DESERTFEST Berlin – Jour 2 (Kvelertak, Church Of Misery, Elder, Gozu,…), 25 avril 2014, Allemagne

Après avoir parfait un peu notre culturisme dans certains lieux touristiques de la capitale allemande et avoir grillé quelque argent dans les échoppes des agitateurs underground du Kreuzberg, vos deux reporters de chocs ont repris leur bordel pour une deuxième journée d’orgie à la gloire du Dieu stoner. A peine le temps de passer en coulisse prendre la température – qui était en parfaite osmose avec le temps radieux qu’il faisait au dehors – et de saluer le fort sympathique crew du fest qu’il était déjà l’heure de rejoindre le Foyer sur la scène duquel les festivités s’apprêtaient à débuter.

RED STONER SUN

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Le trio de vétérans nous avait interpellé avec son patronyme que nous trouvions bien peu inspiré pour tout dire. Un bref regard dans le rétroviseur pour constater que c’est il y a seize piges que le blaze du groupe a été choisi et une petite tape derrière la nuque dès les premiers accords nous remirent rapidement les idées en place et gomma – telle une baquette magique – toutes nos appréhensions à l’égard de ce groupe. Red Stoner Sun déploie un savant mélange de stoner très traditionnel, mais pas daté, et de spacerock à l’allemande : c’est foutrement efficace et le public était déjà conquis au terme d’un premier titre savoureux qui n’était pas sans nous rappeler Kyuss d’après « Blues For The Red Sun ». Quelques incursions en terres grungisantes, quelques parties chantées par l’homme assis derrière la batterie, une autre par celui aux commandes de la six-cordes, les electro-harmonix en action, l’ambiance underground de la petite scène et l’affaire était dans le sac. Eazy, Hensen et Marceese avaient gagné la partie ce qui n’était pas joué d’avance vu les onze longues années qui séparent les deux dernières productions de la bande du Kreuzberg. A en juger par les sourires que nous croisons dans la salle alors qu’il est à peine l’heure du goûter, nous en concluons que nous ne sommes pas les seuls à avoir apprécié cette première prestation de la journée qui laissait augurer le meilleur pour la suite et une soirée qui s’annonçait longue et riche en décibels.

THE MOTH

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Pas de Main Stage pour les deux premières prestations de la journée ; un changeover aura donc lieu ce qui nous laisse le temps de sortir nous aérer les poumons, de papoter un peu avec nos potes ayant fait le déplacement depuis la francophonie et de soigner notre bronzage sous le soleil teuton. La clope finie, les protège-ouïes remis pour certains et les appareils photo en mains, nous réintégrons le Foyer pour une seconde formation allemande : The Moth. Le jeune trio de Hambourg n’ayant à son actif qu’un seul album, « They Fall », distribué de manière confidentielle – pour cause : il a été tiré à 100 copies selon la bio – nous ne savions pas encore très bien à quoi nous serions confrontés lorsque Cécile, Freden et Tiffy monteraient sur scène. Nous avions toutefois visé juste : ce serait bourrin et le shirt de Spirit Caravan n’était pas sur scène que pour la forme… Et, pour notre plus grand plaisir, ça a été bourrin : quelle claque ! Le public – encore congru dans la place – en a eu pour son pesant de gras. Les trois complices balancent un sludge bien lourd empreint de gimmicks doom et c’est du plus bel effet. La bassiste en short envoie du bois sur trois cordes seulement – et nous ne voulons pas entendre, dans l’assistance, des remarques sur la limite des capacités multitâches de la gente féminine – et partage le chant avec son collègue guitariste en empruntant des registres similaires. L’osmose des chants est parfaite et donne un rendu fort dynamique très plaisant. Derrière le duo à micros, ça envoie du lourd à la batterie et le headbanguing se généralise très rapidement dans l’assistance car, les enfants, c’est une prestation d’excellente facture qui nous est délivrée par ce groupe actif depuis 2012 seulement. L’attitude terriblement rock’n’roll est au rendez-vous tout au long de ce set de fou et, même si les interactions verbales avec le public sont quasi-inexistantes, nous sortons du chaudron en mode smiley et les oreilles un peu entamées quand-même. Une deuxième belle surprise pour cette journée avec deux formations que nous n’attendions pas spécialement, mais qui ont emporté notre adhésion grâce à l’intensité et à l’authenticité de leurs performances. Auteurs de compositions particulièrement bien abouties (un peu comme « The Moth » qui demeure un des meilleurs titres joués par les hamburgers, qui ont pioché dans le registre plutôt « pied au plancher » de leur modeste répertoire), ces allemands, comme leurs prédécesseurs, ont prouvé à leur tour la richesse du style que nous chérissons sur ces pages.

BLACK RAINBOWS


A peine remis de la performance de The Moth, nous dégourdissons nos gambettes – la nuque c’est fait – et partageons nos impressions avec nos potes sur place puis traversons le rideau tendu entre les deux lieux consacrés à la musique pour aller constater de visu de quoi les Transalpins de Black Rainbows sont capables sur scène. Ca fait un moment déjà que le trio est actif et que nous écoutons les nombreuses productions qu’ils ont disséminées depuis presque une dizaine d’années, mais rares ont été les occasions – pour nous – de les rencontrer en chair et en os. Nous attendions des plans fuzz et psychédéliques directement influencés par les maîtres Kyuss et, Alberto, Dario ainsi que Gabriele nous ont donné exactement ce que nous étions venu chercher. Très traditionnels dans leur approche et pas franchement novateurs, les Italiens nous ont envoyé en direct dans les seventies de manière plaisante car ils savent plutôt bien faire les choses. Au terme de cette prestation durant laquelle les soli de guitares furent nombreux et les parties chantées réduites, jamais nous n’eûmes l’impression d’avoir affaire à une pâle bande de repompeurs, loin de là même. Une belle débauche d’énergie envoyée par des vétérans du stoner transalpin qui font preuve sur scène aussi d’une excellente maîtrise de leur art en envoûtant leur public dans leurs volutes psychédéliques. Un groupe de stoner confirmé, qui a balancé un stoner dans les règles de l’art, dans un festival tout entier dédié au stoner : la formule était programmée pour marcher et ça a rudement bien marché ! Grazie mille é alla prossima ragazzi !

GRANDLOOM


L’année dernière on avait ironiquement glosé sur le retard « no panic » du leader de Danava qui avait repoussé leur concert aux dernières heures de la nuit, et on était un peu plus fâché de la défection de Witchcraft, une des têtes d’affiche du festival, qui avait annulé deux jours avant… Cette année, tout semblait rouler, jusqu’à l’annonce le vendredi matin de l’annulation des français de Huata (dont un des musiciens se retrouvait dans l’incapacité formelle de rejoindre Berlin), qu’on se faisait une joie de voir sur scène. La plupart des festoches auraient rallongé de 15 minutes les sets des groupes suivants pour rattraper le créneau laissé béant dans la programmation, mais Sound Of Liberation est d’un autre calibre, et a bataillé pour dégoter en quelques heures un remplaçant de choix, avec Grandloom. Le groupe n’est pas avare de prestations scéniques (et nous-mêmes on les avait vus au Up In Smoke 2013), et c’est avec la banane qu’ils montent sur scène pour dérouler les premiers accords de leur stoner rock psyche instrumental. Les premiers titres nous emmènent de manière assez jouissive dans leur univers musical, une sorte de Karma To Burn un peu plus déstructuré, plus groovy et ouvert aux impros. En tout cas, tout ceci est foutrement carré, ça jamme, c’est aéré et souple, certes, mais c’est rondement bien mené par un trio qui se connaît sur le bout des doigts (même si le batteur a incorporé le trio depuis moins d’un an). Scéniquement, alors que Thomas est la plupart du temps noyé dans un rideau de cheveux et ondule / headbangue selon les rythmes des titres qu’il cisèle avec sa gratte, Hans à la quatre-cordes est plus extraverti, affichant un sourire ultra-brite constant, sans négliger ses lignes de basse groovy et rondes. Par ailleurs, la synchro basse-batterie, un élément clé, on le sait, pour ce type de format instrumental en trio, est d’une puissance remarquable (il faut voir le batteur ne pas lâcher Hans du regard une seule minute). Dans ce genre musical, on a tendance à penser qu’avec Grandloom on ne peut pas se tromper : psyche et planant mais pas trop ennuyeux, propice aux jams mais jamais démonstratifs ou trop longs, alternant différents tempo et ambiances musicales… Une prestation juste impeccable, même si dans un genre radicalement différent de Huata, qu’on pleure toujours un petit peu quand même… Pris dans leur élan, les allemands qui voient leur set toucher à sa fin se lancent néanmoins dans un titre long, tendance psyche planant… et emplafonnent ainsi le timing ! Pas grave, personne ne leur en tirera rigueur.

GOZU


Gozu, éminent membre du roster Small Stone, se pose en pur représentant du gros stoner ricain emblématique du label de Detroit, MI. Avec deux albums sous le bras, le groupe a bien vite été catalogué dans la partie « sans surprise » de cette écurie de champions : Small Stone compte son lot de groupes très diversifiés, mais aussi une poignée de groupes musicalement assez carrés, qui se retrouvent derrière une vision partagée du gros rock – un truc assez crasseux, doté de riffs acérés presque metal, et des compos catchy et percutantes qui sentent bon l’americana. Et bien pas de surprise donc avec Gozu : c’est exactement ce qu’ils nous donnent en pâture. Mais avec la manière ! Les gars tiennent la Main stage comme si c’était leur propre salon – ils sont ici chez eux, à l’aise, ils contrôlent. Et heureux d’être là aussi, ça se voit, en particulier chez Gaff, leur charismatique frontman. Ce dernier mène les hostilités avec maestria, redoutable en guitariste rythmique et remarquable pour sa voix puissante et subtile à la fois, une qualité rare qui place Gozu dans une catégorie un peu à part. Le reste du groupe se donne à fond, et enquille les morceaux issus alternativement de leurs deux albums (de mémoire, quasiment moitié-moitié du set). De ce maelstrom d’une efficacité redoutable, on se rappellera en particulier le viral « Meth Cowboy » enchaîné à un percutant et groovy « Mr Riddle », mais le reste du set n’est jamais en reste. Un groupe généreux sur scène, professionnel et efficace. Ca manque peut-être un peu de chaleur dans la relation au public, mais dans le style, c’est juste inattaquable.

PRISMA CIRCUS

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Un move jusqu’au Foyer – désormais bien rempli – pour aller nous confronter aux Ibères pas rudes de Prisma Circus. Nous avions déjà croisé le quatuor avant qu’il ne monte sur scène et la tension était perceptible. Il n’y avait pourtant pas de quoi car le public du Desertfest est toujours bienveillant et les Espagnols sont plutôt talentueux, n’empêche : Alex, Joaquin et Oscar ont gravi les trois marches les séparant du sol avec la boule au bide et ont débuté leur set dans ces conditions alors que franchement il n’y avait pas à se faire de bile. Bon, ce sentiment bizarre qui était perçu par les spectateurs s’est heureusement estompé au cours de leur prestation pour le plus grand bonheur de tous. Plutôt statiques sur scène, et drôlement harnaché pour leur bassiste et chanteur qui avait la sangle de sa Rickenbacker autour de la taille pour un jeu quasi-vertical, le trio à la dégaine datée a délivré une performance de rock psychédélique très orientée jam dans le plus pur esprit des lointaines seventies. Ca fleurait bon le MC5 dans la capitale économique de l’Europe et certains de nos potes n’allaient pas cesser de tarir d’éloges à l’endroit de ces garçons qui alignèrent peu de titres au total, mais étirèrent avec panache des plages extraites de leurs deux productions : le long format « Reminiscences » sorti l’an passé et son cadet de quatre titres sobrement intitulé « Prisma Circus » dont « Paradox » fût surement le point d’orgue. Après les derniers accords du bien nommé « Asylum’s Gate », le moment était venu de glisser vers le côté sombre de la planète stoner pour un programme nippon ni mauvais qui allait satisfaire les amateurs de gras nombreux dans l’assistance, à l’heure habituelle à laquelle les concerts de rock débutent alors même que nous n’en étions qu’à la moitié de cette journée de dingue.

CHURCH OF MISERY

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Les japonais de Church Of Misery investissent une mainstage finalement assez dépouillée, baignés dans une pénombre et des contre-jours ajoutant à l’aspect lugubre de leur réputation. L’édition du Desertfest de cette année est moins orientée doom que celle de l’année dernière, et tandis que nos oreilles résonnent encore des accords de stoner pur jus des ibères Prisma Circus, le choc musical est rude dès la première déflagration nippone. Le son est gras, dense, et les japonais sont possédés, débridés (faut dire qu’il auront traîné sur le site pendant deux jours, au milieu du public, tout calmes et souriants – le contraste est d’autant plus marquant…). On est plutôt contents de retrouver au micro Hideki Fukasawa, après le passage de Negishi pendant quelques années (dans la carrière du groupe, ce poste n’a jamais été très pérenne). Tandis que ce dernier faisait office de fou dangereux derrière son micro (ce qui finalement n’était pas un casting si stupide au vu des paroles déjantées du combo…), Fukasawa est plus posé, plus « incantatoire » aussi, et son chant plus « doom » paraît mieux rendre justice à la noirceur de la musique du combo. Il ne se met pas non plus autant en avant que son prédécesseur, et la maîtrise scénique paraît désormais mieux partagée entre les musiciens : Tatsu Mikami, jouant comme à son habitude avec sa basse au niveau des chevilles, est toujours bien à fond et pas avare en poses metal bien cliché, tandis que Ikuma Kawabe est plus introverti mais pas moins impliqué ni efficace, à l’image du batteur, perdu en fond de scène et abattant ses rondins dans une ambiance lumineuse toujours aussi sinistre au fil du set. Le groupe jouera une demi-douzaine de titres pendant un peu moins d’une heure (faut dire que les bonhommes ont peu de compos sous la jauge des six minutes…), dont on retiendra surtout les classiques issus de « House Of The Unholy », le puissant « Born to Raise Hell » (chargé comme d ‘hab’ de soli impeccables mais aussi d’interventions « space » au synthé de Fukasawa…) ou l’incontournable et pachydermique « El Padrino ». Les nouveaux titres joués ce soir ne mettent pas autant en transe que les anciens, même si le set n’a pas faibli un seul instant, et que le public headbanguait comme un seul homme au moindre riff. Belle efficacité sur ce set, parfaitement positionné dans le début de soirée pour faire un peu monter la tension musicale suite à un début de journée que l’on pourrait presque qualifier de « bon enfant ». Finie la déconne, la suite de la journée sera grasse ou ne sera pas !

HULL

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Le premier acte de cette programmation garantie zéro pourcent light était assuré par l’incroyable quatuor de Brooklyn qu’est Hull et il était écrit que le desertrocker qui se pointe sans protection auditive à leur show n’aurait pas les oreilles débouchées avant le lendemain. Je vous laisse imaginer la puissance employée par ces ricains pour nous ramoner les cages à cérumen. Alignés, faisant front au public, les trois micros réglés à hauteur d’homme attendirent quelques instants avant que montent ces fous furieux sur les planches du Foyer. Le public, clairsemé certes, était néanmoins très réceptif au tabassage en règle que le groupe allait déployer tout au long d’un set placé sous le signe de l’extrême violence. Car si la formation sait être subtile et presque aérienne sur disque, le setlist ne laissa aucune place à leur répertoire apaisé, et concentration fût effectuée sur les titres les plus rentre-dedans. Ce fût donc magique pour une partie de l’auditoire et certainement pénible pour ceux qui n’étaient pas dans le mood tant certains plans empruntés au vieux thrash étaient éloignés de la galaxie stoner. Avec hargne, les frontmen se sont succédés, voire même joints, pour vociférer leurs textes malsains sur un véritable déluge de riffs ravageurs et de rythmiques assassines. Le pays des Bisounours semblait à mille lieux de l’Astra alors que Hull déployait la quintessence de son mix de sludge, de thrash et de plans doomesques dont le sublimissime « Beyond The Lightless Sky » qui est une pépite du genre (et qui tombait fort bien à propos à ce moment de la soirée). Si Prisma Circus avait marqué certains esprits, ces Américains allaient en marquer d’autres qui allaient opérer une véritable razzia au Hippie Market pour acquérir leurs œuvres dont le dernier EP en date « Swamp Goat » dont l’unique plage « The Legend Of Swamp Goat » a été envoyée sur scène durant un set sanglant qui vit le groupe se dépenser sans compter pour notre plus grand bonheur.

CAUSA SUI

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La soirée commence à prendre des tournures de boucherie cérébrale, avec les déflagrations successives de Church of Misery et Hull, et à venir Kvelertak, Elder et Mantar. Compréhensifs (et magnanimes) l’orga du Desertfest a eu la bonne idée de nous coller une rasade de CAUSA SUI au milieu de cette orgie, afin de calmer un peu les tympans et solliciter un peu plus les neurones. Faut dire en plus que le concert de ce soir est exclusif, et connaissant la réputation live du combo, on ne peut que saliver d’avance. En se posant devant la mainstage, on accueille donc avec bienveillance les premiers voluptueux accords du combo danois. Scéniquement, le light show est chiadé, hypnotisant, avec des projections immenses sur le backdrop magistral ornant le fond de scène. Faut dire que si on comptait sur les musiciens pour participer à l’animation scénique, on serait fort déçus, tant leur agitation sur scène s’apparente à celle de phasmes apathiques pendant leur sieste : les musiciens sont concentrés, se regardent entre eux occasionnellement, mais plus globalement s’immergent dans leurs nappes soniques pendant la poignée de titres que leur heure de concert leur permet d’aligner. Musicalement, ça plane haut, très haut : le psych-rock du quatuor est hypnotique, séduisant et lancinant, et le public, qui ondule presque inconsciemment au rythme des morceaux, semble apprécier. N’ayant pas eu l’opportunité d’écouter leur dernier album, le morceau qui m’est apparu le plus intéressant et représentatif fut cette interprétation de haute volée de « Red Valley », un titre qui sonne vraiment comme une chute studio psyche issue du « …Circus… » de Kyuss, sans le chant of course, et se terminant par un solo de gratte presque Hendrixien impeccablement emmené. Même si ici sur Desert-Rock on n’est pas du genre à coller des allusions à Kyuss (ou QOTSA d’ailleurs) à tout bout de champs pour définir des artistes, les échos de la formation du haut-désert californien résonnent occasionnellement à nos oreilles sur plusieurs passages du set, qu’il s’agisse d’attaques de batterie rageuses, d’un son de guitare « familier », ou plus globalement de rythmiques heavy et enlevées. Mais le tout sonne comme du miel sur nos petits tympans musclés, et nos synapses, reposées, disent en cœur « merci Causa Sui ». Une belle expérience scénique.

ELDER

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Retour dans l’antre qui pue la sueur de dessous les aisselles pour une nouvelle débauche d’énergie en perspective avec la formation de Boston. Nous vous l’avions dit : le vendredi c’était la journée du gros son qui poutre et cette nouvelle salve pourtant attendue allait nous laisser un peu dubitatif. Non pas que la formation soit en petite forme ou que les compos alignées ce soir-là soufrent d’un quelconque manque d’inspiration voire de talent, non nous croyons que l’alignement Moth, Grandloom, Church Of Misery et Hull avait grandement entamé notre côté gras. La perspective de se taper Kvelertak au dessert a aussi joué son rôle bien évidemment. Nous avons goûté au stoner-doom du trio, mais ne sommes pas pour autant ressorti du show avec un sourire béat aux lèvres. La performance des américains était d’ailleurs plutôt de bonne facture et la foule compacte devant la scène ne partagera à coup sûr pas le sentiment des desertrockporters que nous sommes. Car, tandis que les gars secouaient leurs tignasses sur scène en alignant des titres longs, remplis de riffs de grattes et de vrombissement de basse, la foule hurlait son plaisir durant les longues plages hypnotiques. Peut-être attendions-nous d’atteindre un autre niveau dans la violence, car soyons honnête : la formation n’a pas démérité une seule seconde. Promis, la prochaine fois on fait dans le léger avant de s’envoyer une rasade d’Elder sur scène.

KVELERTAK

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Nombreux étaient ceux qui avaient été interpellés par l’arrivée du sextuor norvégien sur l’affiche de cette fiesta dédiée au stoner et aux genres voisins tant Kvelertak semble éloigné de la tradition de ce style. Il se trouve qu’en dépit de son étiquette peu propice à agiter les foules stoner, la formation qui se produisait en tête d’affiche a fait un carton plein. Le public stoner – que l’on sait par ailleurs peu sectaire – a carrément pris son panard durant le show intense qu’a délivré la bande de Scandinaves. Même en s’inscrivant dans son registre usuel qui emprunte au punk, au metal, au hardcore, au death – et nous en passons – nos lascars n’avaient pas usurpé leur place d’headliner de la soirée. Ce fût magique, voire même au-delà de ça. Tout débuta avec l’arrivée de leur hurleur paré de sa mythique tête de hibou – c’était chouette dès le début – au milieu de ses acolytes pour envoyer « Åpenbaring » en ouverture soit le premier titre de leur dernier effort en date : « Meir ». Et le ton était donné : ça allait poutrer non-stop durant la prestation de Kvelertak et les spectateurs n’auraient guère de répit durant presque une heure et demie ; remarquez nous en aurions bien repris une petite dernière pour la route, mais bon, ça faisait déjà super plaisir de se taper un show avec cette formation en haut de l’affiche plutôt qu’en ouverture d’une grosse pointure ricaine. Alors après une ouverture sur les chapeaux de roues, les Norvégiens ont envoyé une bonne moitié de leur dernière production : « Kverlertak », « Spring Fra Livet », l’imparable « Undertro » ainsi qu’une poignée d’autres missiles plus des morceaux plus anciens – tout est relatif – datant de leur premier chef-d’œuvre. En plus d’être talentueux en matière de composition, ces types ont le toupet d’avoir une sacrée prestance sur scène en n’ayant de cesse de bouger pour bien remplir l’espace (même si c’est toujours plus aisé à six qu’à trois). Ils ont exhibé de superbes instruments qui ont fait pâlir d’envie les zicos présents dans la place et même si leur frontman ventripotent qui jouait à torse poil n’était pas des plus remarquable esthétiquement parlant, tout le monde enviait l’aisance avec laquelle ils semblent tous exercer leur art. Une réussite, que dire, une énorme réussite scénique avec quelques effets de manche bien sentis dont le masque du début et l’étendard géant agité par leur vociférateur en chef juste avant les rappels convenus. Ceux-ci étaient composés d’un tiercé d’obus issus de leur première galette : « Sjøhyenar (Havets Herrer) », « Mjød » et « Utrydd dei Svake » : un titre plus long et un peu en dessous du reste question intensité – attention : nous sommes restés du côté bourrin – au cour duquel les musiciens ont livré le reste d’énergie qu’il leur restait en réserve pour nous en foutre plein la vue et escalader les amplis pour certains. Une show exceptionnel pour un public d’exception : nous pouvions quitter la Main Stage heureux pour rejoindre une autre bande de bourrins qui n’allaient pas tarder à envoyer leur sauce épicée alors que la nuit était déjà bien entamée.

MANTAR

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Lorsque Mantar a été annoncé à l’affiche du Desertfest, on a commencé par s’interroger sur ce duo germano-turc (?!), et puis on a vite compris qu’ils faisaient partie de cette petite liste de groupes que Sound Of Liberation glisse toujours sournoisement dans ses événements, qui sont des groupes d’avenir, à découvrir avant qu’ils n’obtiennent une plus large reconnaissance. En voyant le frêle Hanno finir d’installer son matos sur la petite scène, brancher fébrilement les derniers câbles ici ou là sur son rack de pédales de un mètre de large, sans oser regarder le public qui se masse devant la scène après l’assaut en règle pris avec Kvelertak, on se dit que le bonhomme n’est peut-être pas de taille… Et le début du set, un peu chaotique (il renverse une bouteille d’eau sur sa tête d’ampli, se prend les pieds dans son matos…) ne nous rassure pas. Le bonhomme est tendu… L’impression étrange continue alors que le groupe se lance dans l’interprétation du heavy « The Berserker’s Path », sur lequel on entend des vocaux… sans qu’il ne se mette derrière son micro ! Il s’agit en fait de bandes samplées, mais les gens dans le public, qui ne connaissent pas encore les chansons du groupe, se regardent bizarrement au début … Et puis finalement, il aura suffi de lancer un titre plus énergique, et que Hanno s’empare enfin du micro et déglutir ses boyaux comme il se doit pour convaincre un public qui retrouve – après un autre beau spécimen de hurleur chez Kvelertak –un pur agresseur phonique complètement barré, là, sous ses yeux qui commentent à briller d’émotion. Et la suite est à l’avenant, allant de bonne surprise en bonne surprise. Musicalement, le groupe évolue au confluent de plein de genres différents, une sorte de sludge dégraissé, teinté de vapeurs doom, bercé par des rythmiques qui pourront rappeler Motörhead, et un aspect parfois « clinique » du son (on pense aux Melvins, à Meshuggah sur certains passages…). Le petit gars Hanno, se révèle vite complètement déjanté, dans le genre habité par sa musique. Doté d’un son de gratte vicieux et incisif, il décoche ses rythmiques avec la furieuse envie d’en découdre – il vise le K.O. technique dès que possible, pas le temps de faire des courbettes. Il se contorsionne dans tous les sens, frappe frénétiquement du pied sur ses pédales d’effets et balance ses riffs haineux sans jamais faiblir. Son pote Erinc derrière son kit de batterie, forcément moins visible, ne le quitte pas des yeux, et cale tout son jeu sur la dynamique imposée par son copain gratteux. L’exercice de la musique en duo ne souffre pas d’approximation, et le batteur cogne ses fûts avec fougue mais toujours en parfaite symbiose avec son collègue. Le duo utilisera cette grosse demi-heure pour décocher quelques cartouches bien rouillées à bout portant vers ce public rassasié par sa journée bien remplie. Par ce dernier uppercut, Mantar marque un paquet de points au « top découverte » du week end, et donne surtout une furieuse envie d’aller les revoir jouer sur scène dès que l’occasion se présentera à nouveau.
Allez, dodo, faut prendre des forces pour la journée de demain…
(A SUIVRE…)

Chris & Laurent

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