Le premier album de The Well nous avait bien marqué, par son audace, son intégrité, son originalité. Pas un album à mettre entre toutes les mains, certainement, difficile à digérer pour certains, il jetait en tous les cas un pavé dans la mare un peu stagnante du genre musical. Tout juste deux ans plus tard, le trio nous revient avec ce Pagan Science, deuxième album, donc, toujours chez Riding Easy.
Toujours pas une once de compromission à l’horizon, The Well trace sa route, et approfondit même le sillon : le groupe évolue toujours dans cet « entre-deux-mondes » difficile à cerner, entre rythmiques langoureuses et morceaux percutants, des plans de gratte metal sournoisement fuzzés, tout en subtilité, des riffs sanglants enrobés d’atours de production chiadés… Insondable en première approche, mais constant dans la démarche, indéboulonnables même quand ils enquillent onze titres (dix et demi plutôt) dans la même veine, pour une rondelle de trois quarts d‘heure riche et mastoc, qui ne laisse aucune place au remplissage. Ils s’approprient même l’emballant « Guineverre » de Crosby, Stills & Nash, qui devient par leur entremise une conclusion classieuse, délicieusement dark et sournoise à leur opus.
Pour distinguer Pagan Science de son prédécesseur, on mettra d’abord en avant cette cohérence stylistique ré-affirmée, de plus en plus maîtrisée et assumée. Cette approche les met à l’abri de la moindre comparaison, étiquette ou autres rapprochements d’influences. On devra aussi reconnaître au groupe une qualité de composition de haut niveau, probablement pour partie liée à l’expérience scénique accumulée ces derniers mois. Dans les faits, ça riffe dru (« Skybound », « Drug from the banks »…), et le travail de structuration mélodique est probant (« Byzantine », « A Pilgrimage »…).
On est toujours autant bluffé de constater la profondeur du son et l’élaboration du travail de production être l’œuvre d’un « simple » trio (bon, il y a des lignes de guitare doublées, à voir le rendu live…), encore moins d’un trio de texans (difficile de projeter le clichés de vulgaires rednecks évoluer dans une veine aussi classieuse). Autre ravissement auditif, la systématisation des vocaux travaillés à deux voix (masculin / féminin, l’œuvre du guitariste Ian Graham et de la bassiste Lisa Alley) reste l’une des signatures du groupe : chœurs, alternance, harmonies, tout y passe, avec à chaque fois un rendu final absolument inédit.
Bref, nul doute que le stoner racé et élégant du trio texan ne laissera toujours personne indifférent : les amateurs exclusifs de son brut, d’énergie primale et de gros riffs qui tâchent n’y trouveront sans doute pas leur bonheur. Les autres, patients et ouverts à d’autres horizons musicaux, devraient être réceptifs aux compos de The Well, qui nous propose avec ce Pagan Science rien moins que son meilleur album à ce jour (une conclusion un peu hâtive et gratuite pour un groupe qui ne compte que deux albums au compteur, j’en conviens).
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