YOB (+ Wiegedood) – 25/10/2018 – Bordeaux (Rocher de Palmer)

Première date au Rocher de Palmer pour votre serviteur, alléché par l’excellente réputation de la salle. En arrivant, le sourire : le parking est plein et grouille de public. C’est donc un peu éberlué (la notoriété de Yob s’est développée… mais à ce point ?!) que l’on s’approche du guichet… pour mieux comprendre la situation : en fait le Rocher de Palmer est un complexe de plusieurs salles, dans lesquelles jouent ce soir, en plus de Yob, un trio de joueurs de luth oriental dans une salle, et un artiste syrien dans une autre ! Autant vous dire que pour éviter tout risque cardiaque il vaut mieux ne pas se tromper de porte dans les méandres du complexe… Quoi qu’il en soit, ce choix de salle plus grande qu’à l’habitude (pour l’orga Make it Sabbathy) se justifie aussi par une affluence significative attendue pour la venue du trio américain, ce qui est une très bonne nouvelle (au pifomètre, 300 à 400 personnes remplissent plutôt bien la salle).

Mais pour commencer, c’est Wiegedood qui monte sur scène. Le groupe de black metal lié au mouvement des Church of Ra (AmenRa, Kingdom, Oathbreaker…) est composé d’un trio de membres de… Oathbreaker justement, dont certains traînent leurs guêtres dans d’autres formations du cru (à l’image de Levy Seynaeve, ici guitariste, bassiste de AmenRa). Le CV est riche et prometteur, voyons si la promesse sur scène est tenue. Niveau puissance, pas de soucis, c’est du lourd. Évoluant dans une sorte de black metal / darkened doom, le trio (2 guitares, 1 batterie) assène une heure de set relativement monolithique : ses titres déboulent sans grande surprise, avec quasiment à chaque fois une petite intro ambient et l’instant d’après un déluge de guitares gorgées de blast beats. Le travail guitaristique est intéressant (des leads subtils viennent apporter un peu de lumière dans des assauts de riffs brutaux en harmonie) et quelques jaillissements vocaux viennent finri le tableau de temps en temps. Le tout est noyé de très fatigantes lights stroboscopiques – à tel point qu’on se prend à s’inquiéter pour le lighteux, potentiellement pris d’une crise de spasmes incontrolables ou d’épilepsie (rassurez-vous, il n’en est rien, il va très bien). De manière assez surprenante, Wim Sreppoc le batteur n’apparaît pas en forme optimale, ses séquences de blast beat terminent inévitablement à contre-temps : il ne tient pas le rythme quasi-chirurgical nécessaire à ce genre musical… Il faut dire que les séquences de plusieurs minutes sont légion, et le gars a l’air fatigué. Quoi qu’il en soit, la prestation du trio flamand défile sans déplaisir mais sans non plus déchaîner les foules.

 

Il faut dire que tout le monde est là pour Yob, et quand le groupe de Mike Scheidt foule les planches pour un rapide sound check, l’atmosphère s’électrise déjà un peu. C’est sans effet particulier que le groupe, une fois validée sa mise en son, engage (sans surprise) les premières notes de « Ablaze », qui introduit aussi son nouvel album, Our Raw Heart. Un bon choix, le titre étant probablement l’un des meilleurs de l’album, ou en tous les cas l’un des plus emblématiques de la musique du groupe. Le son est impeccable, puissant mais jamais brouillon, ce qui confirme la bonne réputation de la salle à l’excellente acoustique. Comme sur album, c’est « The Screen » qui prend la suite. Ce morceau surprenant mais finalement assez décevant sur disque ne se transcende pas plus en live, où l’on aurait pourtant pu lui accorder le bénéfice du doute. Ses dix minutes s’avèrent donc un moment plutôt laborieux où le public se cherche un peu entre headbanging spasmodique et ondulations apathiques. Peu de choses se passent au-delà de l’exercice de style. C’est avec l’enchaînement des classiques « Ball of Molten Lead » / « The Lie that is Sin » que les choses commencent à prendre leur essor, avec une mise en tension plus tangible.

Toujours très isolés les uns des autres sur une grande scène (Scheidt est 95% du temps bloqué derrière son pedal board, comme d’habitude orienté vers l’autre côté de la scène et non pas le public), les musiciens interagissent rarement directement, mais l’osmose est tangible : c’est carré. Rieseberg est un bassiste très intéressant (sa mise en son est très appréciable ce soir), qui peut alterner les séquences introspectives les plus profondes et les élans les plus furieux une minute plus tard. Quant à Travis Foster, le bonhomme frappe comme une mule mais avec une efficacité technique remarquable ; complètement immergé dans son set, il est impeccable tout du long et l’air de rien tient plus d’une fois les fondations de l’édifice, même si les regards sont tournés vers Mike Scheidt. Car du côté du public, tout le monde mange dans la main du frontman, qui, il faut le dire, le lui rend bien en se défonçant sur scène : chant puissant, leads cinglants (une poignée de superbes soli notamment), Scheidt est complètement dans son set. Les « good vibes » s’échangent de part et d’autres : beaucoup de monde connaît les chansons (d’autant plus vrai pour les titres du nouvel album) et les sourires pendant et après le concert ne trompent pas – le public était acquis d’avance.

Pour mieux voir ce dernier notamment, Scheidt demande plus de lumière pour introduire le morceau titre de l’album « Our Raw Heart », avant lequel, la gorge visiblement serrée, il souhaite remercier de manière générale les gens (comprendre : le public) qui ont aidé le groupe (comprendre : lui) pendant des moments difficiles (comprendre : pendant sa maladie). Ce mid tempo un peu boursoufflé sur album gagne un peu en prestance sur scène mais n’est pas non plus l’hymne espéré. Levy de Wiegedood monte ensuite sur scène pour apporter quelques vocalises douces et suaves au bon vieux « Grasping Air ».

Le set se termine sur un autre vieux standard Yob-ien « Breathing from the Shallows » et très vite l’on se fait la remarque que Yob n’a pas joué son classique « Marrow » (pour info ils la rejoueront dès le lendemain et sur quelques dates suivantes). Sacrément couillu de leur part, ce titre faisant la quasi-unanimité parmi les fans du groupe, il aurait été un succès facile en live. Un choix éminemment respectable donc, d’un groupe qui ne l’est pas moins. La prestation de ce soir l’a démontré : sans être pour autant la formation quasi-mythique (mystique ?) que certains voudraient qu’il soit, Yob est toujours un excellent groupe de sludge / doom, l’un des meilleurs, toujours pertinent après tant d’années. Ses prestations restent irréprochables, même si l’on garde un souvenir ému de sa tournée européenne précédente à l’époque de Clearing the Path to Ascend, qui reste le mètre étalon de son aura scénique.

1 commentaire
  • roro

    Le son fut quasi parfait pour Yob, enfin à la hauteur de la réputation de la salle : puissant, ample, profond et bien défini. Le jeu de lumières sans génie (aahh Meshuggah…) mais propre et pertinent mettant bien en valeur les ambiances et les zicos. Ce qui m’a frappé, au delà de la présence de Scheidt, c’est sa VOIX. En plus d’avoir une « vision » de la musique, ce mec est un excellent chanteur. 1ère fois que je voyais YOB, ce concert restera une référence pour moi. Emotion, maîtrise, présence, son, mélodies, lourdeur sludge, tout était superbe. En 1ère partie WIEGEDOOD s’en est très bien sorti avec leur BM atmo agressif lorgnant parfois vers Aluk Todolo. Merci(encore) aux Make It Sabbathy pour cette affiche classe.

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