Le Westill est un petit festival sur les terres de son grand frêre, le Hellfest. Ce Petit Poucet commence d’ailleurs à faire entendre ses ambitions, en 6 éditions il est passé du hall du Champilambart, la salle de spectacle de la ville de Vallet à l’exploitation de la scène de taille conséquente bâtie juste à côté. L’affiche de l’an passé nous avait permis de passer un excellent moment et celle de cette année nous promet une fois encore peu de répit malgré l’annulation de dernière minute de Greenleaf excusé pour raison médicale. Dès l’entrée d’ailleurs on se sent gâtés, quasi aucune file d’attente, une amélioration remarquable. Le merch permet de filtrer une partie du flux des festivaliers avant l’arrivée à l’achat des jetons pour les consommations. On trouve sur place des stands de tatouage, un barbier, un luthier et autres stands cannibales pour le portefeuille. Oui vraiment ce cru s’annonce particulièrement bon et on croise bon nombre de festivaliers qui auront franchi plusieurs centaines de kilomètres pour venir voir de quoi il retourne.
MONAS
C’est devant une salle encore éparse que démarrent les hostilités avec pas loin d’une demie heure de retard sur l’horaire attendu. Un démarrage en douceur qui laisse le temps de retrouver nombre de nos camarades que la raréfaction des concerts de notre genre de prédilection en région nantaise nous fait un peu perdre de vue. C’est donc avec bonne humeur que l’assemblée reçoit Monas, une jeune formation Rochelaise de stoner qui depuis quelques temps prend ses quartiers régulièrement pour l’ouverture de diverses programmations. Une fois de plus ils viennent faire le boulot, livrant leur stoner un rien élégant et qui ouvre la tranchée pour les groupes à venir. Ils jouent sans excès, l’acquisition de la scène est un rien timide mais le jeu est propre, accompagné d’une balance bien faite. Le public valide et communique sa satisfaction, mission réussie pour ce trio qui sait démontrer qu’il a bossé ses classiques.
DUSKWOOD
Après un nouveau détour par le bar où s’étalent les offres de bières craft à des prix que l’on rêverait de trouver dans tous les repères de hipsters, Duskwood vient fouler les planches du Champilambart. Le quartette anglais fonce tête baissée avec ses vocaux braillards et sa section rythmique qui envoie le bois. On pourrait craindre au premier titre que cette dernière n’empiète sur le reste de la formation mais il n’en est rien. L’énergie qui fait tourner Duskwood s’appelle Kyuss, cela vient frapper les auditeurs lorsque la voix se fait plus mélodieuse et se superposerait a la perfection sur celle d’un John Garcia. Malgré tout on est loin du copy cat et alors que la salle finit de se remplir sans doute au-delà des 700 personnes, le groupe convainc son auditoire malgré une tendance à laisser mourir ses morceaux plutôt que de leur offrir une vraie conclusion à chaque fois. Une affaire à suivre sur album comme sur la scène donc.
WITCHFINDER
Après des balances et une mise en place qui semblent interminables, c’est à Witchfinder de venir alourdir l’atmosphère de leur doom sludge joliment charpenté. Ils ont dû faire venir leur fan base de Clermont-Ferrand ou bien ils ont gagné une notoriété qui a échappé aux programmateurs, toujours est-il qu’avant même que le set ne débute, la fosse qui était restée timide et vide sur deux mètres devant la scène se trouve remplie de rangs compacts et braillards. La playlist est centrée autour du dernier album et n’a vécu l’expérience du feu que lors de la release party du jour d’avant. Accompagné d’une balance très pro, soulignons-le encore, et d’une scénographie brumeuse où les spots sont légion, Witchfinder déroule des titres comme “Marijuana” ou “Lucid Forest” qui passent le banc d’essai avec leur lourdeur éthérée où l’adjonction d’un clavier ponctue au coup par coup les compositions. Cette approche permet à ce dernier de ne rentrer sur scène que quand il est nécessaire. Carton plein pour le quartette qui nous aura offert un set qui aura convaincu même les plus réfractaires à leurs précédentes productions.
SAMAVAYO
Nous avions déjà eu la chance de pouvoir capter Samavayo cette année lors du Desertfest Berlin et pour les 17 bougies de Sound of Liberation. Pour cette date le débit du set est placé sous le signe du heavy psychédélique et après deux ou trois titres la batterie sort ce qu’elle a de plus saccadée à grand renfort de blasts sur-amplifiés, quelque chose semble mal tourner de ce côté car la violence des futs va devenir une constante de la soirée. Les notes orientalisantes issues de l’album Payan adossées (faute à un excès de d’ivresse de jouer sans doute) aux frappes de batterie quasi technoïdes trouvent de l’écho dans la fosse qui reste d’un bout à l’autre du set bien proche de la scène. La consécration intervient comme à chaque fois sur le titre phare du groupe, “Rollin” repris en chœur loin derrière les premiers rangs, mettant au jour le fait que ce festival draine une population de fans réels de la scène stoner. Tout ceci apporte une fois de plus crédit à la potentielle longévité future de ce rendez-vous.
MR. BISON
Pour parachever ce que l’on pourrait considérer comme la première partie de ce festival, c’est au tour des très loquaces italiens de Mr Bison de venir enjailler l’auditoire. Le trio Heavy Psychédélique après une intro floydesque dérive rapidement sur la tonitruance saccadée d’un blues rock assassin. L’épopée du groupe de titre en titre est psychédélique et saturée et flirte plus d’une fois avec un acid jazz libéré, surtout du côté de la batterie. Souvent on se prend à se demander ce qu’il en serait si le batteur était moins présent, mais les deux guitaristes qui l’accompagnent ont tôt fait à chaque fois de démontrer leurs talents et de refuser de se laisser vampiriser. La formation transalpine fait mouche, la salle est aux anges et se régale de ce qu’elle reçoit y compris lors des longues tirades du chanteur à son adresse. A cette heure il est devenu compliqué de s’adosser à la scène, signe que l’œuvre est bonne. You Win, Perfect!
Les deux têtes d’affiche de la journée vont pouvoir tenir le pavé de la soirée. L’amertume de l’absence de Greenleaf s’entend dans beaucoup de discours, la cohorte qui était venue principalement pour les suédois est importante, on espère également pouvoir les retrouver une énième fois aux portes de la maison, mais séchons nos larmes car arrivent Hangman’s Chair et Witchcraft.
HANGMAN’S CHAIR
Enfin, séchons nos larmes…est-ce bien à propos lorsqu’il s’agit d’aller ouïr Hangman’s Chair ? Les vieux routiers de la scène doom dépressive ne font jamais dans la joie et la bonne humeur. Il n’en sera pas autrement ce soir. Ils sont venus déverser le son du désespoir et semble-t-il même de la colère. Sous un set light méticuleusement préparé les corps sont brutaux, propulsés avec leurs instruments aux rythmes des accords implacables qu’ils distribuent à un public assez différent des précédents sets. En effet, la jeune génération de leurs auditeurs s’est rapprochée et plante ses crocs luisants dans le bois de la scène. La force de Hangman’s Chair réside pour les autres, plus anciens acteurs des fosses doom et stoner, dans la puissance du son qui ce soir atteint une apothéose destructrice qui va en pousser plus d’un vers la sortie. On sent que les amateurs de la première heure se sont pour une part détournés du groupe parisien. Mais qu’importe il a gagné de nouvelles recrues là où il en a perdu et que les vents les meilleurs lui en apporte encore.
WITCHCRAFT
De larmes il en sera encore question pour le final, Witchcraft. Il n’y a pourtant rien de larmoyant dans le style ou dans le discours. Certes, mais le groupe arrivera à tirer des larmes de tristesse à ses fans. Le trio livre comme à chaque fois que l’on a pu les voir cette année un set maîtrisé. L’habitude est là et ils sont attendus. On sent qu’ils ont creusé leur trou et que la configuration de la salle ainsi que les efforts portés côté consoles ne devraient que mieux leur servir la soupe. Mais à vouloir continuer à trois ce qui demanderait une formation plus nombreuse, les suédois diluent leur doom mélodique à l’eau déminéralisée. Les compositions se disloquent et chaque partie peine à raccrocher l’autre. Les amateurs du groupe font grise mine, ayant même du mal à reconnaître les titres phares. Perdu dans les brumes d’un rose laiteux de la scène on espère juste que le groupe n’aura pas trop perçu le siphon qu’il a ouvert au fond de la salle et qui petit à petit créé de grands vides. N’allons tout de même pas jusqu’à parler de naufrage, car les ayant vus trois fois cette année j’ai ressenti la même chose à chaque fois. De l’intention mais des moyens qui ne sont pas portés pour poursuivre l’effort des albums. Ce qui ce soir n’empêche pas les fans les plus opiniâtres de rester fixement au pied de la scène pour applaudir et encourager son favori a la moindre occasion.
Le Westill est la preuve qu’on peut avec beaucoup de volonté, de courage et sans doute d’inconscience, réussir là où tant d’autres se cassent les dents. Comptant sur un public bien vivant de fans du genre, une fois encore la réussite est totale et même si comme c’est notre habitude nous trouvons trop facilement le chemin de la critique pour les petits accrocs, il faut saluer bien bas ce festival qui sans solliciter grand monde creuse son trou et fait enfler son nom d’année en année sans jamais se rengorger. Vivement l’année prochaine, nous avons je pense trouver une nouvelle halte live avant les fêtes de fin d’année !
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