Surfant sur une vague de buzz essentiellement ricain (notez que la quasi intégralité des médias français sont passés complètement à côté jusqu’ici de ce groupe somptueux…), Year Long Disaster n’a pas traîné à se reposer sur ses lauriers critiques : au milieu de plusieurs tournées internationales, le groupe a trouvé quelques jours pour enregistrer un nouveau bijou en rondelle, sous la houlette de Nick Raskulinecz (Foo Fighters, Alice In Chains, Velvet Revolver, Rush, …), ni plus ni moins.
Les premières écoutes peuvent paraître déstabilisantes pour quiconque avait aimé le côté rock rocailleux du trio, presque crasseux par moments, sur leur première galette. Le son sur ce nouvel album est gros, majestueux, ronflant, impeccable, avec très peu de place laissée aux imperfections. Les compos, ensuite, sonnent au début plus “légères” que celles que l’on connaissait. Mais au bout de quelques écoutes, la vraie teneur de l’album prend le dessus, et le coup de bluff est découvert. Là où le son pouvait paraître “trop propre pour être honnête”, on note en réalité sa pureté, et surtout sa profondeur qui permet de laisser une place inouie à une somme incroyable de détails sonores : couches d’instruments inombrables, choeurs, percus, effets, arrangements divers, etc… chaque écoute révèle son lot de surprises, et l’écoute de l’album au casque ou dans une configuration acoustique performante est à vous filer la chair de poules.
Au niveau compos, le ressenti initial révèle en réalité une variété de chansons impressionnante, relevant toutes du même gros hard rock auquel le trio nous avait rendu accro. Ouf, on retrouve nos repères ! Sauf que le cadre musical du groupe s’en trouve élargi, étiré, et presque explosé. Au premier abord, rien de particulièrement surprenant dans les premiers titres, les redoutables “Show me your teeth” et “Love like blood” : ces titres, les premiers composés pour l’album, sont aussi ceux qui font le mieux le lien avec l’album précédent (ce qui n’enlève rien à leur efficacité). Avec “Seven of swords”, un pas audacieux est franchi : dans une veine franchement intimiste, le chant fragile à fleur de peau de Daniel Davies, accompagné de sa guitare sèche et d’un minimum d’arrangements apportent une émotion remarquable. “She told us all”, apporte un enchaînement couillu, avec un autre morceau mid tempo d’affilée : sur cette “presque-balade” insidieuse, les vocaux hantés de Davies portés par un riff apocalyptique emmènent ce refrain dans des sentiers inédits pour le groupe. Imprévisible… Pour mieux appuyer cette instabilité de tous les instants, l’un des meilleurs titres de l’album, “Cyclone”, cloture l’album en trombe en déchaînant son torrent de guitares dans les haut parleurs. Cette chanson d’une efficacité remarquable, est portée par une rythmique hallucinante de maîtrise et de sobriété : une basse ronflante qui porte le titre au galop comme un éclaireur de cavalerie, et une batterie qui, sous des airs de simplicité, impose en réalité un rythme “asynchrone”, faussement binaire, dont le décalage génère le sentiment d’un morceau perpétuellement “sur la brèche”. Un arrangement bluffant. Le groupe nous balade perpétuellement avec d’autres titres, tous bien heavy et accrocheurs (“Venus at the crossroads”, le super heavy “Major Arcana”…), pour porter globalement très haut le niveau de composition de cette galette. Le fait que Will Mecum (Karma To Burn, encore…) ait co-composé 3 titres n’est probablement pas étranger à la teneur riff-esque de l’ensemble des titres.
Au final, Year Long Disaster, malgré sa filiation avec Karma To Burn et le hard rock 70’s, ne fait pas vraiment du stoner. Pour autant, leur musique a un potentiel de séduction immense auprès des fans de stoner, et pas uniquement de par ses racines : un sens vicéral du riff, un son de guitare énorme, une rythmique ronflante… Sur ce dernier album, le groupe, confiant et à l’attitude intègre, balance ses titres sans plus de blabla, et laisse parler la poudre. Le résultat est à la fois intelligent et franc du collier, d’une efficacité dévastatrice. “Black Magic” est de ces albums trans-générationnels et trans-genres, de ceux qui ont le potentiel de faire chavirer tout fan de rock vers le côté obscur.
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