CLUTCH (+ Graveyard + Kamchatka) – 15/12/2019 – Bordeaux (Rocher de Palmer – Cenon)

Le parking du Rocher de Palmer en cet agréable dimanche soir est bien rempli et l’on peut observer un certain « exotisme » dans les plaques d’immatriculation : beaucoup sont venus de loin pour assister à ce plateau de toute beauté, et la date, sise dans la plus grande salle du complexe du Rocher de Palmer, sur les hauteurs de Bordeaux, affiche complet depuis longtemps.

L’excitation est à son comble quand, quelques instants après l’ouverture des portes, Kamchatka monte sur les planches, devant une assistance déjà plutôt bien garnie. Le trio suédois entame bille en tête par le punchy « Blues Science Pt2 » avec Per Wiberg au chant (on sait le multi-instrumentiste très doué derrière un clavier ou une basse, on oublie souvent qu’il sait aussi chanter). Pour la plupart c’est surtout Thomas Andersson qui prend le micro, le frontman étant doté d’une voix chaude et puissante. Mais c’est surtout avec son jeu de guitare qu’il met tout le monde d’accord, à la fois inspiré et enflammé, emmenant le blues sur des terrains plus rock (« TV Blues », « Sing Along Song »), enrobé d’un groove insolent dressé par une section rythmique au diapason de ses impros et solos (superbe « Son of the Sea »). Avant de finir le set, Tobias Strandvik cède son kit aux baguettes expertes de Jean-Paul Gaster, pour que se retrouve constituée sous nos yeux la formation de base de King Hobo (le projet parallèle du trio) qui interprètent le ronflant « Hobo Ride », l’un des meilleurs titres de leur dernier album, au shuffle particulièrement emballant – on croise toujours les doigts pour que le groupe trouve enfin la possibilité de monter quelques dates ensemble… Un peu moins de trois quarts d’heure auront permis à Kamchatka de se faire connaître auprès d’un large public : une aubaine, certes, mais qui n’est que justice au regard de la qualité discographique du groupe et de son talent, confirmé aujourd’hui encore en live.

 

L’organisation impeccable de la soirée continue, avec une courte pause avant le tour de Graveyard. On peut se demander avec le recul si la notoriété du groupe ne lui aurait pas permis d’assurer une tournée de taille presque aussi significative en tête d’affiche… ça n’ajoute que plus de poids à ce plateau décidément impressionnant ! En tous les cas, le set du jour n’est pas un concert au rabais, loin s’en faut, même si on aurait aimé qu’il fut plus long. Pour autant, Graveyard a le temps de dérouler une set list plus qu’honorable, où les brulots de blues rock les plus enflammés alternaient avec les mid-tempo fiévreux (« Hard Times Lovin' »…). La voix de Nillson, mise en défaut sur quelques dates de la tournée (suite à maladie), est ce soir impeccable, redoutable de puissance et de chaleur (voir son interprétation fiévreuse de « Uncomfortably Numb »), accompagnant parfaitement ses leads inspirés, comme sur un très bon « The Siren » (les deux premières parties de la soirée avaient décidément pour point commun un frontman aussi doué en chant qu’en lead guitar). Mais Nillson, incontournable frontman, n’est pas entouré de bras cassés, se reposant sur le très doué Jonathan Ramm à la six-cordes pour des soli impeccables, et sur Truls Mörck pour assurer, en sus de lignes de basse solides, des parties de chant efficaces (voir le nerveux « Walk On » en intro), qui ajoutent un peu de variété à un set qui n’en a même pas besoin. Le tableau ne serait pas terminé sans ce « Hisingen Blues » éruptif, toujours de fort belle tenue. Une leçon de maestria et de classe.

 

Quand Clutch monte sur scène, traditionnellement tandis que la sono balance leur reprise du « Money » de Chuck Brown, la salle est pleine à craquer. On parle de la grande salle du Rocher, une jauge à 1200 personnes, blindée jusque dans les escaliers du fond, d’un public qui n’attend qu’eux, la bave aux lèvres. Sacré contraste quand on repense à leur dernière date en terres girondines, il y a 6 ans, dans une salle qui n’affichait pas complet (sans que le remplissage soit ridicule non plus), dans une ambiance bien plus coincée… L’heure et demie qui s’ensuivra nous permettra de mesurer l’ampleur du gap franchi par le groupe depuis.

A force de les voir se produire en festivals, avec des sets un peu formatés, où l’efficacité doit primer, sur des créneaux assez courts, on avait un peu oublié quel excitant groupe de scène peut être Clutch, en mode complètement libéré – ils nous l’ont rappelé il y a quelques jours en faisant remarquer qu’après les 4 premiers concerts de cette tournée ils avaient déjà joué rien moins que 62 chansons différentes, ce qui en disait long sur la volatilité de la set list… Ils mettront ce principe en application toute la soirée, pour notre plus grand plaisir, à commencer par le vieux mais pas daté « Pure Rock Fury », ressorti des placards depuis quelques semaines, pour une intro bien punchy à la soirée, confirmée par une sélection de quelques titres plutôt nerveux issus des deux derniers albums. On refait ensuite un petit flashback sur le lancinant « Profits of Doom » et  le groovy « Cypress Grove ». Agréable surprise, on retrouve ensuite un bon vieux « Spacegrass », porté par l’entêtante ligne de basse de Dan Maines, toujours discret en fond de scène mais redoutablement efficace, et évidemment le chant si emblématique de Fallon, qui trouve sur ce titre très « ouvert » toute sa place. Après une poignée de titres récents, on retrouve avec plaisir l’efficace « Regulator », suivi de leur ré-interprétation du « Evil (is going on) » de Howlin’ Wolf, blues rock fiévreux qui permet à Tim Sult de se lancer dans quelques soli en totale maîtrise.

Un peu plus loin, surprise, Clutch invite sur scène deux potes pour un superbe « Brazenhead » : Per Wiberg pour quelques nappes de claviers bien groovy, et Laurent (A.K.A. Malcom) de The Inspector Cluzo, groupe voisin (le duo est landais) très pote avec Clutch, qui les a emmenés en tournée à plusieurs reprises en Europe et aux USA. Ce dernier balance quelques leaks de guitare bien funky sur ce morceau interprété du coup à trois guitares, et sur la fin duquel s’enchaînent quelques plans jams vraiment sympas. Le concert reprend son cours naturel, quand vient l’heure d’un rappel court mais vigoureux, avec, évidemment, l’incontournable « Electric Worry », articulé ce soir avec une bien sympa reprise du standard « Fortunate Son » de Creedence (encore une reprise enregistrée récemment par le groupe pour son « The Weathermaker Vault Series »).

Que dire au final après ce set ? On a beau avoir vu le groupe de très nombreuses fois en une vingtaine d’années, être même un peu blasé parfois, sur disque ou sur scène… ce soir ils ont balayé toutes les réserves que l’on pourrait avoir. Le quatuor est musicalement au top, les musiciens sont solides, le choix des titres est à la fois efficace et aventureux, la place laissée aux impros est réjouissante… Une superbe soirée, un trio de groupes remarquable, et une leçon donnée par Clutch.

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