Gary Arce n’est pas homme avare en projets. Depuis Across The River à The Sort Of Quartet en passant par Yawning Son, il est pour la plupart d’entre nous le guitariste du très bon groupe instrumental Yawning Man. Un groupe au ratio albums par année indéniablement faible, tout comme les évolutions d’une production à une autre. Mais où Gary Arce a expérimenté un style original, qui s’attache à mettre en musique un désert plus évocateur de vie et de richesse que de mort et de sécheresse. Et même si le sentiment d’avoir fait le tour de la question peut émerger aujourd’hui, tant Gary Arce semble vouloir rester dans sa zone de confort très personnelle, ce qu’il a à nous dire reste pertinent. En multipliant les collaborations, c’est sûrement un nouvel angle qu’il cherche pour ses propos. Un catalyseur à même de nous emmener sur un terrain moins arpenté. J’étais donc à l’affut de l’arrivée de ZUN et de son « Burial Sunrise », que Gary Arce considère maintenant comme son second projet principal.
Comme il me l’avait dit lors de notre rencontre il y a un an (à lire dans nos pages), ZUN, c’est d’abord lui avec sa guitare, une basse, un lap-steel et des boucles à n’en plus finir. La différence tient aussi dans le fait qu’il est accompagné de deux chanteurs. Il y a cette vielle connaissance de John Garcia puis Sera Timms (Black Math Horseman). Il n’oublie bien sûr pas sa famille et l’on retrouve Bill Stinson (Yawning Man) et Harper Hug à la batterie et son ami de toujours Mario Lalli (Fatso Jetson) pour une ligne de basse sur un morceau.
L’album est construit autour d’un parti pris, celui de donner à chaque chanteur trois morceaux qui vont s’alterner un à un.
C’est le John Garcia tout en retenue, voire par moment crooner, qui commence sur « Nothing Farther » et c’est ce même Garcia qui nous accompagnera sur deux autres morceaux. Le travail de Garcia est très juste et fin, qualités qu’on lui connaissait, mais qui est ici mis en valeur d’une manière nouvelle grâce à Gary Arce. Le résultat est excellent.
Quant à Sera Timms, c’est un chant très éthéré, mélancolique et un peu prophétique qu’elle injecte dans des compositions qui le sont déjà. Une touche de douceur également, qui s’accorde magnifiquement avec le style de Gary Arce. On s’y sent bien. Tellement bien qu’on ne rechignera pas sur les trois morceaux pourtant au ton proche.
D’un côté, ces collaborations sont donc une vraie réussite, l’alchimie est bien présente et le résultat coule de source. Tout cela semble naturel pour eux comme pour nous. La recherche musicale est très riche avec des successions de couches complexes et très travaillées, des détails nombreux dans le spectre sonore qui se révèlent au fur et à mesure des écoutes, tout en gardant une cohérence et une musicalité dans un carcan atmosphérique.
De l’autre, le spectre de Yawning Man se fait parfois trop présent, en particulier sur le morceau d’ouverture. Heureusement, cette impression n’est pas valable pour l’ensemble et on se plait à découvrir quelques nouvelles facettes du talent de Gary Arce, même s’il reste dans sa zone de confort, imperturbable. A cela s’ajoute aussi une certaine homogénéité dans le traitement réservé à chaque chanteur, légèrement dissimulée par l’alternance.
C’est donc un vrai plaisir que procure l’écoute de cet album qui possède une ambiance dont il est difficile de s’extirper. Il reste néanmoins une très grande homogénéité bicéphale qui aurait gagnée à connaître des ruptures. Il y a en tout cas matière à évolutions pour la suite, que je n’espère pas hypothétique.
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