, collage approximatif, symbolique hermétique, bras tendu questionnable, qui vient en outre interférer avec le logo – Qbsessed ?…) et inquiète plus qu’elle n’excite. Bref, dans ce contexte incertain, c’est un peu anxieux que l’on aborde cette nouvelle offrande…
Musicalement on n’est pas trop déphasé : The Obsessed reste le groupe de Wino, ses vocaux sont mis en avant (plus que sur Sacred), et la baraque tient sur ses riffs. On notera néanmoins que Taylor l’assiste sur la composition, proposant quelques bribes d’accords ici ou là… mais la “patte Weinrich” est bien présente sur toute cette galette, à travers ces riffs lourds et gras et ce très subtil groove nonchalant si caractéristique. On passe un vrai bon moment à dodeliner sur les riffs de “Daughter of an Echo” ou “Wellspring-Dark Sunshine”, clairement, de même que sur le doom old school lugubre de “Stoned Back to the Bomb Age”… Le morceau-titre “Gilded Sorrow” s’en tire aussi fort bien, avec de vrais moments de grâce, dont des soli déchirants et un break/conclusion vraiment dark très intelligents…
A côté de ces belles pièces, quelques titres ont un peu plus de mal à surnager, même s’ils sont parmi les plus accrocheurs de la galette… paradoxal ? Toujours est-il que des titres comme “Realize a Dream” ou “It’s not OK” (déja joué en live) vous resteront longtemps en tête, mais Wino joue la facilité avec ces titres catchy manquant un peu de profondeur, d’originalité et d’inventivité. C’est aussi le cas d’un “Jailine” particulièrement enjoué, mêlant americana un peu appuyé et riffing peu subtil aux relents redneck un peu patauds.
Après une petite demi-heure de nouvelle musique (on zappera vite cette nouvelle version de “Yen Sleep”, mieux produite mais sans réelle valeur ajoutée – mais ce n’est pas la première fois que Wino nous fait le coup) le bilan est un peu mitigé. Gilded Sorrow n’est pas un mauvais disque, il est assez homogène, et apporte une pièce solide et intéressante à la discographie du groupe. En revanche il souffre d’avoir trop peu de titres locomotives, des compos puissantes et inventives dont Wino a le secret, susceptibles de devenir des classiques instantanés : n’émergent de ce disque aucune chanson que l’on est sûrs de retrouver dans les prochaines set lists du groupe (alors que des chansons comme “Punk Crusher” ou “Sacred” sur son prédécesseur ne faisaient pas débat). Il n’empêche qu’y figurent quelques belles pièces qui s’inscrivent pleinement dans l’héritage Wino/The Obsessed, recelant de vrais moments de bravoures. Pas si mal finalement.
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