Paris – 14/11/2019 (L’Alhambra)
4 ans presque jour pour jour après ce funeste 13 novembre 2015, c’est à quelques centaines de mètres du Bataclan qu’ont lieu les festivités du soir. Direction l’Alhambra, non loin de la place de la République, pour se délecter d’une affiche qui, sur le papier, a tout pour plaire : Kadavar est en représentation en France (et pour plusieurs dates) et a apporté dans son tour-bus Mars Red Sky et Hällas.
L’Alhambra est un théâtre de 700 places assises environ sauf que, bien évidemment, la fosse est debout ce soir. Dès l’entrée, vous avez le choix : soit vous pouvez rester debout à batailler pour bien vous placer au rez-de-chaussée ou vous pouvez monter à l’étage pour poser votre séant, peinard sur de confortables sièges rouge sang. Mon dos m’ayant honteusement lâché quelques jours plus tôt me supplie de le reposer et c’est donc depuis le balcon que je vivrais cette soirée (vous verrez quand vous aurez mon âge, bande de millenials !). La fosse se remplit doucement, la bière coule à flots, les premiers vinyles apparaissent dans les bras et la fumée qui recouvre la fosse se dissipe peu à peu. Des écrans de part et d’autre de la scène déroulent les concerts à venir… Oh putain ! Y a Chimène Badi le lendemain ! On a eu chaud !!!
19h45 : pile à l’heure prévue, Hällas débarque dans la pénombre sans bruit et sans faire réagir le public qui ne les accueille même pas avec un petit applaudissement. Pas grave, les suédois en ont vu d’autres et ils ont une arme irrésistible pour s’attirer l’attention : un truc qui s’appelle « The Astral Seer »… Sauf que l’ingé-son doit être aux toilettes car on a l’impression que le groupe est en acoustique tellement le son est faiblard ! Heureusement, cela va s’améliorer au fil des 5 titres qui composeront leur set. Premier choc pour le néophyte d’Hällas que je suis : la voix, fulgurante et tétanisante, de Tommy Alexandersson. Pour le coup, il a réussi à me foutre les poils… Par contre, je peux aisément comprendre que ce genre d’organe puisse déranger et en rebuter certains mais pour ma part, j’adore ! 3 titres de l’album Excerpts From a Future Past, paru en 2017, seront de la partie ce soir (« The Astral Seer », « The Golden City Of Semyra » et le superbe « Star Rider » qui secouera l’assistance) ainsi que « Tear Of a Traitor », extrait de leur nouvel album à paraître fin janvier. Une belle découverte, saluée comme il se doit par un public qui a apprécié la prestation.
Depuis la sortie de The Task Eternal, les avis sont partagés sur le dernier opus de Mars Red Sky… Il est donc grand temps de découvrir si ces nouveaux morceaux passent l’épreuve du live. Lumière tamisée, écran en fond de scène, nos trois amis girondins s’installent et balancent en guise d’amuse-bouche « The Light Beyond ». Premier constat : le son est juste fantastique, réglé aux petits oignons et la basse de Jimmy fait vibrer les coursives du balcon. La mise en scène moins sombre que celle d’Hällas permet de profiter du spectacle comme il se doit. Et après avoir entendu les nouveaux morceaux en condition réelle (dont « Collector », « The Proving Grounds » et un fabuleux « Crazy Hearth » magnifié par la voix de Julien), il est évident que The Task Eternal est un album qui se vit plus qu’il ne s’écoute. Comme à son habitude, Jimmy n’est pas avare en remerciements ni en petites blagues bien senties (que serait Mars Red Sky sans les intermèdes de Jimmy !), Julien est en grande forme et c’est peu dire que Matt a lui aussi une sacrée patate vu la façon dont il va maltraiter sa batterie ! « Hovering Satellites » (tiré de Stranded In Arcadia) et « Marble Sky » (extrait du premier opus) sont eux-aussi de la partie. Évidemment, c’est sur un « Strong Reflection » à la sensualité bestiale qui concluera un set parfait à tous points de vue : un son énorme, un public en osmose et de nouvelles compositions taillées pour la scène. Bravo les gars !
Quand le barnum Kadavar se déplace, autant vous dire qu’il ne reste que poussière et gravats derrière lui. Kadavar, c’est une force de la nature qui donne l’impression de ne jamais forcer… Et ceux qui les ont déjà vus sur scène vous le diront : les patrons, ce sont eux ! Dès l’installation du groupe, on n’est pas dépaysés : Christoph « Lupus » Lindemann, sa barbe et sa guitare à gauche, Simon « Dragon » Bouteloup, son chapeau et sa basse à droite et au milieu, Christoph « Tiger » Bartelt, sa nouvelle superbe moustache (bye bye la barbe ZZTopienne) et sa batterie bien au centre, presque collée au nez du premier rang.
Une toile tendue représentant la tronche d’un diable prêt à vous bouffer est disposée derrière le trio, les lumières se tamisent et nos 3 allemands foulent la scène de l’Alhambra. Il est alors 21h45 et les premiers accords de « The End » arrivent à nos oreilles. Puis « The Devil’s Master » est balancé sans sommation. Le son est dantesque, les lumières crachent dans tous les sens et l’auditoire balance ses attributs capillaires en cadence. Le côté cinématographique du nouvel album, For The Dead Travel Fast (un album qui divise également), prend ici tout son sens : les musiciens sont magnifiés comme jamais grâce à l’ingé-son et au responsable lumières. « Evil Forces » suit dans la même veine (avec un Lupus qui monte haut dans les tours…), avant un « Into The Wormhole », tiré du controversé Rough Times paru en 2017. Tiger se démène comme un beau diable sur ses fûts et gratifie le public des mimiques et grimaces habituelles. Lupus est comme toujours concentré sur ses riffs et Dragon, fier comme un paon, harangue la foule avec toute la classe qui le caractérise.
Arrive la bonne surprise : « Living In Your Head » suivi du superbe « Black Sun », 2 titres tirés du premier album qui date de 2012. Retour en 2019 avec « Demons In My Mind » avant un passage par Berlin avec « The Old Man ». C’est alors que déboule « Into The Night » qui va avoir un effet dévastateur sur le public : celui-ci se déchaîne alors et toute la fosse est prise d’une envie soudaine de balancer son voisin ! Un spectateur finira même sur la scène (les bras en croix, tenant un vinyle dans chaque main) avant de se laisser tomber dans la foule qui le portera pendant plusieurs minutes. Et ce n’est rien à côté de la version cataclysmique de « Die Baby Die » qui mettra le public en transe. « Long Forgotten Song », qui conclut le dernier opus, met également un terme à la « première partie » du concert avant un long moment à attendre le rappel (plus de 10 minutes quand même !) composé de « Children Of The Night », « All Our Thoughts » et l’incontournable « Come Back Life » qui voit le public ovationner les teutons comme ils le méritent.
Grand, grand moment que cette soirée du 14 novembre 2019 à l’Alhambra qui restera dans les mémoires de ceux qui ont eu la chance d’y participer. Sono, light show, public réceptif, tout était au top. Hällas laisse augurer du meilleur, Mars Red Sky a confirmé (s’il en était encore besoin) qu’ils sont au top du genre dans l’hexagone et Kadavar, qui n’a plus rien à confirmer, s’est montré en patron. Revenez quand vous voulez !
Bordeaux / Bègles – 15/11/2019 (BT59)
Le lendemain, ce plateau de luxe vient envahir les terres girondines, dans une salle un peu oubliée du public rock bordelais : le BT59, qui s’était focalisé sur les musique électroniques et dansantes depuis plusieurs années avant de fermer, a ré-ouvert ses portes il y a quelques semaines avec des ambitions plus diversifiées.
On y entre malheureusement un peu en retard tandis que Hällas a déjà lancé les hostilités. Première excellente surprise : le public est déjà là, en masse, quelques centaines de rockers souriants garnissant bien le vaste cube. On n’attendait pas d’être conquis par Hällas : on savait que les gars allaient encore nous régaler, ce qu’ils font avec la manière. Dans une ambiance scénique plutôt sombre (contrastant avec les light shows suivants), le flamboyant quintette suédois déroule une set list jouissive, dont les super catchy “The Astral Seer” et surtout le suranné mais délicieux “Star Rider” se taillent la part du lion. La flamboyance 70’s du combo convainc le public, qui pour une large part découvre ce soir les cinq scandinaves (n’est-ce pas là le principal intérêt des premières parties, finalement ?).
Ambiance toute particulière puisque Mars Red Sky est ici chez lui en région bordelaise. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils vont se la jouer relax, bien au contraire : le trio entame son set avant l’heure prévue (ça lui permet de caser un titre supplémentaire, beaucoup de groupes devraient s’inspirer de cette heureuse stratégie), sobrement, par un ronflant “The Light Beyond”. Sur plus de 45 minutes de concert, le groupe à la discographie bien garnie doit être sélectif, laissant de côté, évidemment, des titres qu’on aimerait aussi entendre, mais se concentrant sur un set de “basiques”, leur panoplie de titres clés, à l’efficacité garantie sur facture… dont quelques nouveaux morceaux ! La set list est similaire à celle de la veille, et les points forts se trouvent aux mêmes endroits. On notera en particulier l’efficacité des pourtant très jeunes extraits du dernier album, et en particulier le superbe enchaînement “The Proving Grounds” / “Crazy Hearth”, qui ont déjà gagné leurs galons dans la set list de référence du groupe, avec en particulier des lignes vocales remarquables et entêtantes. Le set se finit par un large segment “old school” pour bien équilibrer un concert qui aura ravi un public de connaisseurs.
Le plateau a beau être de qualité, la plus large part du public est venue pour Kadavar. Il faut dire que depuis plusieurs années, le trio berlinois (et un peu français) n’a pas ménagé ses efforts pour arpenter tous les bouts de scène disponibles en Europe et ailleurs, lui permettant de gagner en maîtrise scénique tout en se constituant une solide fan base. La réputation de machine de guerre live précède donc le groupe, et le public (désormais condensé sur le devant de scène) accueille nos champions avec énergie – une énergie qui trouve son pendant sur scène, où nos trois lascars sont chacun au taquet. C’est même le cas de Lupus, généralement plutôt isolé sur scène, qui est ce soir en grande forme, généreux dans ses soli, impeccable dans ses vocaux, et haranguant copieusement un public qui le lui rend bien. De leur côté, Tiger est moins extraverti qu’à l’habitude mais reste une figure clé du groupe, attirant les regards par son jeu très visuel, tandis que Dragon évolue sur son tronçon de scène comme un animal en cage, la mâchoire serrée, proposant des lignes de basse toujours plus structurantes dans la musique du groupe.
La set list est identique à la veille, naviguant aléatoirement dans une désormais copieuse discographie, mais avec toujours ce soucis d’efficacité qui est désormais la marque de fabrique des (franco-)allemands. On ne détaillera pas les points forts (pleins) / points faibles (pas vraiment) du set tant le bilan global du concert est excellent. On peut aimer ou pas Kadavar, on peut exprimer des réserves sur l’un ou l’autre de ses albums, mais il est difficile de les critiquer sur leurs prestations live.
Le bilan de la soirée relève donc du sans-faute : le plateau était alléchant sur le papier, et dans les faits, comme porté par une saine émulation entre ces trois grands groupes européens, il a répondu à toutes nos attentes.
Letthereberock51 (Paris) / Laurent (Bordeaux)
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