JOUR 1 :
On ne le dira jamais trop : les horaires du Hellfest cette année frisaient l’indécence. De fait, faire jouer le premier jour du festival les excellents Hangman’s Chair et les furieux Valient Thorr respectivement à 10h30 et 11h relève du pur sadisme, limitant leurs concerts à un public encore rare. Bingo, je les rate, avec une profonde amertume !
Quand j’arrive sur le site sous un temps grisâtre, je fonce donc vers mon lieu de villégiature préféré du week-end, la Terrorizer Tent, qui accueille les premiers riffs de MY SLEEPING KARMA. Quelle belle introduction pour le week end, finalement ! Le stoner racé à tendance psychédélique du quatuor allemand est vraiment accrocheur. Alors que je m’attendais à un set atmosphérique (entendez « mou et ennuyeux ») je ploie pendant une grosse demi-heure sous une montagne de riffs et de morceaux superbement ficelés. Effectivement très portés sur les ambiances ensorcelantes (l’apport du discret claviériste est indéniable), jamais le songwriting et l’efficacité des titres n’est négligée. Plus surprenant encore, les musiciens se donnent à fond sur scène et vivent sincèrement leur musique, leur attitude et leurs sourires ne trompent pas. Le set défile bien trop vite et donne clairement envie de découvrir ce groupe sous format vinylique. Bonne entrée en matière !
Après un petit break « non stoner », KRUGER représente une parenthèse assez agréable. Les suisses sont là pour défourrailler, et même si le genre musical du groupe les éloigne un peu de nos sonorités de prédilection, il est probable que les fans de Desert Rock à l’esprit ouvert soient susceptibles d’apprécier leur musique. Evoluant dans une sorte de post-hardcore-noise-bidule assez élaboré, le groupe est clairement ancré dans une mouvance typiquement suisse (Shovel, etc…) et peu aussi occasionnellement rappeler Neurosis ou Capricorns. Le groupe soigne sa présence scénique, baigné dans une brume artificielle et des spots à contre-jour, dirigés par leur charismatique vocaliste Reno. Ca joue bien, c’est sincère, et le public suit bien.
Cet intermède passé, on se tient prêts pour la prestation attendue de CHURCH OF MISERY. Les doomsters japonais sont rares sur scène en nos contrées, ce qui est fort dommage au vu de la pêche qu’ils ont ! Le chanteur Yoshiaki Negishi est monté sur ressort, se contorsionne dans tous les sens et vient vomir ses lyrics « serial killeresques » jusque dans le public dès que l’occasion lui en est donnée. On ne s’ennuie pas ! Les autres musiciens sont bien plus statiques malheureusement, même si la touche « désabusée » du bassiste Mikami est distrayante, portant son instrument au niveau des chevilles et grattant les cordes sur le manche, au rythme lancinant et roboratif des titres du groupe. Musicalement, le son est excellent, et les titres doom old-school (entendez par là plutôt mélodiques que dronesques) passent bien. Bonne prestation, même si on attendait peut-être quelque chose de plus « marquant » (pour être honnête on attendait un concert culte !)…
Après une petite pause, les choses sérieuses commencent avec un EYEHATEGOD placé de manière assez surprenante assez tôt sur l’affiche (le groupe jouait sur la main stage à un horaire très raisonnable il y a deux ans). Peut-être un simple problème de synchro pour le père Bower qui partage ses tâches avec Down ? Toujours est-il que le set du groupe apparaît un peu moins enflammé que celui, débridé, d’il y a deux ans. Les zicos apparaissent plus « intériorisés ». Notons que la courte durée du set (45 petites minutes) ne participe pas à la nécessaire immersion dans l’univers sludgy du combo louisiannais. Plus de 12h après l’heure de mon réveil, peut-être est-ce aussi le premier coup de barre qui m’a laissé circonspect ?… Dommage, on passe un peu à côté.
Un court instant plus tard, il est temps de se préparer à l’une des plus grosses déflagrations de la journée, avec le set de KARMA TO BURN. Le sourire jusqu’aux oreilles, Will et Rich s’emparent de leurs instruments et décochent les premiers accords de « 36 », et ça bastonne très fort, tout de suite. C’est carré, efficace, sans gras. La set list est impeccable, et les morceaux s’enchaînent sans temps mort, le groupe optimise son créneau horaire en faisant rentrer au forceps une grosse dizaines de chansons taillées dans la pierre. Les titres du dernier album fonctionnent bien (« 47 », « 49 ») tout comme les extraits de « Appalachian Incantations » (« 41 »). Forcément, le final sur « 32 » mais surtout sur l’apocalyptique « 20 » mettent un coup de semonce à cette fin d’après-midi, et montent la barre un peu haut pour les successeurs sur l’affiche… Grosse performance, KTB nailed it.
Je me vois contraint de quitter le set de Karma sur le dernier morceau pour tenter d’aller voir DOWN. Malheureusement, pour des questions d’organisation et de logistique propres aux photographes, je n’ai pas pu assister à la moitié du set du groupe. Suite à cette frustration, le climat maussade (une pluie fine et vicieuse arrose régulièrement Clisson) n’aidant pas, j’ai été assister penaudement à la fin du set, sans conviction. Subjectivement, Down semblait un peu en mode automatique. Il n’y a guère que Pepper qui se donne à fond. La set list m’a en tout cas fait plaisir, avec pas mal d’incursions dans leur premier méfait « NOLA ». Paradoxalement, le sentiment d’un groupe « en roue libre » est confirmé par la conclusion sur « Bury me in smoke », qui a vu se succéder une demi-douzaines de musiciens différents… sans que l’on n’entende concrètement la moindre rupture de transition d’un musicien à l’autre ! Moment fun finalement, mais ma légère amertume l’emporte… Ca manque un peu de « vie » sur la main stage, vivement le retour bien au chaud sous la vibrante tente Terrorizer…
Après un petit passage « nostalgie » avec les bourrins méticuleux mais furieux de Meshuggah (bon set), retour sous la Terrorizer pour assister au set mi-figue mi-raisin de CORROSION OF CONFORMITY. Soyons honnêtes, le désormais trio profite d’un vague quiproquo pour atterrir aussi haut sur l’affiche sur des festivals de cette trempe : gageons que si tout le monde savait que le groupe n’est composé « que » de son line-up d’origine, et ne joue « que » des morceaux de ses deux premiers médiocres albumps, peu de monde se serait déplacé. Preuve en est la maigre poignée de fans qui chantent les titres, dans le public (sans doute les seuls qui ont acheté ces disques à leur sortie), tandis que les autres ne comprennent pas l’absence de Pepper Keenan (on les avait pas prévenus ??). La démarche pourtant honnête et intègre du groupe (ils pourraient jouer des titres récents sans Pepper) ne produit pas pour autant un set mémorable. Il faut dire que l’allure « vieux surfer » de Woody, ses mimiques de clown, et le jeu de basse austère de Mike Dean ont toujours apporté un côté « décalé » au groupe, qui détonne dans un festival de metal. Heureusement, le « miracle » se produit alors que l’on note la discrète présence de Pepper sur le bord de la scène (avec d’autres membres de Down) : pour conclure le concert, l’ancien frontman du groupe attrape une guitare avec un grand sourire pour jouer avec ses potes « Vote with a bullet » (étrange choix d’un titre issu d’un album sans Mike Dean, même si c’est un classique du groupe). D’un seul coup, la tension monte d’un cran, et le plaisir de Pepper de jouer avec ses potes fait sincèrement plaisir à voir ! Du coup, le set finit très bien (et Pepper sauve la mise).
Pas le temps de se reposer, CLUTCH est en train de brancher ses amplis sur la scène. La tente est blindée quand le groupe entame le set par l’un de ses titres les plus péchus, « The mob goes wild ». Le message est clair : on rentre dans le lard direct et on tient le public par la gorge pendant 50 minutes. Après le premier uppercut, Clutch balance une doublette groovy avec « Profits of doom » et « 50,000 Unstoppable Watts ». Le public est clairement à fond, ce qui fait plaisir à voir. Même si Sult et Maines restent quasi imperturbables, les voir débiter à la chaîne leurs soli, riffs et lignes de basse impeccables laisse rêveur. Heureusement, comme d’habitude le sieur Gaster est à fond dans son trip et surtout Neil arpente la scène de long en large en hurlant dans le micro, ce qui suffit à assurer la présence scénique attendue. Après les premières mesures de « Gravel Road », le groupe, à son habitude, se sert du lit rythmique impeccable de ce titre pour jammer pendant quelques jouissives minutes. Le sans faute continue, avec « Freakonomics » pour introduire la déflagration finale : « Cypress Grove » puis « Electric Worry » (enchaîné comme sur l’album à « One Eye $ »), soit encore l’un de leurs titres les plus efficaces, mais pour finir cette fois. Bref, une set list taillée pour faire saigner, et ça a marché. Clutch a vaincu plusieurs centaines (milliers ?) de personnes, KO debout, le sourire aux lèvres en quittant la tente…
Vaguement curieux, je fais un passage par Rob Zombie, mais je préfère rejoindre la tente Terrorizer pour un peu plus « de sensations » avec le set des MELVINS. Je vais pas vous la faire, moi et les Melvins c’est une histoire d’amour manquée, un truc qui n’a jamais complètement marché. J’ai probablement essayé les albums les moins « accessibles », j’étais peut-être pas dans le bon état d’esprit, etc… Bref, toujours est-il qu’il me serait impossible de reconnaître beaucoup de leurs chansons. Néanmoins, force est de reconnaître que sur scène, il y a quelque chose qui se passe. Se reposant sur sa configuration rythmique « traditionnelle » de 2 batteries et une basse, c’est bien Buzz qui attire les regards : avec sa mythique touffe capillaire désormais grisonnante, le charismatique leader assure. Sur le côté de la scène, la moitié de Down est là, y compris le père Anselmo, qui se conduit comme un gros con ivre mort. L’apport de la double batterie est marginal (toutes les parties sont doublées), mais l’expérience musicale est probante, et le public est aux anges.
A l’horaire indécent de 1h du matin (après une journée de 20 heures d’affilée et quelques sacrés concerts dans les pattes), MONSTER MAGNET prend enfin la scène pour finir la journée. Le groupe démarre avec le désormais habituel « Nod Scene » : cette entrée en matière marche bien lorsque le groupe est headliner, mais s’avère un peu molle sur un concert court en festival, pour lequel on aimerait voir un groupe la bave aux lèvres, prêt à tout donner pour montrer ce qu’il a dans le ventre. Idem, « Tractor » et « Dopes… » sont de super titres de Space Rock, mais pas vraiment des titres pour emballer un public fatigué et un peu ramolli… La suite est à l’avenant : pas mal de mid-tempo, des titres aériens ou heavy plutôt lents… Une set list idéale à mon avis pour les fans, mais, dans le cadre d’un festival metal, devant un public qui en partie ne connaît pas le groupe et qui hésite entre rejoindre le camping et rester un peu plus devant un dernier concert, est-ce la set list qui convenait ? Clairement, ça commence à être dur pour votre serviteur, et après 5-6 chansons, j’ai plié les gaules…
A suivre…
Laurent
[Photos : Laurent]
Et c’est reparti pour 3 jours de Métal non stop !
Pour ce premier jour, le temps est grisâtre… j’espère qu’on n’aura pas de pluie. Le site est comme à son habitude, composé de deux grandes scènes et de deux tentes, avec le coin VIP et le marché. Une fois mes habitudes retrouvées, je me suis dirigé vers le premier groupe de la journée : Architects. Bonne musique, un metal technique rageur tendance « metal core », rien de sensass non plus. Dur de jouer dans les premiers.
Je suis resté dehors pour enchaîner avec The Dwarves…. Les déjantés punks ricains menés par un Blag Dahlia déchaîné, ne se limitent pas à un punk rock binaire, et proposent pas mal de technicité dans leurs accords… Cela m’allait très bien pour commencer.
La pause du midi a fait du bien pour recharger les batteries. Je ne connaissais pas Dagoba, notre groupe Frenchie ! Ils ont bien tenu la scène, le public a adoré. J’ai beaucoup apprécié leur set.
La journée a été maussade. Soit on mettait le K-way, soit on se retrouvait en tee-shirt car le soleil frappait fort. Puis surtout quand il pleuvait, tout le monde partait se réfugier sous les tentes. Heureusement que la tente VIP existe ! Toujours aussi agréable cet endroit, un bon coin où l’on est peu dérangé. Et ça été le cas pour Meshuggah, qui a quand même bien assuré, sous une pluie assez forte… pas top tout ça.
Iggy, lui, n’a pas eu de pluie ! Heureusement, car fidèle à son habitude, il est torse nu sur scène. Ah, du bon Iggy Pop, avec quelques classiques des Stooges qui n’ont pas pris une ride. L’éclairage était parfait. Lui se démenait devant ses 10 000 spectateurs ! Une super presta, même si le reste du groupe était un peu mou.
Le meilleur de la journée a quand même été Rob Zombie. Comme par hasard, le ciel nocturne s’est dégagé, et nous avons pu voir une scène en entier, avec notamment des pieds de micros faits avec des os de squelettes… Cela promettait ! Puis ils sont rentrés sur la scène avec l’énergie d’un jeune groupe de metal ! Quelle prestance. Les costumes sont de toute beauté. Et les morceaux (du White Zombie et Rob) sont excellents ! Un vrai régal.
Pour finir, Mayhem, pour moi, a été vraiment décevant. J’étais trop loin, avec pas beaucoup de son. Quelques flammes heureusement, mais sinon c’était mou. N’étant pas expert en Black Metal, je me garderai bien de juger la performance…
JOUR 2 :
Deuxième jour, avec le premier groupe de la journée : Crucified Barbara. Nous voulions voir un groupe de filles, avec tout ce qu’il faut pour apprécier. Nous n’avons pas été déçus… Peut-être que je suis passé un peu au travers de leurs morceaux (qui m’ont semblés assez fade…), mais finalement leur physique a fait le reste !
Le temps a été beaucoup plus clément que la veille. Je me suis baladé dans le site, pour faire une pause Metal Market entre 12h et 14h, afin surtout de profiter un peu du calme. Tout est relatif… Mais la poussière commence aussi à arriver dans cet endroit. Avec Your Demise, je suis tombé en arrêt sur les 4 dernier morceaux du groupe. Une folie dans la Tente Terrorizer !!!! Une sacrée poussière aussi dans la tente ! Du très très bon hard core. Mais si j’ai bien compris la programmation, toute la journée dans la Terrorizer, ça va bouger !
Les violoncelles d’Apocalyptica, ont adouci quelques temps mes oreilles. Ils ont vraiment le don d’attirer les foules. Un monde de dingue devant la Main Stage 1. Ils ont bien sûr fait des reprises, mais aussi ont joué des titres leurs derniers albums.
Après le repas, j’ai enchaîné sur Kreator. Ils ont joué un bon thrash métal, sans surprise, mais efficace.
Pour Scorpions j’ai réussi à me placer correctement (en attendant 1h devant la scène). Et là premier couac de la soirée. Les rouages du Hellfest ont un peu patiné… 1/4 d’heure de retard… Je sais on devient exigeant. Mais comme jusqu’a présent tout fonctionnait bien… Puis quand même, les premiers morceaux m’ont déçu. Je pense qu’ils avaient un problème de son, ou alors c’était moi, trop sur le coté ? Il n’empêche qu’ils n’avaient même pas de décors, ni d’effet visuel. Dommage. Sur ce, je suis rentré retrouver l’équipe.
[A suivre…]
Daniel
[Photos : Laurent]
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