Ce vendredi s’annonce plein de potentialités, avec une programmation bandante qui, à n’en pas douter, va nous faire vibrer au-delà de ce que nous avons déjà vécu la veille. Nous nous préparons à plonger dans une nouvelle vague de performances, entre rookies du circuit, outsiders et patrons du domaine, prêts à savourer chaque note et chaque riff, en quête de moments inoubliables à vous faire vivre à travers nos ressentis ébouriffés.
Red Sun Atacama
Un set magistral nous accueille pour cette nouvelle journée, mais 30 minutes… allons Hellfest, soyons serieux ! Une démonstration d’envergure est néanmoins offerte en quelques notes de “Furies”. L’émotion et le trouble sont palpables dans la voix mal assurée de Clem lorsqu’il prend la parole, ce qui ne l’empéchera pas de jeter au public sa voix acidulée et percutante sans faillir. Le public de fans est présent, et ceux qui découvrent le groupe en redemandent volontiers. Les titres qui s’enchaînent dans nos esgourdes nous réveillent et nous promettent une journée radieuse, à l’image de ce set hautement maîtrisé et aux astuces toujours appréciées – notamment lorsque, avec son téléphone, Vince balance les samples de clôture de “Antares” à travers les micros de sa guitare, avant que Robin ne remette les blasts de ses fûts au service d’une ambiance bondissante. On en aurait voulu plus… hey Hellfest, tu sais quoi faire pour l’année prochaine !
The Devil’s Trade
Originaire de Hongrie, le trio revendique un dark folk qui puise autant dans le metal le plus lancinant que dans la tradition hongroise. Dávid Makó, l’homme au chant et à la tête du projet, est aussi inquiétant lorsqu’il chante que lorsqu’il parle. Son accent hongrois et sa voix de basse donnent l’impression d’un vámpir égaré en plein jour, sous un ciel si clair que la lune est toujours présente à l’horizon à midi. Voilà de quoi apporter un surplus de mystique à ce groupe aux sombres mélodies, qui ne sont pas sans rappeler les origines de Hangman’s Chair. Pourtant la formation est droit dans ses botte et ne sombre pas dans le plagiat, allant jusqu’à chanter dans sa langue d’origine le titre “Vidékek Vannak Idebenn”, admettant au passage que peu lui chaut si le public, moins nombreux que pour la triplette française qui les a précédé dans la Valley, ne comprends pas la profondeur du texte qui lui sera offert !
Gozu
Nous n’avions pas forcément énormément d’exigences pour le set de Gozu, mais dame ! Distribuer autant de beignes en si peu de temps, c’est indécent. En quarante minutes d’un set impeccablement stoner, ratissant un peu partout dans sa discographie y compris son dernier album, le quartette se fait brutal et élégant à la fois, et le public répond présent : une cohorte de fans de stoner, qui malheureusement ne semblera pas se grossir d’une horde de curieux. C’est cependant sans importance, le plaisir est là, visible sur chaque visage, chaque corps qui ondule au son d’une balance de haute volée, mettant en valeur des mélodies du feu de Dieu. Le temps de jeu est dépassé pour le plus grand plaisir des inconditionnels de performances robustes.
Black Rainbows
Que peut-on encore raconter sur les Italiens de renommée internationale ? On a tout dit, on les a déjà vus tant de fois. Et bien figurez-vous qu’on s’en moque, car de mémoire de rédaction, nous n’avons jamais vu un set approximatif de ce groupe de moustachus – et celui d’aujourd’hui ne fera pas exception. Dès que Gabriele entame “Come On”, le public se resserre pour “Supernova & Asteroids”. Le trio (c’est la journée des triplettes du côté de la Valley) enchaîne avec une performance époustouflante sur “Superhero Dopeproof” et nous nous abandonnons totalement. Comme toujours, le set est généreux et maîtrisé, une mécanique huilée à merveille et rugissante ; le fantôme de MC5 plane sur Clisson en ce début d’après-midi. Comme la grande majorité des spectateurs (et fins connaisseurs), nous nous empressons de retourner les ovationner encore et encore, même si, comme aujourd’hui, leur positionnement dans l’ordre de passage des groupes nous semble bien trop bas.
Planet Of Zeus
Planet of Zeus sauve la mise à Gaupa, qui a du retard, et prend ainsi son créneau horaire. Les puristes ont souvent tendance à dédaigner les Grecs qui explorent des riffs facilement populaires, mais à ceux là nous leur disons : viens prendre une claque en live et on en reparle. Prendre “Macho Libre” en pleine face, taper du pied sur “The Great Dandolos”, voir les rangs compacts des fans reprendre “Gasoline” et “Loyal to The Pack”, garantit une expérience live de qualité. Le groupe ne lâche rien jusqu’à “Vigilante”, avec Babis, hurlant et montrant ses muscles tel un fort de foire, haranguant la foule en Monsieur Loyal expert du Grand Cirque ! Nom de Zeus que c’était bon !
Gaupa
La dernière fois que nous les avons vus au Desertfest en 2023, nous n’avions pas sauté de joie, tant nous étions épuisés par nos festivités berlinoises. Mais cette fois-ci, nous pouvons nous installer solidement devant la scène en ce deuxième jour de Hellfest. Hardis moussaillons, la Suède nous attend et le public l’attend elle. La Valley est couverte de curieux, de fans et d’égarés qui n’ont pas vu le changement de set avec Planet Of Zeus, qui remplissent l’espace généreusement. La voix perçante d’Emma correspond à un genre que nous entendrons de nombreuse fois ces jours-ci et cela ravit les auditeurs qui ne perdent pas une miette de ses danses lascives au milieux des instrumentistes qui envoient tout à leur public. Les fans de stoner (dont nous faisons partie) n’y retrouvent pas forcément leur compte, mais la journée est d’un niveau tel, que nous en profitons pour claquer quelques bises et serrer quelques paluches.
1000Mods
Et bam, une deuxième dose de gras quotidienne venue de Grèce à se foutre dans les oreilles à la Valley ! La formation bien connue des aficionados du stoner revient pour rééditer son mémorable passage de 2018, arborant cette fois le drapeau LGBT en façade d’ampli et faisant sentir une détermination palpable à faire le travail de la scène comme il se doit – et peut-être même presque mécaniquement, si l’on regarde du côté de Labros, qui martèle ses tambours avec une précision chirurgicale. Les gars, présents sur le site depuis au moins 24 heures, auraient-ils trop profité des plaisirs du festival, on nous murmure dans l’oreillette que le COVID a atteint une partie du groupe. Incroyable, car ll’énergie du groupe et le déferlement de notes soulèvent une vague de slammeurs qui débordent par-dessus les crash barrières. Si Planet Of Zeus avait initié un mouvement, c’est maintenant une lame de fond qui s’abat sur le devant de la scène, et les acclamations frénétiques des fans confirment que ce set est digne des dieux du stoner. Le son est là, la puissance et la mise en scène aussi. Rien ne manque, jusqu’à ce que le public lui-même devienne l’attraction principale du concert, entre circle pits et pogos endiablés encadré par nos Challengers préférés – que nous ne remercierons jamais assez de veiller sur nos idioties à longueur de Hellfest. Les Grecs avaient la frite contagieuse et leur performance en ce deuxième jour fera causer la petite communauté jusqu’à la fin du festoche.
Acid King
Concentration maximale. Jason derrière ses fûts respire, ferme les yeux. Un riff de Lori, un enchaînement de Bryce, les baguettes frappent les peaux et c’est parti avec “One Light Second Away” en introduction, pour une heure de set d’une lourdeur espérée, pour un voyage au cœur de ce que le doom psyché a de meilleur et la défense de l’album Beyond Vision. Que faire de plus quand on est déjà au sommet ? Rien, juste dérouler, implacable, un set qui fonctionne, marquer l’introduction vibrante de “90 Seconds”. C’est un cadeau que nous offre ce trio (thématique en vogue ce jour-ci) en remplaçant Witch qui a dû annuler sa venue, et disons-le franchement, en étant simplement là. Le public semble être resté majoritairement sur les Main Stages, ce qui confère à ce concert une atmosphère intimiste des plus propices en ce début de soirée, alors que la nuit tombe et que les flammes commencent à jaillir ici et là, et dans le décor du site infernal, la séance d’hypnose collective se déroule à merveille ; que ce soit avec ou sans herbe à chats, les yeux clos, la nuque molle, les stoner heads se laissent emporter par la prestation magistrale des Américains, qui savourent visiblement chaque instant, comme en témoignent quelques regards échangés et laisser-aller subtils. Les notes de “Color Trails” annoncent la tombée de rideau et ses notes resteront magiquement suspendues dans l’air de la Valley encore un long moment.
Fu Manchu
Ce soir, quel gros set de la part des Fu de la Valley (par opposition aux Foo de la Main Stage le lendemain). De la cowbell, des riffs classiques parmi les classiques, une énergie sans pareil et la grâce venue des tréfonds infernaux. Le choix de la setlist est un hymne à la puissance du groupe qui, pendant une heure, abat les bûches. “Eatin’ Dust” en ouverture, est suivi deux morceaux plus tard par “Hands of The Zodiac”. Une vallée noire de monde (malgré la performance remarquée de Machine Head sur la grande scène) qui ne se laisse pas conter en reprenant “California Crossing” et “Hell On Wheels”. Bien sûr, le groupe ne passe pas à côté de “Mongoose”, pour le plus grand bonheur des fans, avant de clore avec “Saturn III”. Malheureusement, faute de temps, ils n’ont pas pu jouer le rappel “King Of The Road” que nous aurions tant apprécié pour déchaîner une dernière fois le pit et clôturer cette journée de folie de manière encore plus digne.
Ce fut une belle journée de guedin résolument orientée stoner pour ce deuxième jour, avec à la clé un vrai succès auprès de la population historique, et parfois hystérique, de la Valley. A partir de la fin de ce second jour, la programmation va s’écarter considérablement de nos styles de prédilection et c’est fébriles, la boule au ventre, que nous regagnons le campement afin d’être dans les meilleures conditions possibles pour la suite. Ne nous voilons pas la face, nous ne sommes qu’à mi-festival et nos petits corps replets commencent déjà à émettre quelques signes de fatigue (on n’a plus 20 piges).
[A SUIVRE…]
Texte & Photos : Sidney Résurrection & Chris