HELLFEST 2013 – Jour 2, Down, Witchcraft, Red Fang, Karma To Burn, 22 juin 2013, Clisson, France

On est un peu trop limites ce matin niveau timing pour pouvoir choper le set des très “hypés” Regarde Les Hommes Tomber… On attendra donc que la nature fasse bien les choses et que la musique du groupe français parvienne à nos oreilles une fois passé le buzz…

On commencera donc cette matinée avec les lorrains de SURTR sous la Valley. Le trio déroule un doom mélodique somme toute assez traditionnel pendant trente minutes devant une tente à peu près à moitié remplie. Le public est un peu passif, voire hagard, et on ne peut pas dire que le groupe, au jeu scénique plutôt apathique, fasse grand-chose pour le réveiller. Adeptes de riffs répétitifs et les rythmiques lancinantes, genre oblige, le groupe ne communique par ailleurs quasiment jamais avec le public : alors qu’ils parlent français, et qu’il s’agit là d’une occasion inestimable de créer un contact privilégié avec plusieurs centaines de personnes d’un coup, ce mutisme paraît un choix pour le moins étrange… Bref, il manquait un sérieux quelque chose pour rendre ce concert mémorable. Dommage, c’était une bonne occase.


Le temps que les techos montent le backline du groupe suivant sous la Valley, on se balade un peu sans conviction sur le site, sans découvrir quoi que ce soit de bien excitant sur les autres scènes. On revient donc assez rapidement pour les doomeux chiliens (modérément) cultes de PROCESSION. Le groupe nous prévient d’ailleurs dès l’intro : “you’re about to get doomed”… Et il n’y a pas mensonge sur la marchandise : dans une veine de doom bien plus métallique et dynamique que leurs prédécesseurs, on est surtout pris par surprise par le dynamisme scénique de ce quatuor qui contraste fort avec ses prédécesseurs : poses de guitar hero, dialogue constant avec le public, présence scénique… Musicalement, on pense à du Candlemass milieu de carrière, ou plus récemment à Grand Magus, par exemple… Pas vraiment du doom tel qu’on se l’imagine, lent et sous-accordé. Doté d’une discographie hétéroclite (deux albums, des EP, splits…), le quatuor pioche un peu partout en favorisant son dernier album (avec notamment l’excellent morceau éponyme “To reap heaven’s apart” ou encore “Conjurer”) mais la longueur de ses titres (huit minutes en moyenne) rend cette set list trop peu diversifiée. Un bon set, d’un groupe à revoir dans un contexte plus approprié (qu’une tente en milieu de journée en plein jour)…


Toujours rien à se mettre sous la dent entre les sets de la Valley, on attend donc sagement de pouvoir voir un peu de quel bois se chauffe vraiment UNCLE ACID AND THE DEADBEATS. Faut dire que la hype ces derniers mois n’a pas faibli autour du groupe, dont le dernier fait d’arme, annoncé quelques semaines avant le Hellfest, est d’avoir raflé la première partie la plus enviée du moment : celle de la prochaine tournée de Black Sabbath. Lorsque les anglais montent sur scène, la tente est donc pleine, signe que l’intérêt et la curiosité du public pour ce groupe au sobriquet rigolo est grande (et signe aussi que la pluie qui rince le site de Clisson incite à la convivialité sous la tente…). Même si les musiciens sont bien dedans, la musique du groupe ne se prête pas non plus aux postures enjouées ou aux sauts de cabris : la musique du quatuor de Cambridge est plutôt lente, d’obédience doom mélodique à forte connotation psyche, servie par des chœurs lancinants parfaitement appropriés. Niveau set list, les fans du dernier album “Mind control” (excellent) sont ravis puisque plus de la moitié du set lui est consacrée ! On notera en particulier les très efficaces “Valley of the dolls” ou encore “Poison apple”, qui confirment la bonne conversion en live de ces compos à la fois classiques et ultra-référencées sur album, mais aussi plutôt atypiques, dont le groupe a le secret. Les titres défilent ainsi sous la coolitude tranquille toute british de ces rejetons de la terriblement perfide Albion, et même si K.R. Starrs, en leader incontesté, attire tous les regards (chant, soli, leads incisives), les deux autres bretteurs font tourner la baraque et assurent leur part de chœurs. Le set se termine par le sublime “Over and over again” (quel riff !) qui met tout le monde d’accord : le succès du groupe n’est pas volé, et ils l’ont prouvé aujourd’hui avec un set de haute volée.


Jusqu’à quelques jours du festival, WITCHCRAFT était toujours incertain : ayant été contraints d’annuler (pour motif de maladie…) une partie de sa tournée européenne ces derniers mois (souvenez-vous, le Desertfest…), les suédois ont laissé planer un doute sournois sur la tenue de cette date, et ce n’est que lorsque l’on les voit enfin fouler les planches de la Valley que l’on est complètement rassurés. Le groupe s’est doté d’un atypique, simpliste mais bienvenu rideau rouge en fond de scène, qui les distingue du coup “graphiquement” des 58 autres groupes qui défilent sur la même scène – bien vu. A noter aussi la présence de leur batteur Oscar Johansson sur le côté droit de la scène, et non pas au fond comme on en a l’habitude. Concernant la set list, le groupe fait confiance de manière assez insolente à son dernier album qui a vu son explosion récente (ou plutôt la confirmation de sa notoriété croissante), “Legend” : il ne m’a semblé compter qu’une seule incartade hors de cet excellent album, via “No Angel or Demon” issu de leur premier opus. Tout le reste a priori était extrait de leur dernière offrande ! Un bon coup de promo, et en tous les cas un choix payant dans l’absolu, puisque leur set fut en tout point excellent. On notera en particulier “It’s not because of you”, larvé de solos multiples jouissifs. Scéniquement déjà, Witchcraft se distingue d’abord par la présence hantée de Magnus Pelander au micro, qui se dodeline maladroitement de manière arythmique, mais qui peut se reposer sur son organe vocal si particulier et charismatique. A ses côtés, ça joue très bien, et à sa droite surtout, le duo Henriksson (basse) et Solomon (guitare) se la donnent à 100%, en particulier ce dernier, qui enchaîne les soli avec une énergie qu’il fait bon prendre en pleine face. Se reposant sur des compos efficaces (et qui apparaissent moins linéaires que sur album) et sur une attitude scénique impeccable, le set de Witchcraft fonctionne bien auprès d’une Valley remplie jusqu’à la gueule.

Au pas de course on rejoint la main stage pour aller choper le set de DOWN dont on rate les premiers accords (faut dire que ces enflures ont commencé cinq minutes plus tôt…). Quand dès le second titre le groupe nous colle un extrait de son dernier (correct mais pas exceptionnel) E.P., on commence à craindre une set list toute pourrie. Heureusement la suite va nous donner tort, avec une large proportion de morceaux issus du premier album (“Lifer”, toujours dédicacé à Dimebag Darrel, “Hail the leaf”, etc…), à peine deux du second, et aucun du troisième ! Miam ! Les gars ont la pêche (on ne pourra jamais reprocher au groupe son manque d’envie sur scène), et on est content de voir que Patrick Bruders (Crowbar), qui a repris la basse après le départ de Rex, s’en tire avec les honneurs. Anselmo est en voix (d’outre tombe – faut l’entendre grommeler avec sa voix caverneuse entre les titres…) et le fait savoir. Les deux gratteux ne sont pas en reste, avec un Pepper Keenan – et son T-shirt The Obsessed – qui manifestement assume avec autorité une sorte de leadership instrumental légitime. Comme on y est habitués aussi avec Down, le bord de scène est complètement blindé de curieux, musiciens, famille, amis, strip teaseuses, etc… Niveau son, le vent qui tournoie devant la main stage gâche un peu la fête, mais au final, ça sonne quand même pas mal (on regrette un peu notre petit confort douillet de la Valley…). En décidant d’enquiller en clôture les trois bombes que sont “Losing all”, “Stone the crow” et “Bury me in smoke”, le groupe est sûr de son effet et sait qu’il met la barre très haut. Les traditions étant ce qu’elles sont, avec un concert de Down en festival on a forcément l’éclatage de micro du sieur Anselmo sur son front, et la conclusion bordélique : on y voit défiler Jason Newsted, Matt Pike, et autres zicos non identifiés, et au final ça donne toujours ce sentiment d’ambiance festive, de générosité et de partage qui rendent chaque concert de Down attachant. Quand en plus il se pare d’une set list de ce niveau, on ne peut que ressortir de là conquis.


Passés les derniers accords, on court rejoindre la Valley pour le set très attendu de KARMA TO BURN, qui joue devant une tente pleine à craquer. Quelques jours avant cette date, on a cru que le groupe ferait lui aussi partie de la longue liste des annulations dont a été victime le Hellfest cette année, puisque les quelques dates précédent ce concert ont été annulées. Heureusement, le groupe monte sur scène à l’heure et… sonne bizarre. De là où on se trouve (cachés derrière les amplis sans vue directe de la scène), on soupçonne un problème de sono que l’on espère voir résoudre au plus vite. Sauf qu’en prenant un peu de recul pour avoir une vue complète de la scène, on comprend mieux le phénomène : il manque Rich Mullins à la basse ! Will Mecum et Evan Devine (le batteur qui a remplacé Rob Oswald, parti avec perte et fracas il y a plus d’un an maintenant) tiennent seuls la scène, et enquillent les riffs, en essayant d’occuper le plus de strates sonores possibles. Sentant bien qu’il manque quelque chose, Will, un peu imbibé par ailleurs, se lâche complètement, et son comportement scénique contraste avec ce à quoi l’on était habitué : le bonhomme bouge sur scène, va à la rencontre du public, joue en interaction avec Devine, et parle au micro (miracle !). Précisons que le gars est d’une lourdeur assez remarquable et ses réparties frisent la maladresse un peu pathétique (“Donnez moi un ‘hey’ !!”). Mais au final on n’est pas venus pour qu’il nous compte fleurette, on va donc se pencher sur la musique du “duo”. Niveau set list, ils tentent pas le diable et optent pour les classiques : ça commence par “19”, qui marche pas trop mal, mais déjà sur “36” le manque de la basse galopante et ronflante de Mullins se fait sentir. Mecum envoie du steak, pas de soucis, il bastonne, et Devine l’aide bien en enrobant le tout de force cymbales et autres artifices soniques. Mais même s’ils font illusion sur 80% des passages musicaux, certains breaks ou certains soli ne passent pas, tout simplement. Que dire de “8” et ses passages harmonisés soutenus par la mélodie de basse de Mullins ? Il ne vaut plus que pour son couplet / riff remarquable, il est vrai. Et ça déroule comme ça tout du long, dans un contraste perpétuel : un public qui s’éclate complètement (faut voir le nombre de slammers et les headbangers frénétiques des premiers rangs) et un malaise musical tangible. Quel étrange set…
[Même si l’on ne peut pas donner l’ensemble des informations expliquant l’absence de Mullins sur cette tournée européenne, disons simplement à ce stade qu’il y a eu un problème –réel – d’organisation de son vol vers l’Europe, sachant qu’il vit à plusieurs milliers de kilomètres de ses collègues et que donc son avion était différent].


Après avoir noyé ce petit malaise dans une paire de Jack Daniel’s bien sentis, on retrouve la Valley un peu plus tard pour un set qui s’annonce bien plus réjouissant, avec (encore !) RED FANG. On est d’ailleurs pas les seuls à les attendre, tant on a du mal à se frayer un chemin dans le public pour se rapprocher de la scène. Ces derniers mois et années, les ricains ont arpenté tout ce qui ressemblait à une scène en France et ailleurs et… ça se sent ! Niveau efficacité ils sont juste au top niveau : se reposant sur un package de compos complètement imparables, les bonhommes sont tous de bonne humeur, dynamique, énervés… ils ont une réputation à défendre et ils se la jouent pas en roue libre ! Aaron Beam, au centre de la formation, attire les regards et l’attention par son seul charisme (on peut pas dire que ça soit par son look de premier de la classe), sans jamais priver ses collègues de leur part de “lumière”. L’entité Red Fang est bien huilée, chacun y a sa place, et c’est désormais devenu une véritable machine de guerre. On parlait des compos, faut voir que Red Fang ne manque pas de hits désormais, essentiellement issus de “Murder the Mountains” : “Malverde” et son riff écrasant, le très catchy et heavy “Wires”, ou le virulent “Hank is dead” voient les slammers débridés se lâcher complètement. Evidemment, le classique “Prehistoric doc” et son riff de deux notes conclut les hostilités avec la fureur qui caractérise ce set. Il est maintenant urgent que les gaziers enquillent sur un nouvel album pour transformer l’essai et passer à l’étape supérieure, ce qu’ils ont le potentiel de faire.


Sur ce, on file avaler un sain sandwich pour essayer en même temps de capter quelques notes de CONVERGE (j’en sors déçu par la débauche d’énergie un peu stérile de Jacob Bannon qui se démène mais ne parvient pas à faire exploser le public de la Warzone) puis de ZZ TOP (à peine plus d’une petite heure de concert pour cette tête d’affiche, et une set list qui, sous ce format réduit, accorde une place étonnamment réduite aux hits du groupe). On se dirige ensuite à nouveau vers notre “maison d’accueil”, la Valley, pour aller capter ce que l’on peut appeler l’anomalie de cette programmation. On n’est d’ailleurs pas les seuls à être quelque peu déstabilisés : la tente est à moitié vide pour assister à ce set de MANILLA ROAD ! Malaise tangible, quand on sait qu’en plus de ça le samedi est la journée qui compte le plus de monde sur les trois jours de festival, et que la concurrence sur le site sur ce créneau horaire est juste médiocre… On accorde le bénéfice du doute au groupe, et on se rapproche (sans problème, donc) des premiers rangs. Evoluant dans une sorte de vieux metal vaguement progressif et doté de quelques relents doom “vieille école”, le combo américain joue bien, et le groupe sait bien tenir la scène. Mark “The Shark” Shelton est (et ça se voit…) le seul membre fondateur du groupe restant, les autres étant sensiblement plus jeunes, à l’image de son vocaliste Bryan Patrick, son ancien tour manager. Shelton a beau ne plus être tout jeune, il tricote toujours pas mal sur sa Warlock old school, et baragouine quelques mots de français. Est-ce que ça rend le concert intéressant ? Pour moi, au bout de quatre ou cinq chansons, la messe est dite. Clairement, on n’est pas au niveau de ce que l’on a pu voir quelques heures auparavant sur la même scène. Le fait qu’un groupe existe toujours après plus de trente ans ne suffit pas à le rendre “culte”… et encore mois à le rendre intéressant ! Triste et décevant.


On finit notre soirée par une incartade sous la tente bicéphale “extrême”, puisque les doom métalleux old school de CANDLEMASS se produisent entre deux groupes de black metal sous la tente Altar. C’est avant tout l’occasion de jauger le nouveau (énième !) vocaliste du groupe, le petit jeune suédois Mats Levén (Y. Malmsteen, Krux…). Ce dernier se défend bien, son organe étant bien adapté au répertoire classique du groupe. Les autres musiciens, malgré leur génération d’écart, se défendent bien, à commencer par le fondateur Leif Edling ou encore le guitariste Lars Johansson, tous les deux assurant le show en bons vétérans rodés à la scène qu’ils sont. Même si je suis moins familier du répertoire récent du groupe, je suis toujours content de réentendre des titres comme “Bewitched” ou “At the Gallows end”, catchy et remportant leur petit succès. Lorsque le quatuor termine sur le classique “Solitude”, il clôture un set honorable, efficace, mais manquant un peu de relief et d’éclat. Mettons à leur profit le fait d’avoir “tenu” un public conséquent alors que KISS joue à quelques centaines de mètres à peine…
J’essaye ensuite d’éviter la Valley où jouent Cult Of Luna (pas ma came, désolé) pour rentrer penaudement vers une nuit de sommeil afin de recharger les batteries pour la journée du dimanche, qui s’annonce haute en couleurs…

[A suivre…]

Photos : Laurent (sauf Down : Ian Arné / Noise Culture)

Laurent

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