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BLACK BASS Festival (Mars Red Sky, Slift, 1000Mods,…) – 23 & 24/08/2024 – Braud-et-St-Louis (33)

L’association organisatrice du Black Bass l’a annoncé il y a quelques jours : cette édition, la dixième, sera la dernière ! La programmation, étincelante cette année, prend tout son sens dans un contexte de “baroud d’honneur”, avec des noms prestigieux et excitants. Avec un peu de jugeote, on prend vite conscience que 100% de l’affiche de cette année est en fait constituée… de groupes ayant déjà joué sur l’une des précédentes éditions ! On aurait pu se douter que quelque chose de tramait…

Ce festival à taille humaine a, chaque année, réservé une part significative de son affiche aux différentes tendances du stoner, et c’est d’autant plus le cas cette année, notamment dans le haut de l’affiche… Notre retour “dans les marais” cet été était donc une évidence.

Le festival se déroule cette année sur trois jours au lieu de deux (mais votre serviteur n’aura pas pu assister au premier jour) mais pour le reste, peu de choses ont changé : on retrouve cette orga où chaque bénévole ou salarié a le sourire, où le public est relax… Le site est toujours aussi cool, dans cette clairière à l’ombre de grands arbres, adossé à une belle bâtisse, en pleine campagne, près de Blaye. Food trucks, jeux, tatouages (vrais ou faux…), tout est fait pour le plaisir du festivalier… et en plus il y a de la musique !


JOUR 2 :

BLACKBIRD HILL

Un trajet routier quelque peu encombré nous empêche d’assister au lancement du set de Blackbird Hill. Le duo guitare/batterie vient en regional de l’étape, et deroule un set efficace de leur garage rock bluesy-grungy. Le public n’est pas encore très fourni en cette fin d’après-midi, mais les sourires sont là, et les applaudissements nourris. Les lights sont peu efficaces avec ce magnifique soleil rasant, mais la mise en son est impeccable. Le groupe annonce non sans émotion le départ de son batteur, mais l’inamovible Maxime (qui aux débuts du groupe en était le batteur) reste à la tête du bateau et le groupe devrait continuer. Une bonne heure de set bien agréable en tout cas pour lancer la soirée.

 


WE HATE YOU PLEASE DIE


La scène 2, en vise-à-vis de la scène principale, au fond du site sous les arbres, est inaugurée aujourd’hui par un jeune trio français. A mi-chemin entre punk rock énervé et  noise rock un peu plus ouvert, le groupe trouve assez vite son public, si l’on en juge par une fosse plutôt bien fournie. Le set déroule dans une agréable ambiance pré-crépusculaire, tranquille, sous les arbres… Un set sympa qui ne s’est toutefois jamais totalement emballé, et aurait gagné à un peu plus d’énergie.

 


LA JUNGLE

Encore un duo guitare/batterie sur la scène 1, mais on s’éloigne cette fois un peu du rock traditionnel. Les belges de La Jungle empruntent pas mal à l’électro entre autres pour leur musique (à peu près) instrumentale, qui repose beaucoup sur des beats de batterie nerveux et des rythmiques frénétiques, joués ad lib pendant de longues séquences. Un jeu de guitare vif et quelques loops viennent développer ce côté transe psyché qui emballe un public bien fourni qui dodeline gaiement. Le duo de musiciens ne s’économise pas, avec un guitariste en mode pois sauteur et un batteur qui se défonce derrière son kit minimaliste. Un moment léger et enjoué (et le créneau idéal pour les rockers intégristes pour aller se sustenter avec les derniers rayons de soleil).


YEAR OF NO LIGHT

Étrange de retrouver un groupe de cette trempe sur la petite scène (même si en réalité cette scène 2 est de belle taille). Le groupe culte de post rock girondin vient en voisin honorer le festival (à moins que ce ne soit le festival qui honore le groupe…), et garnit fort bien la scène avec sa configuration lourde (6 musiciens sur scène). Le contraste musical est un peu rude tandis que le sextette entame les premiers accords pachydermiques de son set, sachant que 10 minutes plus tôt le gros du public dansait joyeusement un verre à la main sous les derniers rayons de soleil. La lourdeur de la musique de YONL et sa lenteur viennent cueillir froidement le public pour l’emmener dans la noirceur de ce début de nuit, sous les bois. Hypnotique, rageur, enivrant, écrasant, le concert a beau être costaud, on est happé tout du long, bien aidés par un light show efficace et une mise en son massive. Gros set, un peu difficile à digérer pour une partie du public, mais parfaitement emblématique de la richesse et de l’éclectisme de la prog du festival.

Nous profitons de l’occasion pour souhaiter plein de courage à Shiran, guitariste du groupe, qui lutte contre une sale maladie selon les dires du groupe et était remplacé ce soir.


SLIFT

Rares sont les groupes auxquels on peut apposer le qualificatif “phénomène “. Slift, et en particulier son ascension fulgurante ces dernières années, fait partie du lot. Leur place de headliner de cette journée apparaît amplement méritée, au regard de l’attente qu’ils suscitent auprès du public, et l’on a pu s’en aprecevoir tout l’après-midi : tout le monde parle d’eux, de leurs concerts… Bluffant. De fait, il leur suffit de mettre le pied sur scène pour que le public soit déjà fou de joie. Le public leur mangerait dans la main même s’ils jouaient un set pourri ! Mais je vous rassure, ce ne fut pas le cas, et l’effet dévastateur du triplé introductif du dernier album (joué dans le même ordre pour lancer le concert) suffira à en faire la démonstration : le public est clairement dedans, ça slamme, ça headbangue, ça bouge, ça crie…
Sur scène, c’est efficace et solide. Tandis que Jean, le plus dynamique du trio, est clairement à fond dans son set , la section rythmique n’est pas en reste, bien loin de l’apathie… Et surtout qu’elle efficacité ! Dans ce style musical en particulier le “socle” des morceaux est crucial, et la robustesse qu’ils délivrent est – avec ces leads furieux et enivrants évidemment – l’une des principales clés musicales de Slift en live. La set list fait évidemment la part belle à Ilion, mais Ummon n’est pas oublié, avec un très efficace duo “Ummon” / “Altitude Lake” qui aura aussi laissé des traces.
Les toulousains quittent la scène avec le sentiment du devoir bien accompli, et nous quittons le site du festival avec un preque agréable acouphène qui nous guide dans les bras d’Orphée…

 


JOUR 3:

 

Même si le soleil est plus discret aujourd’hui, l’humeur est déjà à la fête en pénétrant sur le site, avec le traditionnel concours de air guitar qui accompagne l’arrivée des premiers festivaliers pour ce dernier jour.

 

THE GURU GURU

Le premier groupe du jour est ce quintet belge un peu étrange, qui amène avec lui un retour du soleil (à l’heure du coucher de soleil c’est un peu tard, mais c’est appréciable). La moitié des zicos déboulent sur scène en pyjama, ce qui laisse présager un set qui sera résolument placé sur le ton de la bonne humeur (les mimiques du chanteur et son jeu de scène saugrenu vont dans ce sens, comme quand il se prépare son cocktail en milieu de chanson ou change de “pyjama de scène” en milieu de set…). Musicalement, on est sur un rock sautillant protéiforme, qui emprunte autant au punk rock qu’à la pop, au surf rock, au métal, etc… Une entrée en matière sympa à l’heure de l’apéro.

 


IT IT ANITA

Le désormais trio liégeois est très attendu et le public se masse dans les premiers rangs. Dans une configuration scénique un peu atypique (le bassiste et le guitariste se font face dès qu’ils doivent prendre le micro) il ne leur faut pas longtemps pour susciter l’enthousiasme de cette fosse bien tassée. Leur noise rock aux souches punkysantes propose un cocktail impeccable dans ce contexte festival, apte à plaire à un grand nombre, et à en convaincre d’autres grâce à leur énergie scénique. Solide, efficace, et bien fait.

 


1000MODS

Plusieurs dizaines de spectateurs se placent déjà aux meilleures places devant la scène 1, plus d’une demi heure avant le set de 1000Mods. Une part du public se souvient peut-être du concert diabolique donné par nos hellènes lors de l’édition 2018 (rappel)… ou bien c’est simplement la réputation croissante du groupe qui se développe au-delà de la sphère stoner. Mais tout ne se sera pas forcément déroulé comme prévu dans la préparation, tous les instruments du quatuor étant restés quelque part en transit entre deux avions. Dépanné par des groupes locaux, rien ne semble déstabiliser le quatuor (qui se retrouve donc aujourd’hui équipé d’instruments disparates), qui propose avec un rugissant “Electric Carve” une entame plus que solide donnant le ton de la soirée : ce soir, 1000Mods prend l’option set list “zéro risque” avec rien moins qu’un best of de leur carrière, ratissant dans tous leurs disques pour y piocher ce qui se fait de plus efficace. Ils iront même déterrer rien moins que quatre morceaux de leur premier album de 2011 !  Les riffs groovy défilent non-stop pendant une heure, auxquels répondent des salves de slammers quasi in-interrompues.

En totale maîtrise de leur set, les musiciens sont à fond, même s’ils sont parfois un peu gênés par quelques soucis techniques. Le final voit s’enchaîner les vieux classiques “Vidage” et “Super Van Vacation” pour un effet redoutable. 1000Mods a enthousiasmé le public du BBF ce soir, signant encore une grosse prestation dans leur CV, qui en compte déjà un beau paquet.

 


JOHNNY MAFIA

Le dernier combo à fouler la scène 2 est un quatuor de punk rock en provenance de l’Yonne. Le groupe a ses afficionados, bien tassés sur les premiers rangs, qui dégustent chaque riff dispensé par ce sympathique et enjoué quatuor. Musiciens souriants et sautillants, power chords et compos de 4 minutes composent ce set qui remplira bien son job pour votre serviteur : attendre les maîtres de la soirée.

 


MARS RED SKY

 

De manière ô combien symbolique, c’est au trio girondin que revient l’insigne honneur de clôturer la dernière édition du festival. Une lettre d’adieu en forme d’hommage au groupe qui a vu sa renommée exploser depuis leur premier passage au BBF en 2014… Dix ans ! La symbolique est un peu folle, le dernier concert de l’histoire du festival revenant donc à un groupe qui avait officié sur sa première édition, et qui plus est un groupe local… L’émotion est palpable en tout cas, tandis que Jimmy annonce effectivement quelques surprises sur ce set.

L’intro va crescendo, à commencer par la confirmation en live de la qualité de “Slow Attack” et “Break Even” issus du dernier album. Le reste du set ressemble à une sorte de compilation qui vient re-visiter chaque album de leur discographie pour en extraire les plus grands classiques : “Apex III”, “Collector”, “The Light Beyond”, “Arcadia”… les années défilent, mais la cohérence musicale est toujours bien là, et les mélodies envoûtantes et lourdes s’enchaînent. Évidemment, pour un groupe aussi rodé, l’interprétation est solide et les musiciens impliqués (on notera un Julien un peu en retrait aujourd’hui). En milieu de set, le groupe invite Queen of the Meadow, la chanteuse qui officie sur “Maps of Inferno” du dernier album, pour une saisissante version live, bien accompagnée par un sublime light show en mode “flammes de l’enfer” (points bonus pour les lights sur tout le concert : projections, lumières, effets…).

Le final ne décevra pas : en introduisant le dernier titre de la soirée, le rideau blanc / backdrop utilisé durant tout le concert tombe pour laisser découvrir une assemblée de musiciens en fond de scène : guitares, basses, batteries… Poussant les potards émotionnels sur 11, le trio lance évidemment leur plus gros standard, “Strong Reflection” (qui est aussi leur premier morceau sur leur premier album…), boosté par tous ces musiciens supplémentaires, une assemblée constituée de membres de l’organisation du festival, de proches amis du groupe, d’acteurs historiques de la carrière de MRS, de copains et collègues musiciens… Le message est fort, l’hommage est vibrant de sincérité, l’ambiance est festive et émouvante… C’est mieux qu’un feu d’artifice non ?

 


Le cœur lourd mais le pas léger (on se sent encore un peu flotter dans l’espace), il semblerait donc que l’on foule pour la dernière fois les sentiers du Black Bass en prenant le chemin du retour… On n’arrive pas à réaliser que c’est à priori la dernière fois que l’on retrouvait ce petit coin familier et convivial des marais girondins. On s’était habitués à ce petit rendez vous de la fin de l’été, un festival d’initiés jamais élitiste, qui s’est toujours fixé comme ligne directrice de couvrir un spectre musical large mais en choisissant toujours des artistes doués, rares, et souvent pas encore connus. Le tout dans une ambiance détendue, mais reposant sur une organisation sérieuse de passionnés… On espère vivement que quelque chose renaîtra de cet héritage.

Le Black Bass est mort, vive le Black Bass.