We a toujours été un groupe bien particulier dans la “sphère stoner”. Parce que c’est pas un groupe stoner, d’abord (bonne raison). Un groupe évidemment influencé, mais un groupe ambitieux dans son son, dans ses parti-pris, dans ses compos, dans les genres qu’il malaxe joyeusement pour un résultat toujours concluant, finalement. Une ambition qui lui joue des tours, toutefois, puisque le groupe se situe le cul entre deux chaises : un son et une “carrure” que l’on pourrait rapprocher de grosses pointures (commercialement) du rock, et pourtant un statut (hors Norvège) tout à fait modeste, avec des albums qui sortent sur des labels discrets, et des concerts plutôt confidentiels.
Mais avec tout ça, on ne parle même pas de musique. “Smugglers”, donc. Au vu de la claque reçue à l’écoute de “Dinosauric Futurobic”, on est en confiance lorsqu’on enfourne la galette. Impression renforcée au fur et à mesure que les titres se succèdent. Et les écoutes suivantes de l’album enfoncent le clou. Encore une fois l’accent est mis sur la qualité des compos, avant tout. Les titres sont entêtants, franchement, ils s’engramment via les cages à miel comme une bonne tartine de goudron bien chaud : une fois que c’est collé, ça bouge plus.
Deuxième remarque : la variété impressionnante des chansons, on passe de titres bien heavy, graisseux, dissonants, à des titres plus proches de la bluette mélodico-ambiante comme “Sassy Zazie”. A chaque nouveau titre, une nouvelle ambiance, et le tout baigne dans un son vintage 70’s tout à fait à propos. Le constat s’impose dès lors : Chriss Goss est un putain de bon producteur. Le son est souple, chaleureux, il caresse l’oreille, et devient plus grinçant, rèche, quand la tension doit monter d’un cran. Le tout dans une homogénéité remarquable. Chapeau.
Au final, on reste bluffé par l’homogénéité de l’ensemble en terme de compositions : toutes différentes, mais de qualité égale. Comment mentionner un titre plus qu’un autre dans ce cas ? On remarquera “Smugglers”, un titre délicieusement teinté 70’s, “Sulphur Roast Stomp” au break purement Masters Of Reality, ou “Crawling out of the wreckage” au chant très proche de Chriss Goss. “Lightyears ahead” propose une intro rock’n’roll bien jouissive et rappelle que le groupe sait envoyer du bois quand il veut, et “Catch electrique”, groovy à souhait, fait inévitablement taper du pied, un signe qui ne trompe pas quand on écoute un disque. Enfin, “On the verge to go”, qui commence de manière un peu soporifique, clôt l’album par un déluge de groove bien senti, presque totalement instrumental, entre space rock et rythmes orientaux.
Après de nombreuses écoutes, on s’aperçoit qu’il n’y a, objectivement, rien de mauvais à dire sur cet album. Et pourtant ce n’est pas l’album du siècle ! Le groupe mérite sans discussion un succès bien plus grand que celui qui est le sien, ça ne se discute pas. Néanmoins, il manque cette couche d’imperfection (avouez que ce genre de critique n’est vraiment pas objective), ce grain, ce “cachet” un peu typé qui rendrait ce disque un peu plus humain. Tout ça est remarquablement propre, et qualitativement irréprochable (en tous points, promis). Mais je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas mon album de l’année : il a tout pour l’être. Une idée ?
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