Octobre 1971 : le groupe Pink Floyd se rend à Pompeii, l’un des plus grands sites archéologiques du monde, pour un concert un peu spécial : seuls au milieu de l’amphithéâtre, dans un cadre antique absolument grandiose, les 4 musiciens ne jouent devant aucun public, donnant une impression irréelle de pureté originelle permettant au téléspectateur de se focaliser uniquement sur la musique. Le contraste entre le dramatique de l’endroit et la beauté de la musique offre un contraste réellement saisissant. Sorte « d’anti-Woodstock », organisé deux ans auparavant, ce concert plus qu’intimiste fera date dans l’histoire de la musique et tranche radicalement avec les gigantesques tournées des stades à venir pour le groupe.
Mai 2020 : le Covid-19 est passé par là, le monde entier est recroquevillé sur lui-même, enfermé et coupé de toute relation humaine. L’humain se désociabilise, l’avenir n’est pas franchement optimiste et la distanciation sociale force les artistes à se réinventer, à oublier leurs certitudes et à faire voler en éclats leurs habitudes. Mais comment s’exprimer musicalement et visuellement quand il ne reste plus aucune possibilité de se produire en public ? Eh bien, la solution est toute trouvée : se produire… seul, perdu au milieu du désert, dans le strict respect de mesures de plus en plus drastiques. C’est donc le parti pris choisi par Yawning Man, l’une des plus mythiques formations de desert rock californien, donc du monde.
Depuis près de 35 ans, Yawning man s’est fait le chantre des generator parties, ces concerts sauvages électrifiés par des générateurs électriques, véritable institution du genre. Du coup, quoi de plus normal de retrouver Mario Lalli, Gary Arce et Bill Stinson au beau milieu des étendues désertiques californiennes. Mais attention, pas n’importe où : sur l’étonnant site de Giant Rock, au beau milieu du désert mojave, un lieu vénéré autant par les indiens que par les chasseurs d’extraterrestres. Il faut dire que le lieu est irréel : des formations rocheuses immenses jonchent le sol, donnant l’impression qu’une météorite a foncé sur une montagne. On se sent vraiment minuscule devant cette nature qui, décidément, n’a que faire de nous, pauvres humains, et qui essaie par tous les moyens de nous faire comprendre que nous ne sommes que les locataires des lieux… Bref…
C’est donc là que nos trois comparses ont posé leurs instruments et leurs générateurs et ont décidé de se lancer dans une sorte de suite au Live at Pompeii du Floyd. Ils nous proposent cette expérience filmée en multi-caméras (le support est donc dispo non seulement en LP seul mais aussi DVD) : 4 titres pour 51 minutes de musique, un décor de rêve et un groupe mythique, voilà ce qui vous attend à l’écoute (et la vision) de ce Live at Giant Rock particulièrement rafraichissant, envoûtant et dépaysant. Outre la qualité musicale des trois comparses, Live at Giant Rock offre une bouffée d’air frais salutaire, un voyage pour les sens, un remède à la claustrophobie ambiante qui gangrène notre société actuelle. Un document, une expérience, une porte d’entrée vers un monde nouveau, peut-être, qui verra sans doute pour quelques mois encore l’agonie de toute vie sociale et culturelle. Faut-il s’en réjouir ? Non, évidemment, mais ce genre de disque et de démarche fait passer un peu mieux une pilule toujours aussi difficile à avaler.
On ne peut donc que saluer et remercier chaleureusement Gary Arce, Mario Lalli et Bill Stinson pour ce moment hors du temps, loin des contraintes et des tracas du quotidien. Merci à eux pour cette parenthèse enchantée qui rassure sur un fait : non, la culture, le stoner et la musique ne sont pas que des lointains souvenirs et l’humanité peut encore prouver qu’elle peut se dépasser, se surpasser et conserver ce qui la différencie des autres espèces : un supplément d’âme, une capacité de résilience incroyable et une farouche volonté de survivre. Live at Giant Rock, le disque de l’année, le disque du nouveau monde.
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Magnifix!