Ce qui est bien lorsque l’on est amateur de vieilles musiques passéistes, c’est que l’on est peu ou prou à l’abri des effets de modes et des buzz en tout genre, même si, il est vrai, ce constat est de plus en plus contestable de nos jours. Il arrive parfois évidemment et heureusement qu’un bon groupe soit reconnu à sa juste valeur et obtienne la reconnaissance qu’il mérite, mêlant alors aux foules des fans premiers ceux que le vent de la reconnaissance médiatique aura poussé jusque dans une salle suffisamment grande pour être inscrite sur les radars du public de masse. Goat est désormais de ces groupes qu’il faut inévitablement partager avec un monde de mélomanes mondains à l’affût des dernières sensations, poussé par l’aura mystérieuse entourant le combo suédois. Il y a pourtant deux façons de voir Goat : soit comme un excellent groupe de rock psychédélique, aussi heavy que lumineux, porté par des prestations scénique tournant à la transe chamanique, soit comme une bande de zozos grimés comme au carnaval de Rio et bidouillant une world music de blanc-becs pour blanc-becs même pas foutus d’orthographier correctement le nom de l’improbable village d’où ils sont sensés être originaires (selon la légende) dans leur biographie. La vérité se trouve probablement quelque part entre les deux et ils ont pour eux un premier opus – World Music – délicieux, gavé jusqu’à l’os de perles rock ciselées au Voodoo et aux percussions tribales. Comme si Pentagram et Santana jammaient ensemble dans un fjord en somme. Votre serviteur se souvient de leur prestation au Roadburn, moment magique, dans un Het Paatronat blindé et en fusion, lieu et public qui rendaient parfaitement grâce à leur musique de désaxés. Pour ce qui est de les voir à Paris, il aura par contre fallu attendre la publication de leur second album, Commune, décrit partout – de Pitchfork à Gonzaï – comme l’album psychédélique de l’année. De notre coté, soyons sérieux : Commune est de ces seconds disques qui tombent à plat. Goat a perdu son côté démoniaque et sa musique est devenue aussi chiante qu’une pluie froide sur les carreaux de la cuisine. Reste que leur mixture est née pour s’apprécier live, il était donc hors de question de rater le cirque suédois lors de sa halte au Trabendo.
Pour l’occasion d’ailleurs, ces derniers sont accompagnés de compatriotes répondant au doux nom de Les Big Byrd, oui avec un « The » mais en français. L’histoire de ce quatuor n’est pas banale : les mecs ont croisé Anton Newcombe dans un disquaire de Stockholm et de fil en aiguille se sont retrouvés à enregistrer sous la houlette du chanteur de Brian Johnston Massacre dans un studio berlinois. Les jeunes musiciens se présentent sur scène un peu après 20h et échafaudent une sorte de rock anglais barbouillé à la fuzz aux faux airs de Psychédélique pour les nuls. Ne goûtant que peu à leur set et probablement déconcerté par les petits néons accrochés aux doigts du guitariste et par le gilet de sécurité routière du batteur, il me faudra attendre « Dandelion Seed » en fin de set pour taper du pied. Ceci dit l’accueil qui leur est réservé est plus que chaleureux. Salauds de hipster.
Set List Les Big Byrd:
They Worshipped Cats
Tinnitus Aeternum
War in the streets
Vi Borde Prata, Men Det Är För Sent
Dandelion Seeds
Le temps d’aller faire un tour au food truck et apprécier les lampions, de constater que le public parisien, égal à lui même, a sorti les peaux de moutons et les marinières, et les premiers accords de « Talk To God » se font entendre depuis les entrailles d’un Trabendo finalement correctement rempli, malgré le prix élevé des places. Les soit disant natifs de Korpilombolo enchainent leurs hits sans mot dire, excellents sur « Let it Bleed », chamaniques lors de leur impeccable exécution de « Dreambuilding », l’un des titres de l’indispensable 7’ publié chez Sub Pop en 2013. Bien sûr « Diaribi » leur relecture du classique du Malien Boubacar Traore est un des points forts du set et force est de constater que les nouveaux morceau s’imbriquent plutôt bien dans l’ensemble, même si l’on regrettera longtemps les anciennes set list reprenant World Music (et le 7’) en intégralité (le collectif a eu la bonne idée de publier un témoignages de cette époque pas si lointaine en LP sous le nom de Live Ballroom Ritual). Mais ne soyons pas trop fine bouche, Goat reste une implacable machine live, dépensant en énergie ce que les chanteuses perdent en justesse (leurs voix froides en criarde seront sans aucun doute le gros point faible du combo par la suite) et ce soir c’est un parterre de fans en sueur qui applaudit la prestation, réclamant à corps et à cri un petit bonus qui sera l’un des points d’orgue du set. En servant « Golden Dawn », « Det som aldrig förändras », apocalypse sonore débouchant comme c’est désormais l’accoutumé sur un reprise du « Kristallen den fina » d’Harvester. Ce final, bien plus heavy que le reste du set offre une tribune idéale aux deux prêtresses, dynamitant la scène de leurs danses envoutantes avant de quitter la scène pour laisser leurs musiciens distordre le morceau dans tous les sens puis ramener doucement le Trabendo vers la réalité.
Alors que les esprits retrouvent leur raison de fonctionner, il ne se trouvera personne pour se plaindre du moment qu’il vient de passer. Même pas votre aigri et désagréable serviteur, enchanté d’avoir de nouveau vu la magie factice et pompeuse de Goat fonctionner.
Set list Goat:
Talk to God
Let It Bleed
Gathering of Ancient Tribes
The Light Within
Disco Fever
Dreambuilding
Goatlord
Diarabi
Goatman
Run to Your Mama
Goathead
Hide from the Sun
Goatslaves
The Sun The Moon
Words
Encore:
Golden Dawn
Det som aldrig förändras – Kristallen den fina
Point Vinyle :
Les 3 albums (2 studios et un live) de Goat ont été publiés chez Rocket Recordings (crèmerie de White Hills, The Head ou Gnod, entre autres). Le premier, World Music, est autrement recommandable, pour son packaging autant que son contenu. Le second, Commune, un peu moins. Le Live Ballroom Ritual (enregistré à Electric Ballroom de Londres en juin 2013) est aussi indispensable. La petite pépite en revanche est un 7’s (« Dreambuilding »/ « Stonegoat ») disponible soit via un pressage Rocket Recordings (encre Rouge) ou Sub Pop (encre bleue), jolie pièce sortie sur le label mythique grunge de Seattle également distributeur de Goat désormais outre atlantique. Le live, le 7’ (vite sold out) ainsi qu’une version de Commune avec un 7’ (Dig My Grave) de chez Sup Pop étaient disponibles sur le stand merchandising.