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DESERTFEST Berlin 2019 – jour 1 (Colour Haze, All Them Witches, Monkey3, Witch,…) – 03/05/2019 – Allemagne

Après une première année dans la nouvelle configuration de la Fête allemande du désert, il nous tardait de retrouver l’Arena de Berlin pour goûter à nouveau aux différents ingrédients qui constituent la redoutable formule féérique de cet événement : une organisation efficace, un public magique et des groupes géniaux. Les esprits chagrins avaient formulé plusieurs reproches sur l’édition 2018, en particulier concernant la sonorisation – point faible récurrent du week-end, liée à cette salle de concert immense. Les promoteurs nous avaient promis des merveilles pour ce millésime 2019, nous ne nous sommes pas faits prier pour aller vérifier tout celà sur place…

 

Avant la chronique, voici notre video report express avec des extraits de tous les concerts :


THE DEVIL & THE ALMIGHTY BLUES

On rentre donc pour la première fois dans la salle pour constater qu’il n’y a plus désormais de seconde scène annexe, mais bel et bien une “salle dans la salle”, énorme. Ce fameux dispositif censé améliorer le son des concerts nous inquiétait, or il s’avère parfaitement incorporé dans l’Arena, y proposant un espace dédié aux concerts, qui laisse largement la place à installer à côté le market, le merch officiel, une zone de food trucks, une zone pour les gamers, tatouages, etc… Tout ce qu’il faut ! Quoi qu’il en soit, l’honneur d’en essuyer les plâtres en revient à The Devil & The Almighty Blues. Le quintette norvégien a largement intensifié son activité scénique ces derniers mois, notamment en support d’un nouveau disque qui nous a beaucoup plu. Tandis que l’on retrouve généralement en ouverture des festivals des groupes de moindre importance pour un démarrage progressif, le Desertfest lâche les cheveaux dès le début. Quelques secondes suffisent à valider le dispositif de sonorisation : le son (et ça ne se démentira pas de tout le week end) est ample, puissant et précis. Et on n’est pas les seuls à en prendre plein la poire : dès les premières minutes, la salle apparaît déjà presque remplie ! Plusieurs milliers de stoner-heads se sont donné rendez-vous aujourd’hui (la journée du festival qui aura compté la plus importante affluence). Revenons à nos scandinaves, qui déroulent un set solide, exécuté à la perfection par des musiciens en parfaite osmose. Leur heavy blues, puissant, mélodique et inspiré, convainc les aficionados autant que ceux qui ne les connaissaient pas. On se prend encore une fois à espérer que parfois ils appuient un peu sur l’accélérateur, mais cette profusion de mid-tempos chaleureux (ce Andersen a une voix à donner le frisson) nous ravit.

 


MONDO GENERATOR

L’ex tout plein de formations qui ont marqué l’histoire de notre style de prédilection, voire même par-delà ses frontières, se radine sur scène avec deux acolytes pour envoyer sa mixture épicée à base de hurlements et rythmiques tapageuses : on en aura pour notre pognon. Le guitariste Mike Pygmie, déjà observé sur scène avec le père Garcia, connaîtra quelques difficultés en début de set, mais le meneur de revue ayant de la bouteille, de blanc il n’y eut point et il faut le souligner car certaines formations allaient peiner à combler le vide entre leurs titres durant ces trois jours ! Nick a déroulé sur la Main Stage tel un vrai pro en n’omettant pas d’aller piocher un “Green Machine” de vous savez, interprété avec de grosses couilles dans un esprit proche de l’urgence punk qui sied si bien au répertoire de Mondo Generator (qui ne renie pas ses origines en se pointant affublé d’un shirt de Negative Approach et balance des titres genre « All System Go » pied au plancher). Les projections interlopes siéront par ailleurs merveilleusement à ce show hargneux. Les petites fouines que nous sommes seront finalement déçues de ce final sur le titre de Kyuss, car nous avions bien lu (en parcourant le setlist trainant entre un pied de micro et un pédalier) que “Millionaire” clôturerait le set, mais le public, qui n’avait pas cette information, ne partagera au final pas notre frustration. Un réel plaisir pour les oreilles de recroiser la route de ce mythe de la scène et de se taper des titres du calibre de « The Last Train » en live. Même s’il arrivait tôt dans la journée, ce set rentre-dedans allait rompre un peu avec la couleur psychédélique de ce premier jour.


WINO

Le temps est venu de remettre le nez dehors pour assister au premier concert sur le Hoppetosse, le bateau à quai sur le bord du biergarten. On découvre alors le dispositif, pour le moins atypique : les artistes sont installés sur le pont supérieur, en plein air, avec une petite zone sur le reste du pont, à côté de la scène, pour le public, mais surtout l’entièreté du beergarten au pied du bateau comme public ! Plusieurs centaines de personnes assises pour manger leur repas, boire une bière à la cool ou simplement assister au concert en contrebas. La configuration est étrange car distante depuis le quai, mais techniquement la qualité de la sono était au niveau des attentes. Surréaliste… Et sur le bateau, donc, seul sur la scène avec sa guitare acoustique, Wino. En débardeur malgré une température plutôt fraîche (la vague de froid sur l’Europe n’a pas épargné Berlin, même si la pluie fut globalement absente durant tout le week-end), le charismatique frontman de tant de formations adorées de vos serviteurs enchaîne les chansons, sans chichi, avec le sourire, comme s’il était sur la petit scène du bar du coin. Côté compos, il tape largement dans son répertoire acoustique, en particulier issu de “Adrift”, et y glisse quelques reprises ou titres co-écrits avec Conny Ochs. On se laisse prendre assez facilement, on pense à des vieux Dylan avec une voix chaude et profonde, sur des titres généralement sombres et mélancoliques (mention spéciale au poignant “Song at the Bottom of the Bottle”). Classe.


MONKEY3

Le quatuor helvétique, qui devait jouer à Londres le lendemain, ne fera finalement que ce Desertfest-là en raison de manutentionnaires aéroportuaires peu précautionneux qui eurent raison de leurs instruments (la gueule du clavier post-voyage ne vendra pas du rêve) et priva ainsi le public anglais d’une prestation majeure. Tant pis pour ceux qui avaient préféré la perfide Albion car nous avons eu droit à une performance magistrale ! Chauds-patate, les Suisses ont sorti l’incroyable “Sphere” (que l’on devrait logiquement retrouver dans les tops de l’année à plusieurs reprises lorsque chaque média, voire internaute éclairé, listera ses coups de cœur) puis tourné par ici, malheureusement sans leur co-headliner Samsara Blues Experiment qui avait dû déclarer forfait en raison de problèmes de santé, avant de tourner encore le temps de quelques dates avec les vétérans de Colour Haze. Ayant 50 minutes à dispo, ces vieux briscards rompus à l’exercice scénique ont opté pour une formule concise : 5 titres dont 2 hits et 3 extraits de leur récente sortie, dont le complexe « Mass » (sans le guest notoire présent sur l’album), mais avec la manière. Ce set, soutenu par le travail de leurs techniciens au son, aux projections psychédéliques, à l’envoi de vapeur et aux lights ainsi que le son impeccable de la sono, fera partie des meilleurs moments de cette manifestation. C’était puissant et aérien comme le quatuor sait si bien se comporter et le public rejoindra nos avis en déclarant les jours suivants que le show de Monkey 3 avait constitué un des meilleurs moments de cette édition. Nous avons pu remarquer que le public s’était massé jusqu’au fond de la vaste salle pour assister à ce show qui nous permit d’appréhender sur scène « Spirals », « Prism » ainsi que « Mass » en plus de leur hit intergalactique « Through The Desert » ! Qu’ils soient ici remerciés de cette prestation et de leur légendaire sympathie.


24/7 DIVA HEAVEN

La fraîche triplette féminine originaire d’Allemagne a miraculeusement fait fuir les nuages avec son style débridé. Ces – très – charmantes dames ont pratiqué leur punk vintage lorgnant sur le garage avec fureur et haute maîtrise (elles impressionnaient aussi quelques quidams pour des raisons étrangère à leur son). Pas fins connaisseurs de leur art (elles comptent seulement une production brève au compteur), nous eûmes plaisir à les écouter, malheureusement pas bien longtemps vus nos impératifs de vrais professionnels qui nous poussaient aussi à assister au show qu’Earthless déployait en Main Stage (ça ne s’improvise pas ça ma p’tite dame !).  Mais un large public continuera à siroter leurs binouzes dans la bonne ambiance à l’extérieur en prêtant une oreille plus au moins attentive au son plutôt bon, mais pas franchement orienté stoner, déployé sur le bateau.


EARTHLESS

Earthless avec Monkey 3 et Colour Haze le même soir, c’est clairement une journée de rêve pour les amateurs de plans hypnotiques, et cela constitue tout aussi clairement l’une des raisons pour lesquelles ce premier jour de festival était sold out, donc le plus blindé du week-end (vos envoyés spéciaux ont bien galéré d’entrée pour rallier les différents spots de cette fête du riff). Le public était donc bien entassé dans la salle (même si certains ont assisté plus longtemps que nous à la prestation jouée en extérieur) et le combo a envoyé un set ripoliné sur « Uluru Rock » interprété avec brio. Flanqués sur les côtés de leur batteur, en avant sur la scène avec son kit simple, le guitariste et le bassiste ont déployé de profil. Cette configuration, habituelle pour la formation californienne, est aussi éprouvée et qu’efficace, mais, même avec des lights correctes, le rendu visuel était en deçà de ce que les Suisses avaient proposé quelques heures plus tôt. Le groupe casse la monotonie instrumentale du set par quelques titres chantés efficaces, dont un “Electric Flame” qui commence avec un micro inaudible… mais aussi un excellent “Gifted by the Wind” en conclusion. Le son était soigné aux petits oignons (on s’y est très vite habitué en fait), mais, au final, le set de bonne facture des Ricains ne tenait pas la comparaison avec d’autres performances déjà observées par le passé où nous les avions connus plus généreux scéniquement.


WITCH

Quel pied de retrouver l’un des groupes les plus rares de la scène, et pour cause : initié par le mythique gratteux de Dinosaur Jr., J. Mascis, avec son pote David Sweetapple, le quartette qui compte des musiciens d’autres combos, vivote depuis un peu plus de 10 ans au fil des rares disponibilités laissées par leurs groupes respectifs. Mais les planètes étaient alignées en ce mois de mai 2019 et Witch débarque en Europe pour une poignée de dates. Point important : un warm-up gig secret (groupes inconnus jusqu’au jour J) était organisé la veille du Desertfest, et le headliner de la soirée était… Witch ! Ce que nous en ont dit nos amis qui y ont assisté (vos serviteurs sont arrivés à Berlin le jour du festival…) nous a mis l’eau à la bouche. Et il ne faut pas longtemps pour réaliser que nos souhaits vont être réalisés : malgré finalement une expérience scénique limitée, le groupe est en place, solide. Le CV cumulé de chaque musicien suffit à l’expliquer : sur scène, ça déroule. Le groupe ce soir nous propose un best of de ses deux albums à moitié-moitié, pour une heure de concert qui défile sans temps mort. Le heavy doom hors du temps du groupe trouve son public dans une assistance massée et heureuse. On retiendra une interprétation endiablée de “Rip Van Winkle”, le nerveux “Mutated” et une clôture de toute beauté sur le somptueux “Seer”. Impeccable.


ALL THEM WITCHES

Le trio américain monte sur scène sur fond de « War Pigs » en headbanguant gentiment avec le sourire. En prenant son instrument et en contemplant l’Arena pleine à craquer, Charles Michael Parks Jr fait part de sa surprise « Wow, vous êtes nombreux »… Car oui, le groupe est très attendu ; l’ascension de All Them Witches ces dernières années a porté ses fruits, et l’on retrouve le (désormais) trio dans la partie haute de nombreux festivals. Pendant une grosse heure et quart, ils vont s’employer, par le menu, à justifier de cette notoriété. Après une intro sur le vieux « Funeral for a Drunken Bird », le groupe commence à montrer un visage live séduisant, avec par exemple « 3-5-7 » et son final enthousiasmant, ou un peu plus tard le virevoltant « When God Comes Back ». Le combo est carré, c’est le moins que l’on puisse dire, et ne pâtit pas franchement du départ de son claviériste : tout est là et bien là en format trio. Robby Staebler à la batterie frappe comme une mule, le regard hargneux, quasiment « habité » et même semblant pris de spasmes sur les derniers titres, on le croirait en transe ; impressionnant. Les soli de Mc Leod sont limpides, inspirés et efficaces. Niveau mise en place, le groupe est juste hallucinant, et l’efficacité est au rendez-vous. Côté set list, le focus est mis sur le dernier opus ATW, bien sûr, et le set s’en retrouve moins nerveux, avec des moments un peu « plats » ici ou là, admettons-le. Le petit sentiment de folie et de relief des productions précédentes manque un peu parfois. Mais le show déroule sans jamais le moindre ennui, et on ne peut que reconnaître la qualité musicale de ce groupe, malgré une set list mélangeant valeurs sûres et morceaux un peu moins intéressants.


COLOUR HAZE

La formation allemande, que nous aurons bientôt vue dans toutes les manifestations dédiées à la gloire des Dieux du Stoner, prendra place avec une dizaine de minutes de retard pour clôturer une première journée déjà mémorable (une de celles dont on se souviendra). Pas franchement époustouflants visuellement, ces allemands ont pour eux une maîtrise énorme de leur art qui confine à la perfection ; en bref c’est le batteur perpendiculaire au public à côté du clavier et les deux autres mecs sur les bords qui ont balancé leurs titres sans investir la scène de manière outrancière. On a toujours un peu l’impression qu’on va s’emmerder quand ils débarquent sur scène (après un souci lors du soundcheck) avec leurs dégaines de profs de musique et on a toujours le sourire aux lèvres quand on ressort d’un de leurs shows. C’est un peu ça la recette magique des munichois au final : une interprétation généreuse et hautement maîtrisée qui finit par nous habiter quand bien même sans les animations en fond de scène on aurait pu se faire carrément chier, vue l’habitation scénique dont ces musiciens font preuve lors de leurs représentations. Le public a goûté à ce show voluptueux qui l’emmena au milieu de la nuit (avec du temps bonus pour un rappel mémorable).

 

Notre nuit à nous allait bientôt nous apporter un peu de repos après nous être plié à l’habituel vidage de cartes mémoires, montage d’un live report vidéo, consolidation de nos notes respectives et bataille de polochon pour savoir qui allait pouvoir squatter le plus de prises électriques pour charger son matos… A demain !

 

[A SUIVRE…]

Chris & Laurent