On s’excuse d’avance. C’est une certitude, tous ceux qui ont déjà lu quelque chose concernant Witchthroat Serpent ont nécessairement eu affaire aux lettres suivantes : Electric Wizard. On s’excuse alors de vous rabattre une nouvelle fois les oreilles avec cette comparaison, mais rien n’y fait, elle est inévitable. Alors, à toi, lecteur désabusé face à un tel manque d’originalité qui s’apprête à cliquer sur la croix de cet onglet pour aller plutôt lorgner une énième fois sur ton maigre fil d’actualité Facebook, préférant le reflet d’une vie sociale à un discours maintes fois ressassé, je dis STOP ! Promis, la bande de Jus Osborn sera proscrite de cette chronique. Enfin, le plus possible. Et puis tu verras, comme on dit en Italie, Sang-Dragon en vaut la penne.
Deux ans après leur premier album, les toulousains de Witchthroat Serpent rebranchent les amplis et ressortent les baguettes pour ce nouveau Sang-Dragon. Le Sang-Dragon est un encens très puissant utilisé pour combattre les énergies négatives, et qui peut s’avérer légèrement psychotrope si employé en grande quantité. Simplement placé sous l’oreiller, il combat aussi l’impuissance. Mais c’est seulement en tant qu’encens que Witchthroat Serpent en a fait l’usage, du moins à notre connaissance, puisque leur album a été entièrement enregistré sous l’influence de ces émanations hallucinogènes, en une journée s’ il vous plaît.
Seules quelques secondes d’écoute suffisent pour comprendre que l’encens en question ne joue pas dans la même catégorie que la bougie parfumée à la vanille de Madagascar. Le premier titre « Hydra’s Bewitchment », avec sa wah-wah hypnotique sur fond de discret larsen, nous plonge sous un clair de lune obscurci par les nuages, et on ne serait presque pas surpris si de la fumée venait à jaillir de nos enceintes, peaufinant ainsi une atmosphère parfaitement sinistre. Puis vient le riff, le gros riff qui dégouline tellement de graisse que l’on ne sait plus trop si il est joué par la basse, la guitare ou les deux. « A Caw Rises from My Guts » ou « Lady Sally » sont de beaux exemples en la matière, véritables uppercuts de sumotori façon Isio 4. Sang-Dragon oblige, l’album est teinté d’un psychédélisme qui ensorcelle. Après une implacable intro à la basse sur « Siberian Mist », des volutes de guitares viennent habiller délicatement le morceau et baignent l’auditeur dans une ivresse suave. De même avec « Behind Green Eyes » (clin d’oeil aux Who?) et son long passage solo est digne des meilleurs charmeurs de serpent.
Si la formule reste la même que son prédécesseur, Sang-Dragon est bien mieux produit. La voix très plaintive qui était auparavant un peu étouffée sous un tel amas de gras est maintenant mise en avant grâce à une légère reverb, la rendant à la fois plus présente et plus lointaine. Côté instru, la batterie est d’une précision assommante, et le duo guitare/basse est affûté à la perfection, pouvant trancher une côte de bœuf de la main gauche sans effort. Tout est donc plus propre, jusqu’à la pochette de l’album, où les gribouillis violets (suis-je le seul à voir un cheval au centre?) ont disparu au profit d’une impeccable esthétique entre les pulps magazines, les vieux slashers des années 80 et la filmographie de Gerard Damiano version cobra.
Certes, nos trois toulousains n’ont pas inventé la machine à défriser le persil : tout chez eux rappelle leurs ainés anglais. Si vous avez l’occasion de les voir en live, vous verrez également que la ressemblance va au delà de la musique, et que le chanteur et guitariste Fredrik Bolzann, Gibson SG bordeaux au niveau du nombril, fait indéniablement penser à vous-savez-qui. Pourtant, il serait idiot de bouder notre plaisir puisque Sang-Dragon est une vraie réussite, pour toutes les raisons évoquées plus haut.
Sur leur premier album subsistait l’amer constat que n’était pas Electric Wizard qui voulait. Cette fois-ci, nous sommes bien obligé de revoir notre jugement.
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