Comme chaque année pour le solstice d’été, la charmante bourgade de Loire-Atlantique revoyait converger vers elle une horde bruyante (et pas toujours très distinguée) de fans de metal au sens très large. La programmation des 6 scènes du festival avait follement excité la planète rock ces derniers mois et le moment était – enfin – venu d’aller se frotter à la version 14 du Hellfest. La configuration de notre scène de prédilection, la fameuse Valley, n’a guère évolué depuis l’an passé tout comme la configuration générale du fest. Nous avions quitté les lieux sous les assauts d’Amenra en 2018 et la programmation de ce groupe (pas franchement stoner) donnait un avant-goût de la nouvelle coloration musicale qu’allait un peu prendre notre scène de prédilection cette année. L’ouverture d’esprit déjà amorcée à doses homéopathiques par le passé allait prendre de l’ampleur… et ce n’est pas l’annulation de dernière minute de Manowar qui allait nous gâcher notre fest !
*** Notre video-report : le jour 1 du Hellfest en quelques minutes avec entre autres des extraits live de tous les concerts ! ***
The NECROMANCERS
Quoi de mieux pour commencer ce Hellfest qu’un groupe invoquant Satan à presque chacun de ses morceaux ? Les français qui ont parcouru le vieux continent en long et en large ces derniers mois trouvent logiquement leur place sous la Valley, et montrent très vite les vertus de cette expérience live – sur scène, c’est du solide ! Ouvrant sur leur classique “Salem Girl” sous une tente presque comble (fait notable s’il en est, car il n’est que 10h30) The Necromancers ont tôt fait de galvaniser la foule : malgré un son parfois un peu mal balancé il n’y aura aucune défection dans les rangs, bien au contraire. Musicalement, le quatuor emprunte au doom et sort du lot avec son goût d’entre-deux avec des sonorités très Stoner et d’autres plus Southern voire Hard Rock. La voix rocailleuse de Tom porte le majestueux “Erzebeth” sur presque un quart d’heure, avant que le groupe ne termine par son autre morceau emblématique, “Black Marble House”, en version heavy bien rodée sur la route, pour le plus grand plaisir du public (qui compte pas mal de fans qui chantent les paroles). Un set solide, efficace, et maîtrisé de bout en bout.
VALLEY OF THE SUN
Le Quartet de Cincinnati vient faire pleuvoir le feu sur scène d’entrée de jeu. C’est une attaque en règle qui fout des gifles aux festivaliers. On aurait pu craindre une certaine mollesse des gars au vu des compos du dernier album Old Gods mais il n’en est rien. Le guitariste Casey Beagle larsen à mort, le gars n’est pas venu pour enfiler des perles, pas moins d’ailleurs que ses coreligionnaires. Leur jeu est plein d’un bonheur dansant qui va bientôt mettre tout le monde d’accord. En effet « Old Gods» est le baril de poudre qui enflamme la fosse. Valley Of The Sun tape allègrement dans sa discographie reprenant son « Centaur Rodeo» des débuts et clôturant sur « Riding The Dunes». Chaque morceau est taillé pour la scène et même lorsque les titres sont plus lents, leur maturité séduit totalement la foule ici amassée. La Valley est presque comble et ce n’est pas qu’à cause du soleil qui tape déjà dur dehors. Ce Hellfest décidément aura tôt fait de nous mettre dans le bain. Si Valley of the Sun ne sera pas pour nous LE groupe à voir ce jour, il sera néanmoins très bien placé dans la liste de ceux qui auront marqué ce Fest. Bravo messieurs, beau travail, on espère vous voir plus souvent de par nos contrées.
RADIO MOSCOW
Sous une tente qui ne désemplit pas et qui dégueule de monde, l’entrée en scène des très attendus Radio Moscow se fait sous les vivats de la foule qui prend de plein fouet ”New Beginning” et ne va pas avoir le temps de souffler en enchaînant entre autres “So Alone» et “I Just Don’t Know”, qui déverse des ondes 70’s impeccables. Lunettes de soleil et veste en daim, Parker Griggs nous offre un joli flashback. Le gars est sidérant de maturité et son jeu ainsi que sa voix ne trahissent rien de ses quelques trente piges et des poussières, un véritable routard du Heavy Psych. Pour le morceau à l’intro la plus bluesy “250 Miles/Brain Cycles” le public se met immédiatement à taper dans ses mains pour accompagner le storytelling de Parker qui lance ses notes aiguës à la Clapton sur fond de ronron de basse. La vague enfle et finit par submerger le public – sans doute le meilleur moment de ce set au Hellfest où le public se met à bouger jusqu’au fond du chapiteau. Comme à l’accoutumée le trio livre un set fort en énergie où la gratte déverse son flot de croches impossible à compter. La basse n’est pas en reste, même si un poil d’amplification supplémentaire n’aurait rien gâché (les balances sur la batterie et la basse sont un peu légères sur le set…). Difficile dès lors de ne pas considérer Radio Moscow comme un groupe pour guitariste. Les 40 minutes du set sont un format idéal pour ce spectacle, ne laissant pas le temps de s’en lasser. On ne regrettera presque rien après cette prestation si ce n’est le manque de place dans la fosse…
CONAN
Pas la première fois qu’on voit les doomsters anglais ; on ne s’attendait pas à une scénographie très extravagante… Les trois patibulaires musiciens prennent donc place et enquillent leurs titres sans chichis, en commençant par le replet “Prosper on the Path”, un beau bébé un peu criard issu de leur dernière galette. Les grand britons y adjoignent un autre nouveau titre, “Eye to Eye to Eye” qui passe plutôt bien, avant d’engager le puissant classique “Throne of Fire”. Niveau compos, peu de groupes de doom peuvent se targuer de projectiles si efficaces. Mais aujourd’hui, quelque chose sonne un peu faux – littéralement. La mise en son pose soucis ; c’est trop aigu, ça manque de basse, la guitare de Jon Davis manque de nerfs… Pour le chant de Davis, idem : nasillard, surnageant dans le mix, il distrait l’oreille des esthètes du doom qui prévoyaient déjà de se craquer la nuque pendant quarante minutes. Ce “Throne of Fire”, habituellement garni d’un monceau de gras et de quelques tranches de bitume chaud, se trouve donc aujourd’hui proposé en format régime diététique, ce qui nous met la puce à l’oreille… Un peu plus loin le vieux “Total Conquest” se trouve un peu entaché du même mal… Volonté du groupe ? Problème conjoncturel ? Toujours est-il que ce set de Conan, sans être mauvais, est un peu passé à côté.
MY SLEEPING KARMA
Une vague d’amour s’apprête à souffler sur l’enfer, My Sleeping Karma entre en scène et c’est après le câlin collectif d’usage que les Allemands entament « Prithvi» et « Enigma 23». Comment échapper dès lors à leur atmosphère si enveloppante ? On sent bien qu’il ne va rien se passer qui sorte de l’ordinaire du côté de la set list, mais qu’importe : les gars communiquent leur bonheur d’être là avec leurs instruments entre les pattes. Leur joie de revenir honorer une si grande scène est visible et le public a répondu à l’appel. Matte le bassiste communique beaucoup avec le public, le remerciant avec chaleur entre « Ephedra» et « Vayu». Ce même public vit pleinement le set et acclame le groupe comme s’il était un prophète du psychédélisme aux influences hindouistes. La montée mystique s’accorde tout à fait avec le titre « Psilocybe». Comment aurait-il pu en être autrement ? Le seul accroc à toute cette tendresse ne réside que dans la colère du bassiste qui perd son Jack en plein morceau ne s’en apercevant qu’à la fin du titre. Du côté des fûts Steffen est une machine de guerre qui donne toute sa dimension metal au groupe. Le ressenti est physique autant que spirituel : au pied de la scène basse et batterie forment une onde de choc et les mélodies portées par le clavier de Norman plongent les festivaliers en transe. Le set livré au festival de l’enfer est à la fois chtonien et aérien. Les échanges basse / guitare tout du long se font avec espièglerie les deux acolytes se provoquant de mimiques et de grimaces amusées. Quel bonheur de voir tant de gratitude dans le public et sur scène alors que résonnent encore les derniers accords de « Hymn 72». Merci les gars pour ce beau moment…
ALL THEM WITCHES
Musicalement, All Them Witches n’est pas le groupe le plus puissant du jour, loin s’en faut, le trio américain se reposant de moins en moins ces dernières années sur la fée saturation… Pour autant, le groupe a arpenté tant de routes, partagé tant de scènes de concerts et de festivals avec des groupes associés à la Valley qu’il paraît logique de les retrouver aujourd’hui ici. Mieux encore : à l’heure de l’apéritif, et après un début de journée déjà éprouvant, une prestation plus cool et groovy s’annonce parfaitement appropriée. Sans extravagance, et avec le sourire (enfin en ce qui concerne C.M. Parks, les autres étant plutôt du genre taciturnes), ils prennent la scène et lancent leur intro sur le bon vieux “Funeral for a Great Drunken Bird”. Il ne faut pas longtemps pour constater que côté set list le groupe est là pour convaincre le plus grand nombre et non pas pour prendre des risques : ils se reposent sur leurs plus gros classiques (les efficaces “Alabaster”, “3-5-7”, “Blood & Sand (…)”…) aux interprétations sans faille pour séduire un public qui, pour beaucoup, n’a encore jamais croisé sa route. Même si deux ou trois extraits du récent (et plus calme) ATW sont joués, ce sont les plus vieux titres qui remportent la timbale. On notera en particulier un très bon “When God Comes Back” qui permet évidemment à Parks de valoriser le timbre parfois très soul de ses vocaux, et à Robby Staebler de se faire plaisir avec sa frappe de mule et son regard carnassier. Un set un peu convenu (mode festival), mais de haut niveau.
GRAVEYARD
Depuis 2013 Graveyard n’avait pas foulé les planches du Hellfest. Une série de rendez-vous manqués, un split… Toujours est-il que dans l’intervalle, le groupe s’est reconstruit, s’est densifié et affirmé aussi, et c’est une formation d’une toute autre dimension qui se présente à nous sur un solennel et fiévreux “Walk On”. L’interprétation sans faille et incarnée du quatuor emporte bien vite un public consentant, en particulier évidemment Joakim Nilsson, avec son timbre de voix toujours aux limites de la rupture (même lorsqu’il est un peu limite, son énergie et sa puissance emportent l’ensemble, à l’image d’un très bel enchaînement “Hisingen Blues” / “Uncomfortably Numb”). Mais le blond frontman ne laisse pas que des miettes à ses collègues, à l’image du chaleureux “Bird of Paradise” efficacement chanté par le bassiste Truls Mörck. Notons par ailleurs le jeu de basse impeccable de ce dernier, en particulier quand il lâche son médiator pour des parties interprétées toutes en feeling. Même si la set list au final s’avère assez convenue et sans surprise, difficile de cracher dans la soupe, les torpilles qui s’enchaînent ayant fait des dizaines de fois la preuve de leur efficacité, à l’image de ce final bluesy et épique sur une énième interprétation de “The Siren”.
KVELERTAK
Ce n’est ni à la Valley – ni même à la Warzone où ils avaient joué il y a quelques années pour le plus grand bonheur de certains membres de l’équipe – que nous retrouvons les bourrins norvégiens. C’est notre penchant malsain pour la musique qui écrase sa chatte ainsi que notre curiosité – toute aussi malsaine – relative à la présence d’un nouveau hurleur qui nous ont propulsés sous la tente de l’Altar en ce vendredi. Autant dire que le contraste avec le style seventies pratiqué simultanément à la Valley par Graveyard était saisissant. Les scandinaves ont foutu un boulet énorme dans l’antre des amateurs de death metal qui se sont montré follement réceptifs aux assauts mené par ce groupe aussi difficile à caser dans un style particulier que talentueux. Débutée avec une grosse intro sur « Åpenbaring », le show de ces adeptes de sensations fortes a vu s’enchaîner les hits redoutables que la formation venue du froid a mitonné au fil des années, en mettant un accent fort sur Meir qui demeure un album que toute personne respectable se doit de posséder. Après avoir infligé aux spectateurs une version incendiaire de « Nekroskop», accompagnée par un circle pit du plus bel effet devant les crash barrières, Kvelertak a marqué une pause (qui permit à ses nombreux membres d’échanger en toute décontraction) en raison d’un problème de son au niveau de la batterie. Les standards des trois albums officiels ont été interprétés sans réelle surprise et les festivaliers présents ont apprécié ce show désormais plus sobre que par le passé (certains artifices scéniques ont disparu avec le départ de l’ancien vocaliste) et surtout plus plaisant que les premières parties pour Metallica jouées sur un coin de scène rikiki dans des stades devant un public pas vraiment venu là pour eux. C’est convaincu par la pertinence du nouveau vocaliste ainsi que par une prestation au niveau escompté que nous quittons cette scène pour aller nous réfugier dans la Valley afin d’attendre le début du show de l’oncle acide.
UNCLE ACID & the Deadbeats
Ouvrant sur « I see through you», Uncle Acid déchaîne le public malgré une balance de la voix qui sonne un peu comme dans un hall de gare vide. Le groupe semble avoir plus de cohésion que d’habitude. L’énergie se fait sa place dans le public, le bassiste surexcité s’oppose à un guitariste neurasthénique et résume peut être assez bien la musique du groupe sur « Death’s Door ». Uncle Acid déclenche les premiers crowd surfing de la journée, il était temps ! Même si l’agitation qui nait dans la foule est sans doute plus liée à la notoriété qu’à la puissance du set, on ne peut pas nier qu’il se passe toujours quelque chose avec cette bête-là. Incroyable que Kevin Starrs, qui se rend aussi anonyme par son attitude et son accoutrement, déchaîne tant de passion au-delà de sa musique elle-même. Comme toujours, il a enfilé son costume de marionnettiste, cagoule mise à part, et en jouant perpétuellement à contre-jour, ne trahit pas sa notoriété. Alors que les premières notes de « Shokwave City» résonnent, la température monte encore d’un cran dans la fosse pour mieux s’opposer à la fraîcheur vespérale naissante. La section rythmique fait des merveilles et la basse me sort régulièrement de la torpeur pleine d’énergie où je me laisse porter. Le point d’orgue intervient sur « Pusher Man» avant de que les Anglais ne plient les gaules sur « No Return ». Heureusement plus d’une heure nous sépare du prochain set sous la Valley et nous allons pouvoir reprendre nos forces pour le final de ce premier jour qui n’est pas des moindres.
FU MANCHU
Le petit groupe qui va clôturer cette première journée n’en est pas à ses débuts. Dès leur arrivée c’est un début d’avalanche de slammers dans ce public qui prend « Evil Eye » en pleine tronche – et ce n’est pas près de se calmer, avec l’enchaînement de « Eatin’ Dust» et « Clone of The Universe». Les festivaliers reprennent en cœur « California Crossing» puis « Boogie Van». Fu Manchu est en terrain conquis, qui mieux qu’eux d’ailleurs pour remplir la Valley de riffs et lui rendre son sable et sa sueur. Les Californiens avec « Red Line» donnent un cours magistral de Coolitude. Scott Hill derrière sa six-cordes en résine transparente joue le poseur, main sur la taille quand il lâche l’instrument, mais n’est jamais bégueule. Le visage tendu au ciel, l’inspiration et la maîtrise viennent des cieux. Le concert est un feu de la saint Jean qui fête dignement ce premier jour de l’été et cette nuit de fête de la musique. Indubitablement, Fu Manchu c’est de la maestria à tous les plans, Scott Reeder derrière ses futs jongle avec ses baguettes. Et même si Scott Hill semble avoir du mal à reprendre son souffle (il fait le tour des amplis bouche grande ouverte l’air un peu hagard comme privé d’oxygène), beaucoup n’y verront rien, hébétés par « Coyote Duster», « Hell on Wheels» ou encore « Mangoose». Est-ce la cause de notre ressenti d’assister à un set un peu mou au vu de l’historique du groupe ? Qu’importe, personne n’osera réclamer plus à ces rois de la scène qui après « Dimension Sihfter» et « Laserbl’ast!« vont foutre une branlée au public avec son magique « King of the Road». Techniciens impeccables les gars nous souhaitent bonne nuit avec « Saturn III» dont le vaisseau va nous transporter au-delà du système solaire, jusqu’au lendemain matin tout du moins.
Comme d’habitude les festivaliers vont quitter le festival sur les rotules, et les fans de Stoner en auront eu pour leurs yeux et leurs mirettes aujourd’hui. Cela n’empêchera sans doute pas un bon nombre d’entre eux d’aller prolonger la fête de la musique sur le site du festival ou au camping en traversant les allées poussiéreuses encore chaudes de la journée en trainant les pieds.
[A SUIVRE…]
Chris, Laurent & Sidney Résurrection
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Hello. my name is Scott hill from the band fu manchu. We are releasing a new 10" record and was seeing what we would need to do to use a Live Photo you took of our drummer. Please let me know.
thanks,
Scott / fu