Une affiche à 4 groupes, entrée gratuite, dans le mythique Roxy sur Sunset Blvd, incluant la “sensation” Year Long Disaster… Autant dire que ma soirée a été vite libérée de tout engagement, et que 5 minutes avant l’ouverture j’étais devant les portes (échaudé par le “ratage” de Sasquatch quelques jours plus tôt en ouverture de Nebula).
L’honneur de chauffer la salle est revenu à Tokyo Smog, groupe japonais installé à Los Angeles, dont le rockabilly-punkisant tendance indé fonctionne pas mal, bien aidé par une guitariste bien charismatique. Pas un mauvais moment, pour accompagner le long sirotage d’une bière à $7 (certes l’entrée était gratuite, mais quand même !).
La tension monte très nettement (et le public se densifie et se rapproche de la scène) tandis que Year Long Disaster est annoncé par le DJ, qui ouvre le célèbre rideau devant nos trois fiers à bras. Tout de suite, Rich Mullins se pare d’un sourire jusqu’aux oreilles, prend sa pose fétiche, qu’il ne quittera presque plus de tout le concert : bien en appui cramponné sur ses jambes grandes écartées, le bonhomme semble avoir bien compris que le son d’une basse est fait pour faire vibrer les planches de la scène, et il fait donc tout pour rapprocher son instrument du sol. Effet garanti, et résultat au rendez-vous : son son de basse nous bastonnera sévère pendant une heure de déluge sonique.
Décidément, à deux semaines d’écart, j’aurais vu sur scène le légendaire binôme rythmique de Karma To Burn, et le constat est là : ces gars-là s’étaient trouvés, en leur temps, car des musicos avec un tel feeling, il n’y en a pas des centaines. Mais ce soir, c’est Daniel Davies qui focalise l’attention. Grand échalas avec une guitare en bandoullière, le bonhomme ressemble de loin à une grande allumette : une longue tige très fine, sur laquelle repose une tête bien ronde (cheveux longs frisés). Mais dès lors qu’il se rapproche du micro, ses mouvements deviennent habités, impulsés par des nerfs à fleur de peau. Se reposant sur le jeu sans faille de Mullins, Davies aligne les soli comme un enfant thaïlandais enfile les lacets des baskets Nike : avec une aisance naturelle remarquable, propre aux plus grands guitaristes. YLD pousse le potentiel du jeu en trio dans ses derniers retranchements, avec une basse qui empiète souvent sur les plate bandes mélodiques du guitariste, et avec un gratteux qui fusionne avec son instrument, tant et si bien que son usage en rythmique et en solo, alterné avec le chant, se déroule avec une fluidité impeccable.
Musicalement, YLD a trouvé la recette magique, tout simplement. Là où Wolmother se vautre sans vergogne dans un trip revival tout à fait jouissif (et honorable dans la démarche), YLD pousse la démarche plus loin : non contents de piocher comme des goujats dans les stocks de riffs velus non utilisés dans les années 70, le trio californien y ajoute de copieuses rasades de blues, d’influs sudistes (sans doute en droite lignée de la planète Mullins), et le tout groove avec une arrogance qui laisse sans voix. C’est simple, lorsque l’on ne se surprend pas à headbanguer comme à sa prime jeunesse, c’est que l’on est en train de taper du pied avec le sourire aux lèvres, en train de se dire “bordel, personne n’a pensé à jouer ce riff jusqu’à aujourd’hui, c’est fou !”, tant l’évidence d’un break ici, d’une ligne de basse là, s’impose. Imparable, la musique de YLD est imparable, universelle. Leur jeu déborde de groove, et ferait se dodeliner un gamin de 4 ans comme un cinquantenaire ragaillardi. Je suis bien incapable de nommer le moindre titre qu’ils ont joué, mais j’ai à la fois été soufflé par la variété des genres abordés, et la cohérence bluffante de l’ensemble. Un set d’une heure aussi dense, maîtrisé, de la part d’un groupe qui pour le moment n’a qu’une démo 2 titres sous le bras, ça force l’admiration.
Peu de groupes à ce jour m’ont fait cette impression : voir trois personnes sur scène, et se faire la réflexion que ces gars sont nés pour jouer ensemble et faire jouir les tympans de dizaines de milliers (millions) de simples amateurs de musique. Allez sur leur site, et lisez leur bio, vous verrez qu’en plus de revenir de loin individuellement, le duo Mullins/Davies est aussi le fruit d’une catharsis musicale S’il y a une justice sur cette planète, ce groupe doit devenir énorme.
PS : pour l’anecdote, YLD est suivi par deux groupes ce soir, mais il m’a été impossible de rester plus de 5 minutes (le groupe suivant n’était ni mauvais ni inintéressant, ils étaient juste tellement en dessous.).
Laurent
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