Quand même, c’est une sacrée chance d’avoir en France cette troisième édition des Doomed Gatherings, le pendant doom des fameuses Stoned Gatherings qui propose une affiche sacrément alléchante et pointue.
Un line-up qui va prouver la variété du style (le doom hein, pas Mika), loin d’être restrictif ni réducteur, car aucun des 21 groupes qui vont se succéder sur la petite scène ne va se ressembler. Avec tout de même un point commun, cette lenteur qui laissera des traces indélébiles sur les nuques et dans les cerveaux des participants, qui auraient sans doute été plus nombreux s’il y avait eu des têtes d’affiche plus aguicheuses. Pas grave, on est entre nous, on est au Glazart et on est bien. Visite guidée et non exhaustive de la planète doom, où la noirceur musicale contraste avec la bonne humeur et les sourires arborés trois jours durant par son public. Pour ce faire, nous aurons recours à des Palmes d’Or (du doom) et un compteur du nombre de références au mot “doom” (on en est déjà à 5 sur l’intro…).
Le temps d’arriver, de malheureusement louper les belges de Bathsheba et de prendre ses marques dans ce Glazart, dont la plage très agréable est fort heureusement ouverte et on fonce s’immerger dans cette salle aux faux airs de squat, sombre, longue et basse de plafond.
NNRA
Juste à temps pour le début du premier concert de ce projet electro-doom (6) naissant. Le groupe a fortement recours à des machines et le batteur, qui joue du coup rarement, est disposé sur le côté pour mieux laisser apprécier les projections monochromes lugubres balancées sur le drap blanc qui sera peu utilisé pendant ces trois jours. Dommage car les lights du Glazart sont plutôt sommaires. Le guitariste abat une grande partie du boulot, tantôt hypnotique tantôt plus aérien, et la basse renforce le côté monolithique de l’ensemble.
Une des prestations les plus sombres (musicalement et visuellement) du week-end dès le début, ça fait assez mal et immerge la salle dans une ambiance glaciale. Tout juste quelques touches post-rock viendront égayer par moments un set qui fait froid dans le dos et qui laisse présager du très bon pour la suite du groupe et du festival.
Palme d’Or de la Noirceur.
DEMONIC DEATH JUDGE
Changement radical avec les finlandais qui vont s’employer à faire chauffer les nuques d’une audience qui n’attendait que ça. Leur sludge est sacrément bien balancé et se pare de contours plus stoner voire rock ‘n roll, notamment au niveau des solos de guitare, carrément blues par moments. On note même une patte hardcore dans le son et l’attitude scénique du quatuor qui nous offre un nouveau morceau et remporte logiquement les suffrages d’un public qui commence son activité favorite du week-end : headbanguer (lentement) comme un seul homme. Le groupe est visiblement heureux de fouler les planches, une de ses rares incartades scéniques de cette première moitié d’année puisqu’il nous prépare le successeur de « Skygods » (2012 tout de même…), qu’on attend de pied ferme.
Palme d’Or Nordique.
EGYPT
Le premier trio ricain du fest, attendu, va baigner avec classe la salle de son blues très doom (7), ou l’inverse. Solos gorgés de feeling, basse nonchalante, ronflante ou assommante et voix frelatée seront les ingrédients de ce set bien maîtrisé. Fort de son nouvel album « Endless Fight », les gars de Fargo, la ville popularisée par les frères Coen, ne vont pas oublier leurs prédécesseurs, loin sans faut, et proposer une setlist loin d’être basée sur leur dernier rejeton. Une partie du public reconnaît et acclame chaque morceau, bien exécutés mais sans réelle folie. L’accent étant mis sur un groove gras, lent et foncièrement bluesy, on aurait pu peut être s’attendre à une interprétation plus envolée et moins copier-coller des versions studio qui semblent pourtant se prêter à des séquences de libertés sur les passages instrumentaux. Un bon apéritif tout de même.
Palme d’Or du Feeling.
MANTAR
On peut commencer à parler d’un phénomène Mantar. Venu de Hambourg, le duo va occulter l’heure du repas pour nous infliger sa débauche d’énergie sacrément contagieuse. La tournée en cours est impressionnante et les prestations live sont remarquées, à juste titre. Face à face, les deux compères vont prendre le public à la gorge sans temps mort. Ce gratteux est totalement halluciné et hallucinant, quasi punk dans l’attitude et certains plans mais pas dans le son. Hanno déballe un attirail impressionnant, couplé à un ampli basse activable quand bon lui semble, une palette majoritairement black/doom (8) qui n’hésite pas à lorgner du côté indus, apportant un côté martial à la chose, renforcé par le jeu d’Erinc, cogneur invétéré. Disposé de côté donc, le batteur balance des parpaings derrière ses fûts et suit au mieux son comparse, qui nous assène ses vocaux possédés. Une bien belle baffe dont ces deux-là nous ont gratifié. Si ce n’est déjà fait, on ne saurait que trop vous conseiller de poser une oreille sur « Ode to the Flame », deuxième opus des allemands et de ne pas les louper plus ou moins près de chez vous.
Palme d’Or de l’Énergie.
TONER LOW
Un grand batteur dreadlocké installe le drap blanc de fond de scène, sa grosse caisse se pare elle aussi de projections tournoyantes et le moment de la (première) messe est venu. A ses côtés, une grande bassiste, affublée de la même particularité capillaire, effectue des balances sommaires mais efficaces. Quelle idée improbablement merveilleuse de faire jouer à Toner Low un album chaque soir, intégralement et dans l’ordre chronologique, bien entendu.
Le premier (vrai) album éponyme joué ce soir voit réapparaître les anciens chanteur et guitariste (juste sur le solo du dernier morceau, l’énôrme « Nymrod ») de la formation batave. Un chanteur aux faux airs de Walter dans The Big Lebowski (en moins gros) qui va apparaître juste le temps de déclamer des sortes de mantrâ, et disparaître ensuite sur le côté de la scène en attendant sa prochaine intervention. Utilisant un micro stick minuscule et des effets de l’espace, sa manière de se poster immobile au milieu de la scène renforce le côté prédication de son chant. Certains passages instaureront même auprès du public une ambiance de cathédrale (“Interlude” et le drone mystique “Sunn Of”).
Bénéficiant haut la main d’un des meilleurs sons du festival, les hollandais vont faire chavirer le Glazart du côté psychédélique de la force doom (9). Un premier set, le plus stoner des trois, en forme de mise en bouche et en garde pour ce qui va suivre les deux jours suivants. Le guitariste, coiffé d’un casque anti-bruit, improvise le peu de solos qui saupoudrent la petite heure de set. On sent que certains morceaux ne sont plus joués depuis longtemps et que le groupe a du en rebosser certains pour l’occasion, merci.
Palme d’Or du Jury.
RAMESSES
Après ce grand et unique moment, une partie du public quitte les lieux, plus pour une question de transport que de bouderie du trio anglais, formé en 2003 déjà mais inactif depuis 2013, qui va prouver pourquoi il clôture ce premier jour de festivités. On peut dire qu’ils ont bien fait de se reformer les bougres. Mené par un bassiste/chanteur au registre vocal varié, allant du chant clair au growl en passant par des voix criées typiquement black, Ramesses va faire montre de ses capacités scéniques. Un éventail musical allant de passages presque death (old school) à des ambiances plus psychés, aérant de fait son set, impeccable, rondement mené de bout en bout et baigné de stroboscopes.
Le batteur, au jeu en permanence décroisé, impressionne derrière son kit aux cymbales démesurées, grosses et lourdes comme des gongs et au tom alto épais comme un tom basse. On a même droit à quelques blast-beats. Guitare et basse empilent les couches de gras mais pas seulement, et le côté black cru de leur productions studio laisse ici place à plus d’épaisseur. De quoi avoir le riff de « Master your Demons » en tête pour la nuit.
Palme d’Or de l’Epilepsie.
Fin du premier jour seulement et autant de baffes que de groupes. L’after party verra plus de membres de groupes déambuler sur un dancefloor qui vire au disco, que de spectateurs, Paris ayant cet inconvénient de sa taille et le Glazart de son éloignement relatif. Dodoom, à doomain.
A SUIVRE
[Photos : Patrick Baleydier]
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