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EARTHLESS – 07/05/2019 à Paris (avec Mars Red Sky) & 08/05/2019 à Bordeaux (avec We Hunt Buffalo et Libido Fuzz)

Paris (Maroquinerie) | 07/05/2019

Pas le temps de respirer dans la capitale. À peine sorti du concert de la veille mettant à l’honneur The Devil and the Almighty Blues ainsi que Colour Haze, on se rend à la Maroquinerie pour une nouvelle session de rock psychédélique signée Below The Sun avec deux bestiaux du genre que sont Mars Red Sky et Earthless. Un mélange qui sur le papier promet d’augmenter sérieusement la température du sous-sol.

Mars Red Sky

Au vu des ponts et des extensions de vacances qui cisaillent en ce moment les semaines, on aurait pu s’attendre à une audience éparse. Pourtant en ce mardi soir, pas loin d’un quart d’heure avant l’allumage des amplis, la Maroquinerie compte déjà un sacré effectif. Mars Red Sky s’équipe du matos avec une franche bonne humeur et démarre son set par un nouveau morceau intitulé « Reacts », de quoi attiser la curiosité de ce public grandissant. Et lorsqu’ils enchaînent sur la lourde « Apex 3 », la salle conçue comme un entonnoir dirigé vers la scène n’a déjà plus d’espace à offrir. Coiffé de son éternelle casquette, Julien tire ses lyrics comme des flèches aériennes au travers de l’épais voile soulevé par les instruments. On peine d’ailleurs à l’entendre au début. Ici, pour ceux qui en doutaient encore, c’est Jimmy le frontman. Entre chaque morceau et tandis que les mécaniques de guitares réajustent les accordages, c’est lui qui papote avec la foule. Aussi bien pour blaguer, éconduire poliment les ardeurs de certains allumés du premier rang, ou annoncer la sortie d’un nouvel album. Une galette attendue pour septembre dont le groupe nous gratifiera de quelques savoureux extraits. Qu’il s’agisse de récentes productions ou d’incontournables comme « Strong reflection », le heavy psché planant à souhait de Mars Red Sky nous emporte toujours autant dans leur univers ; un monde de colosse taillé dans le marbre, de mélodies envoutantes et de créatures éthérées. Une expérience qui, si elle n’agitera que peu la foule de la Maroquinerie, aura au moins le mérite de l’avoir subjugué.

Earthless

Question agitation, il revient au client suivant d’en déchaîner tous les aspects. Après une rapide et efficace désinstallation/réinstallation du stuff par le staff, Earthless débarque. Devant un parterre de fidèles venu en nombres, le trio de San Diego débute sa fiévreuse entreprise par « Black Heaven », titre éponyme du dernier album en date. À partir de là, les fauves sont lâchés. Le lourd groove musclé frappe de plein fouet la fosse qui explose. Les pogo surviennent si vite qu’on oublierait presque l’harmonie bienveillante qui l’animait quelques instants plus tôt. Et déjà, il parait compliqué de conserver sa place au premier rang. Certains photographes rangeront leurs engins sous la chemise pour éviter les jets de bière, tandis que les plus avisés se retireront carrément vers des hauteurs plus apaisées. Car en face, la tornade Earthless exécute une danse électrique, déchaînant ses phrasés endiablés à un public de plus en plus possédé. On comprend soudain pourquoi les retours ont été avancés vers les musiciens juste avant. Isaiah fait étalage de sa virtuosité sur une six cordes poncée jusqu’à la moelle, enchaînant les séquences mélodiques et des soli tous plus frénétiques les uns que les autres, tandis que son pote Mario Rubalcaba martyrise une superbe Ludwig sans sourciller. Un véritable métronome à la puissance n’ayant d’égal que sa précision, et qui tient la baraque comme la barre d’un navire en prise avec la colère de l’océan. L’ouragan californien s’intensifie, on en perd le décompte des morceaux, des arrangements, trop ensorcelé par les trois furies et leur brûlante magie. Et même lorsque l’intro de « Gifted by the wind » semble laisser le souffler redescendre, ce n’est que pour mieux relancer la machine par la suite. Seul Mike, dissimulé derrière les volutes de fumée, parait un tantinet plus en retrait que ses potes. Même s’il suffit de tendre l’oreille dans la bonne direction pour comprendre que sa basse n’en mène pas large non plus.

Earthless

Les slams aussi s’enchaînent, s’accumulent, se heurtent. La bière est renversée, les t-shirts sont retirés. Au cœur de cette tempête, un circle pit se dessine même, ainsi que les multiples sourires enfantins de ceux qui le composent et qui s’apprêtent à l’honorer. Le rappel survient bien trop tôt, au grand dam d’une fosse qui manifeste toute sa frustration. Toutefois, les Américains ne s’absentent guère longtemps et reviennent au galop avec « Volt rush ». Un morceau qui n’aura jamais aussi bien porté son nom. Et comme cela ne suffit évidemment pas, le groupe enchaîne par une superbe reprise de « Communication Breakdown ». Puis tout s’arrête. Un affront qui ne trouvera aucune tolérance, mais bien des cris, presque des appels à l’aide. Devant tant de ferveur, le trio réintègre la scène pour un second rappel, plus authentique, celui-ci. Plus touchant aussi. Et après Led Zep, ce sera Hendrix à l’honneur avec une reprise de « Purple Haze » en guise de clôture.

Earthless

Finalement que faut-il pour réaliser un bon concert ? Une salle au son impeccable, une solide VMC et de jolies lumières ? Deux groupes armés de Fuzz, d’énergie psychédélique et d’une bonne humeur à partager ? Beaucoup de frénésie, de bière et un jour fériée le lendemain ? Ou peut-être est-ce tout cela à la fois ? Quelle qu’elle soit, la recette se révèle maitrisée par Below the Sun qui nous régale encore une fois de l’une de ses superbes soirées. Vivement la prochaine.

 

Alex


Bordeaux (salle des fêtes du grand Parc) | 08/05/2019

Suite aux échos de pure folie de la date parisienne de la veille, impossible de rater la venue à Bordeaux de Earthless. Les Make It Sabbathy ne faisant rien à moitié, ils ont investi la très belle salle des fêtes du Grand Parc, et ont convié à la fête deux autres groupes.

On commence par les locaux de Libido Fuzz, trio psych-rock local plein d’énergie, qui trouve là la parfaite affiche pour faire étalage de son art. Un art bien maîtrisé, le groupe en ayant maintenant bien sous la pédale après plusieurs années de route et d’exercice. Du coup le set déroule dans la bonne humeur et un public qui apprécie : alternance de plans planants et d’autres plus lourds et puissants viennent armer des morceaux riches et bien construits, qui laissent toujours un peu d’espace pour des soli bien space. La communication avec le public est quasi-absente, ce qui est dommage pour un groupe local…

 

C’est au tour de We Hunt Buffalo, en tournée en ce moment, qui voit les planètes s’aligner et ce somptueux plateau lui ouvrir ses portes ! La tension monte très vite d’un niveau avec le trio canadien : parfaitement rodé, le groupe enquille quelques belles ogives de stoner ma foi assez classique, correspondant exactement à ce que souhaite le public, particulièrement enthousiaste ! On peut reprocher au groupe son manque d’originalité, mais force est de reconnaître que ce qu’il fait, il le fait bien : spécialisé dans les gros riffs bien gras, le groupe de Colombie Britannique s’appuie sur une section rythmique impeccable, et en particulier un Cliff Thiessen à la basse qui semble monté sur ressorts ! Sourriant, dynamique, sur-excité, le chevelu bassiste fait le show et s’attire immédiatement la sympathie. Ryan Forsythe ets plus austère, mais anime les débats avec conviction à la six-cordes et au micro. Le tout enrobé encore une fois de lights superbes et d’un son impeccable font que le concert aura largement séduit le public.

 

 

Place aux maîtres de la soirée, qui ont traîné dans la salle toute la soirée (faisant quelques emplettes vinyles auprès de l’exposant installé dans la salle, et venant voir chaque groupe précédent, avec intérêt). La salle est très correctement remplie quand le trio foule la scène. Évidemment après une jolie claque en festival le week-end précédent (voir notre chronique du Desertfest Berlin) et les échos de la veille à Paris, on est excités comme des puces ! Ils commencent par tuer le game avec une jam autour de « Uluru Rock » qui commence un peu décousue et qu’ils finissent par faire tourner un bon quart d’heure, largement passé par Mitchell le pied sur la Wah-wah et la tête dans les étoiles. Ensuite, la voie est toute tracée, et les désormais classiques que sont « Electric Flame » et « Gifted by the Wind » s’enchaînent devant un public conquis… mais plutôt calme. Genre béat ondulant, pas vraiment des frénétiques du pit. Un très sympa « Cherry Red » (une reprise des Groundhogs qui figure souvent sur leurs set lists) arrive tandis que l’on se dirige vers l’heure de concert et… au revoir ! Le groupe quitte les planches, pour revenir bien sûr quelques instants pour une autre reprise, le « Communication Breakdown » de qui vous savez, en mode bien nerveux, et puis c’est tout ! Le groupe quitte cette fois définitivement la scène, devant un public satisfait… Pour notre part on reste un peu stoïques, constatant avec circonspection qu’il manquait ce soir un élément pour que la magie prenne vraiment… Mais la soirée fut néanmoins bien belle.

 

Laurent