Le cas Ed Mundell est un peu particulier. Propice à tous les clichés putatifs, le bonhomme n’est finalement jamais allé où l’on pensait qu’il irait. Ce petit cirque de dupe a commencé avec son départ de Monster Magnet en 2010, après 18 ans de bons et loyaux services, et alors que le groupe, avec la sortie de “Mastermind” chez Napalm, voyait un gros coup de boost dans sa carrière. Pas malin (ou en tout cas pas carriériste). Mundell rejoint son épouse en Californie, de l’autre côté du pays, une zone géographique réputée propice aux échanges entre musiciens. Bingo, quelques mois plus tard on apprend la formation de 9 Chambers, sorte de super combo de hard rock californien calibré, où Mundell riffe aux côtés de mercenaires tels que Vinnie Appice ou le bassiste Jorgen Carlsson (Gov’t Mule). Le projet a pudiquement basculé dans un oubli mérité, pendant lequel Mundell a fourni des soli ici ou là chez des potes. En 2011 toutefois on apprend la création de son nouveau projet, “The Ultra Electric Mega Galactic”, un chouilla plus excitant sur le papier, puisque trio instrumental, notamment doté du groovy batteur de Sasquatch, Rick Ferrante. Salive.
Mais il aura quand même fallu attendre deux ans pour que le grand blond ne produise la première galette de son power trio. Dès les premières nappes spacy de “Unassigned Agent X-27”, dotées d’un spoken word du maître scribe de la science fiction US Harlan Elisson, on comprend bien qu’on va aller péter à quelques encablures au dessus de la stratosphère. “Exploration Team” et son riff décoiffant nous confirment notre constat. Diantre, que ça joue bien ! Evidemment, la gratte surnage (faut dire que pour apporter un peu plus de volume à ses titres, le bonhomme n’hésite pas à superposer les lignes de guitare au mixage – c’est un peu de la triche pour un power trio, non, Eddy ?). Mais derrière aussi, la boutique tourne bien : la paire rythmique produit une montagne de groove, un truc massif et sexy à la fois. Déjà, Ferrante fait preuve d’une subtilité dans son jeu qu’on ne lui connaissait pas, rock, metal, space rock, jazz, blues… son bagage musical est bien rempli, et il pioche dedans avec justesse et talent. Première bonne surprise. La seconde vient du peu connu Collyn McCoy, un bassiste remarquable, lui aussi opérationnel sur des lignes de basse rondes et grasses, mais aussi sur des jams sinueuses avec Mundell, ainsi que des passages lead avec un son hyper saturé. Au final, Mundell est le seul des trois qui s’avère prévisible, en tout cas bien là où on l’attendait. Sorte de Satriani du space rock, le gars aligne sur chaque titre une poignée de riffs bien sentis, et s’engage assez rapidement (et quasi systématiquement au bout de quelques mesures de chaque titre) dans des espaces musicaux plus aérés, où les espaces sont vite remplis par des jams impeccables d’efficacité et de robustesse, festivals de Wah-Wah nappés de basse rondouillarde et de vols de cymbales… Et du coup, on ne s’ennuie pas, et ce malgré l’absence de chant, que l’on n’a jamais vraiment l’occasion de déplorer.
Dans ce déluge de notes, difficile de voir ressortir des titres en particulier, même si – notons-le – on ne s’ennuie jamais au regard de la variété des compositions présentées. On remarquera par exemple le robuste “7000 Years Through Time” dont la ligne de basse rappellera les meilleures heures de Karma To Burn, ou un exemple de la variété du disque, avec l’oriental “The Man With A Thousand Names”. Mais on pourra surtout mettre en avant le roboratif (presque douze minutes) “The Third Eye”, qui pourrait à lui seul résumer l’album : un hymne space rock porté par un riff quintessenciel absolument grisant, qui fait office de booster de fusée, pour emmener vers l’espace un premier tiers de morceau redoutable d’efficacité. A l’arrivée des quatre minutes, les moteurs à poudre se détachent, et le premier étage de la fusée se barre petit à petit pour amener les trois bonhommes dans l’espace vers une orbite gravitationnelle qu’ils ne quitteront donc qu’au bout d’une petite douzaine de minutes de jams superbes.
Même si ce n’est pas le disque du siècle, l’album du trio (chiche qu’on arrête de considérer que c’est juste le disque de Mundell et de ses potes ?) est une excellente surprise. Sorti sur un label approximatif, supporté par une distribution anémique, gageons que ses ventes confidentielles ne permettront pas au trio de rafler une poignée de disques d’or. Mais après avoir vu les gaziers en live convaincre des centaines de personnes à la fois à chaque prestation, il semble que le groupe semble s’engager sur un parcours de carrière raisonnable, humble, construit à la sueur et à la force du poignet. Une attitude remarquable, saluée par un album à sa juste dimension.
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