Yawning Balch, comme son patronyme assez peu avisé le laisse supposer, c’est Yawning Man (Gary Arce et n’importe quelle paire de musiciens, en gros) + Bob Balch, le guitariste de Fu Manchu. Les deux bonhommes jouent déjà ensemble depuis quelques années dans le cadre de Big Scenic Nowhere, donc on n’est pas sur la rencontre la plus improbable de la décennie non plus. Cette fois, ils se sont dit qu’écrire de la musique et passer du temps à l’enregistrer était un concept un peu usé et un process probablement trop routinier : ils ont préféré se caler dans un studio quelques heures et se lancer dans quelques impros en appuyant sur “record”, quitte à voir ce qui en sortira. Une sorte d’enregistrement “ambulatoire” : on est à la maison le matin, on va faire sa petite intervention, et on rentre manger avec maman le soir.
Ce qui en ressort, malheureusement sans surprise, c’est une jam de Yawning Man de 43 minutes, avec quelques leads de guitare par dessus. Voilà voilà. On le répète : pas d’écriture, pas de riff, que de l’impro, donc on a trois bouts de jam qui ont néanmoins une identité, quelques nuances. Ces nuances en fait tiennent surtout à la section rythmiques (Billy Cordell et Bill Stinson, quand même) qui impriment une trame rythmique et mélodique à chaque section de cette jam. Leur rôle est finalement majeur, même si les gars sont sous-employés ici, se cantonnant à définir le socle rythmique qu’ils font tourner, avec talent, pendant x minutes. Voir le premier titre, “Dreaming With Eyes Open”, dont la base mélodique pilotée par Cordell se cantonne au même riff de basse, grossièrement, qui tourne pendant plus de vingt minutes à différents tempi. Tandis que “Cemetery Glitter” est plus déstructuré, jazzy parfois, “Low Pressure Valley” vient conclure la galette encore une fois sur une base rythmique qui tourne (en rond ?) pendant plus de 7 minutes.
Toutefois, même si le truc est produit avec les pieds (les intros et outros toutes en fade in / fade out font honte), ce n’est pas mauvais du tout, loin s’en faut… si vous êtes fans de Yawning Man. Y’a des caisses de leads de guitare blindés de réverb, son clair, en mode “surf rock” désormais estampillés “marque de fabrique Gary Arce”, toujours les mêmes, invariablement. Sauf qu’il y en a une double dose, avec Balch qui vient apporter ce qu’on qualifiera d’une surcouche de leads, mal identifiée (avec tous ces bidouillages de sons, difficile souvent de distinguer ce qui est l’œuvre de Arce ou de Balch). Mais au delà du style musical, qui a (j’imagine) ses afficionados, on a du mal à voir émerger l’identité du projet, sa valeur ajoutée. Yawning Balch, rappelons-le avec une touche de mauvaise foi, signifie assez ironiquement (ou cyniquement, c’est selon) “Balch en train de bailler”.
A noter que l’affaire n’est pas close : comme son nom le laisse présumer, ce Volume One en appelle au moins un second. Au delà, ça dépend probablement du succès de cet opus, ce qui appelle évidemment la question : mais qui sont les personnes qui achètent ce genre de disques ? La question qui vient juste ensuite est : peut-on apprécier ce disque sans avoir “consommé” ? Je n’ai malheureusement la réponse à aucune de ces questions.
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