A quelques centaines de mètres de la frontière française, cette petite et active salle de concert fait ce soir le plein… dont pas mal de français ! Il faut dire que ce plateau splendide ne propose qu’une dans l’Hexagone, ce qui pousse à faire quelques kilomètres ! En tous les cas le Psilocybenea est sold out ce soir, et au vu de l’affiche, pas difficile de comprendre pourquoi.
Les choses sérieuses commencent avec Slomosa. Les norvégiens sont apparemment très attendus, et leur montée sur les planches se fait sous une véritable ovation. Leurs innombrables concerts, festivals et tournées diverses ces dernières années ont clairement porté leur fruit, et le quatuor fait preuve d’une assurance remarquable au moment de lancer son set.
Pour une première partie (et donc un temps de jeu limité à 45 min environ) les choix de set lists sont compliqués, ce qui donnera ce soir un set de valeurs sûres. L’intro instrumentale habituelle enchaînée au groovy “Estonia” a fait ses preuves ces dernières années, on ne change pas une équipe qui gagne. Juste après en revanche, le groupe propose une paire “d’inédits”… enfin, on les connaît tous déjà par cœur : probables représentants du prochain album du groupe, à paraître début 2024, “Rice” et “Cabin fever” font déjà partie des set lists du groupe depuis longtemps. Pas de quoi bouder notre plaisir toutefois…
Scéniquement, la maîtrise du groupe est impeccable : malgré un espace TRÈS restreint (le kit de batterie de King Buffalo étant déjà sur place, celui de Jard trouve sa place dans un petit recoin en bord de scène, tandis que les trois autres musiciens doivent se partager les rares mètres carrés laissés disponibles sur cette scène bien modeste. Est-ce qu’ils s’en trouvent pénalisés ? Loin s’en faut : ils se meuvent dans un sens ou dans l’autre, quitte à se bousculer parfois – avec le sourire – , headbanguent, haranguent le public… Le tout sans en mettre une de côté, bien entendu : les parties de guitare sont impeccables, le jeu de basse de Marie est solide (et quel son ce soir !)… Et Ben a des problèmes de voix ? Rien de grave, il s’arrache au maximum sans ne laisser percevoir de défaut, et dans tous les cas il se fait bien aider du public sur “In My Mind’s Desert”.
La triplette finale est, comme toujours, dévastatrice, avec le meilleur du stoner énergique et chaloupé du combo (“There is Nothing New Under the Sun” / “Kevin” / “Horses”), avec Ben qui termine le set dans la fosse pour y jouer ses derniers soli. Quand le groupe quitte la scène, les cris du public sont assourdissants pour appeler à un rappel, ce qui n’est évidemment pas possible pour cause de timing contraint. Un set encore une fois impeccable, qui a autant satisfait les amateurs que conquis les “découvreurs”… Quel groupe !
Même salle, mais deux ambiances ! C’est donc King Buffalo qui investit la scène en tant que tête d’affiche, une scène désormais bien plus vaste sans la batterie et les amplis de Slomosa, et paradoxalement une scène où ils sont moins nombreux et… moins mobiles. Mais pour l’heure, on assiste surtout à un line check express et un peu chaotique, avec surtout une cocasse anecdote : personne ne sait comment retirer le backdrop “Slomosa”, qui ornera donc le fond de scène pendant tout le concert du trio new-yorkais.
Côté énergie, le soufflet retombe quand même lourdement après le set de leurs potes norvégiens, mais c’est ce qui fait aussi l’intérêt et la richesse de ce plateau bicéphale. En tous les cas, dès les premiers accords onctueux de McVay, emmenés par la basse moelleuse de Reynolds et rythmés par la batterie relax de Scott Donaldson, on se laisse embarquer dans un tout autre espace-temps, une zone musicale où l’on prend le temps de poser les choses, de développer des strates musicales plus travaillées. McVay emmène l’ensemble avec un charisme cool remarquable : au delà de son confort à la 6-cordes (il pourra nous faire penser au travail de Boris de Monkey3 concernant sa contribution musicale à son groupe) il maîtrise gentiment la tension du set, en véritable chef d’orchestre et vraie “force tranquille” du trio.
La set list va vraiment chercher dans quasiment toutes les productions du groupe, et pas uniquement le dernier triptyque, qui aurait largement suffi à construire une set list imparable le cas échéant. Le trio a construit un cheminement impeccable et riche, donc la meilleure illustration est en intro, avec cet enchaînement irréaliste (tant il coule sous le sens) entre “Eta Carinae” et “Grifter”, avec la rythmique de la conclusion du premier qui fait directement écho à l’intro du second (essayez d’aller les écouter, vous verrez). Il en va de même sur tout le set, où le trio gère la tension en véritables professionnels, alternant passages psyche plus planants, limite space rock parfois, et montées en tension nombreuses et efficaces. De véritables montagnes russes musicales et émotionnelles durant plus d’une heure de set, tel qu’illustré par ce final sur le désormais incontournable “Cerberus”, titre riche et épique, propice au voyage et aux montées en pression riffues.
McVay et Reynolds restent globalement dans leur coin de la scène chacun, avec toujours ces petits pas de danse et ces sourires pour le bassiste, et un certain flegme de la part du guitariste chanteur, qui ne se dépareille pas toutefois de réactions en lien avec le public. Musicalement, leur usage de leurs instruments leur permet de proposer une gamme sonore bluffante pour simplement trois musiciens : boucles, effets, synthés, claviers, pédales de guitare / basse, etc… Jamais on ne se dit que la richesse sonore des albums souffre du passage en live.
L’ensemble est mené avec décontraction et assurance, et le set se termine après les douze coups de minuit, heure à laquelle tout le monde quitte gentiment la salle, le sourire aux lèvres. Quelle excellente soirée !
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