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Ufomammut – XX (box set)

[Note : on ne parle pas dans cette rubrique du box set lui-même contenant tous les albums du groupe, ceux-ci sont pour la plupart chroniqués individuellement dans nos pages]

A l’occasion de ses vingt ans de carrière, Ufomammut a organisé une petite tournée européenne célébratoire, et propose la collection de l’ensemble de sa production, à travers les sorties de tous ses albums (éditions spéciales, nouvel artwork), le tout dans un coffret collector. Pour agrémenter le tout, ils nous proposent à l’intérieur (donc pas dispo séparément) un disque spécial, XX (comme le nom du coffret), pour le moins atypique : il s’agit d’un disque de six titres pour moins d’une demi-heure de musique, où le groupe a capturé en live des ré-interprétations de quelques uns de ses morceaux les plus emblématiques. Dans cette configuration, qui a proposé cet exerice de style sur quelques dates en Europe l’an dernier, on retrouve Vita à la batterie sur un kit minimaliste plutôt orienté percus, Poia à la guitare électro-acoustique, tandis qu’Urlo a choisi de laisser de côté sa Rickenbacker emblématique pour se dédier aux claviers et au chant. Dans cet exercice, le barycentre musical du trio repose presque complètement sur ses épaules (tandis qu’en configuration traditionnelle, c’est plutôt les riffs bulldozer de Poia qui soutiennent la baraque), d’autant plus que ses lignes de chant figurent désormais au premier plan sonore, avec une technique en chant clair que l’on ne soupçonnait pas, habitué que l’on est à l’entendre beugler dans son Shure vintage blindé d’effets, relégué derrière des murailles soniques de guitare et de basse.

Les titres choisis visent à couvrir peu ou prou toute leur carrière, en piochant dans tous leurs LP, avec quelques omissions toutefois, en particulier le colossal Eve (probablement trop difficile d’extraire une section spécifique de ce colosse monolithique) et leur dernière production 8 (que l’on imagine trop « jeune » lors du travail d’écriture de XX pour apporter le recul nécessaire à une relecture intéressante).

Ça commence à la fois logiquement et judicieusement par « Satan » (l’une de leurs premières compos, morceau-titre de la première démo qu’ils ont enregistrée en 1999) qui, en terme de forme et d’approche, donne le ton du disque. A l’image de « Plouton » (issu du plus récent Ecate) qui prend sa suite ou de « Infearnatural » (Oro) un peu plus loin, on retrouve avec de gros efforts d’imagination la trame du riff principal réinterprétée en mode acoustique, simplifié à outrance, prenant la forme d’un petit lick de guitare acoustique bien répétitif (en écho aux riffs lancinants assénés pendant de longues minutes, habituels du trio transalpin sur ses titres originaux). A côté, une trame sobre de claviers vient finir d’habiller le titre, tandis que la voix de Urlo, en son clair, vient bouleverser nos habitudes. Bluffant… Le jeu de batterie/percus subtil et dépouillé apporte la juste touche rythmique utile aux titres, rien de plus (à noter que les deux premiers titres sont joués en duo, sans Vita). L’ancien « Lacrimosa » qui prend la suite se distingue un peu en proposant une approche noise quasi-drone dans sa mise en place, avec une guitare qui n’occupe aucun rôle mélodique (juste un grésillement en bruit de fond). La nature assez indus de l’original se change en tonalité plus électro… Point commun sur tout l’album : les structures des chansons retenues se cantonnent aux séquences de base des titres d’origine : les breaks un peu bourrins, les plans trop foutraques, les changements trop brutaux sont tous systématiquement oubliés pour ne garder que des corps de morceaux homogènes. Du coup l’ensemble peut paraître un peu aseptisé sur la continuité (et plus court, les titres étant tous tronqués de ces sections, à l’image ici du dernier tiers complet un peu foutraque de ce « Lacrimosa », absent de sa « relecture »).

Les deux derniers titres apportent un relief un peu différent dans la réinterprétation : « Mars » (issu de Lucifer Songs) se réapproprie largement le riff du refrain original et laisse Poia appuyer un peu sur la pédale de disto pour proposer un peu de saturation sur la gratte. Le titre apparaît par ailleurs plus travaillé dans ses arrangements, proposant une identité propre plus développée que les autres chansons de XX. Il en est de même de « Destroyer » (Idolum), qui transforme le chaos structurel de l’original en une sorte de bluette un peu malsaine, dotée quand même d’une sorte de break avec là aussi quelques guitares saturées, avant une clôture un peu « électro-expérimentale »…

De manière assez intelligente, Ufomammut propose un disque à ses fans et non pas au grand public (peu de petits curieux se procureront ce dispendieux box set, probablement plutôt imaginé pour des amateurs avertis). L’approche ne vise donc pas à proposer un nouveau visage du groupe, potentiellement plus attrayant pour le grand public. Débarrassés de ces préoccupations ou contraintes, libres d’expérimenter, ils se font plaisir musicalement et intellectuellement en développant une complète nouvelle approche musicale, autour de l’identité du groupe. Un investissement et un travail significatifs (gros travail de réécriture et d’arrangement) qu’il convient de saluer : si le disque n’est pas un joyau que l’on écoutera pendant de longues années en mode repeat, il apporte un regard intéressant sur la carrière du groupe, et une parenthèse rafraîchissante et surprenante. XX représente surtout un groupe bien vivant, créatif, et qui manifestement en a encore sous la pédale pour de nombreuses autres années. On se retrouve dans dix ans pour XXX ?…

Note de Desert-Rock
   (7.5/10)

Note des visiteurs
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