Le Glazart n’affiche pas complet en cet agréable début de soirée parisienne. Le grand public aura manifestement craint de déflorer ses conduits auditifs, tant il apparaît évident à la lecture de l’affiche de ce soir que ces derniers seront fortement sollicités…
Première illustration avec les hollandais de Throw Me In The Crater qui montent sur les planches pile à l’heure devant les premières dizaines de rockers déjà arrivés. Mon Dieu que c’est sale ! Le groupe débite ses riffs lents et crades larvés des beuglements déchirants de son grand (par la taille au moins) vocaliste. Le jeu de scène est minimaliste, les zicos étant concentrés sur leur taf, et le chanteur headbanguant penaudement dans son coin lorsqu’il ne part pas dans des vomissages de tripes les yeux fermés. Ces dernières années, le sludge est devenu un genre largement pratiqué / usé / abusé par tous types de groupes, mélangé à différents types de sons… Ca aboutit à des trucs-bidules-core sludgy selon les groupes. Malheureusement, difficile dans ce maelstrom de groupes et de sous-genres de tirer son épingle du jeu, car faire original devient difficile. Throw Me In The Crater se heurte un peu à cet écueil, qu’il tente néanmoins de contourner par l’efficacité de ses riffs qui parviennent à faire hocher pas mal de têtes dans un public intéressé mais pas complètement conquis. Bonne démonstration néanmoins.
Les parisiens de Revok prennent la suite sur la scène encore chaude, et finalement la transition se fait sans peine : même si la veine musicale est plus rock, le groupe s’adresse à un public pas si éloigné que ses prédécesseurs ce soir. Le combo évolue dans un genre plus connoté hardcore avec influences Neurosis et Dillinger Escape Plan, avec des riffs cinglants ponctués de breaks acérés et de plages sonores aériennes. Une musique encore une fois pas révolutionnaire, mais bien exécutée, et dont l’efficacité n’est plus à prouver. On se laisse pas mal emporter par les passages atmosphériques lancinants, pour mieux se faire faucher en plein air par les hurlements du chanteur, frontman incontesté d’un quintette par ailleurs un peu statique.
Enfin, Toner Low installe tranquillement son matos, cale sa lampe à lave sur la grosse caisse de Jack, et entame son set dans un ronflement de basse, alors qu’on le croyait encore en plein soundcheck. Les lumières se tamisent (beaucoup !) pour laisser place à un spot verdâtre fixe, et le vidéo projecteur commence à diffuser pendant plus d’une heure de set des feuilles de cannabis en mouvement perpétuel. L’ambiance est dressée et le ton est donné : la soirée sera psyché ou ne sera pas. Le premier riff émerge rapidement du maelstrom sonore et débloque les premières nuques dans le public, qui ne s’arrêteront plus jusqu’à la fin du set. Le doom psyche des hollandais s’installe alors très vite auprès d’un public particulièrement réceptif. Faut dire que Toner Low a roulé sa bosse et son expérience scénique fait son effet : le groupe installe d’abord visuellement une atmosphère propice à la concentration et “l’évasion” du public, grâce à un light show statique et hypnotique, un jeu de scène tout en neutralité (l’introspection est de rigueur) et débite les riffs lancinants non stop pendant une grosse heure. La musique du groupe ne rentre néanmoins pas dans le carcan de la monotonie, et n’a pas la lenteur comme unique registre. Les envolées sont donc nombreuses, les montées en tension régulières et les rythmiques enlevées ne manquent pas. Le public ne s’y trompe d’ailleurs pas, porté par les salves rythmiques et happé par les lignes de basse ronflantes de la belle Miranda et ses immenses dreadlocks ondulant au rythme des basses fréquences… Daan mène le débat à coups de médiators, s’approchant occasionnellement du pied de micro pour émettre quelques râles lointains noyés d’effets, et secoué ponctuellement de spasmes et autres fulgurances guitaristiques, maintenant sous tension un public ravi d’être ainsi immergé dans cette expérience commune. Au bout d’une heure et quelques, le set touche à sa fin (cinq ou six titres ont été joués à ce stade, de mémoire), et le groupe, un peu maladroitement, ne sait pas trop s’il doit quitter la scène ou pas pour un rappel finalement un peu téléphoné mais néanmoins attendu et apprécié. Mieux, passé ce titre, alors que les membres du groupe plient les gaules, Daan, appréciatif des sincères signes de reconnaissance du public, décide de proposer un “vrai” rappel, complètement imprévu (prenant par surprise Miranda, qui, elle, avait déjà quitté la scène). Un geste généreux, apprécié du public, connaisseur.
Une fort bonne soirée, dont on regrettera seulement qu’elle ne fut pas partagée par un public plus nombreux.
Laurent
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