Throttlerod construit (un peu dans la confidentialité) son parcours discographique comme un cheminement vers l’aboutissement stylistique, la consécration, l’album référence. Sera-ce ce Turncoat ? En tous les cas, on est heureux de les retrouver: on pensait le trio ricain perdu dans les eaux qui ont mis Small Stone, leur label, à genoux il y a une paire d’années. Tandis que le label remonte la pente, cahin-caha, Throttlerod lui est resté fidèle, et aura attendu une demi-douzaine d’années avant de donner un successeur au très bon Pig Charmer.
Musicalement, le groupe de Matt Whitehead reste sur sa voie : son stoner-metal se détache de plus en plus de ses atours sudistes, pour mieux se concentrer sur la perspective de la compo ultime. En conséquence, on retrouve sur cet album non pas une heure de bonne musique, mais plutôt douze bons titres… Nuance s’il en est en terme d’approche d’écriture, tant chaque chanson paraît ciselée, conçue comme un sous-ensemble propre, et chacune convoquant les atours stylistiques les plus efficaces… tous genres confondus ou presque ! Ce Turncoat manque singulièrement d’une trame claire : il emprunte à tant de tonalités, de styles (tous liés au metal quintessentiel) que l’on a du mal à caractériser l’empreinte du groupe. Est-ce un mal ? J’ai tendance à dire que non… tout du moins tant que la qualité des titres est de ce niveau. Il n’empêche, quand vient l’inéluctable moment où l’on aimerait pouvoir raccrocher la musique du combo à du « déjà entendu », la difficulté est symptomatique : le son de basse et les plans de guitare de « Lazy Susan » empruntent directement au White Zombie du XXème siècle, le cérébral et solennel « Never was a farmer » pourra rappeler des groupes comme Channel Zero dans sa montée en puissance (et sa conclusion superbement montée en épingle force au respect en terme de composition), le vicieux « You kicked my ass at losing » est une directe émanation des groupes de power metal US, « Gainer » rappellera les excellents ASG, etc…
Et c’est comme ça tout du long ! On entend du sludge, du metal, du grunge, du noise, du neo … Mais toujours à bon escient, sans lourdeur, avec talent et efficacité. Et mélodiquement, on est clairement dans le haut du panier. Alors non, toujours pas : Turncoat n’est pas l’album « sommet » attendu de la part des excellents Throttlerod, la faute justement à ce jeu de piste qui peut perdre l’auditeur dans certains cas. Il n’empêche que le talent développé par ces trois musiciens, musicalement et en terme d’écriture, force le respect. Et en cela notamment, Turncoat est un très bon album.
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