Ce jeudi 6 avril, Garmonbozia organisait au Backstage By the Mill à Paris une soirée à ne manquer sous aucun prétexte, puisqu’elle réunissait Deathrite et surtout Mantar, un des meilleurs groupes live de la dernière décennie, si ce n’est du siècle, oui Monsieur. Ajoutons à cela deux excellents albums sortis en 2014 et 2016. La liste s’allonge et les absents commencent à se bouffer les doigts. Calmez-vous, on vous raconte tout ci-dessous.
Les allemands de Deathrite ouvrent la soirée en toute violence avec sa guitare crado, ses blasts et ses vocaux caverneux. Comme vous pouvez vous le figurer, Deathrite ne fait pas dans la dentelle mais plutôt dans le death old school. On pense aux groupes de la vague swedish death metal genre Entombed ou Dismember, avec ce son particulièrement moche et caractéristique de la fameuse pédale HM2, avec un penchant assez punk. Deathrite insère aussi quelques passages plus lents et plus lourds, qui ajoutent un peu de morbidité à l’ensemble. Seul bémol, le jeu scénique du groupe n’est pas franchement folichon et enjaillant. Sur ce genre de musique, on s’attend quand même à un peu plus d’énergie et autre chose que « je lève mon pied de micro, je le repose, puis je le relève, yeah, vive le rock ». Musicalement, on pourrait se demander quel rapport il y a avec Mantar, qui évolue dans un registre complètement différent, et c’est finalement tant mieux. On a souvent l’habitude d’avoir des groupes assez similaires à l’affiche d’une même soirée, mais ce soir on est bien content de se faire réveiller par le death grind de Deathrite.
La salle commence à être déjà bien remplie lorsqu’arrive le tour de Mantar, entité maléfique et cinglée née de la fusion de Hanno Klärhardt et Erinç Sakarya. Comme d’habitude, les deux bonhommes anticipent les litres de sueur qu’ils s’apprêtent à perdre et arrivent torse poil avant d’entamer « Cult Witness ». Mantar en live ne se fout pas de toi : ce groupe ne joue pas de la musique mais la vit et l’incarne.
La crasse des morceaux occupe la chair des membres, surtout celui du guitariste chanteur. Le filiforme Hanno déforme son corps élastique pour adopter les positions les plus tortueuses et inconfortables, il s’écrase contre le mur, se plie en deux accroupi au sol, se crispe, se raidit. Face à lui se dresse Erinç et son physique d’armoire normande, qui soutient le regard de Hanno tout en menant à mal ses fûts. La tension entre les deux membres est saisissante.
Tous les deux se livrent littéralement corps et âme à leur musique et quittent leurs rôles d’interprètes pour devenir les victimes du monstre qu’ils ont crée. Forcément, une interprétation aussi spectaculaire a des retombées sur le public, qui se déchaine crescendo au fil des morceaux : « Cross the Cross » qui nous rappelle les meilleurs riffs de Black Cobra, « Sundowning » qui permet à Erinç d’achever complètement sa batterie, ou le tubesque « Era Borealis » où toute la foule reprendra ensemble le refrain. Une heure de set et le groupe est déjà parti. On attend un rappel, en vain. Dommage.
Deathrite a ouvert les hostilités d’une manière plus qu’honorable et Mantar n’a pas failli à sa réputation. Une telle prestation dans une salle intimiste comme le Backstage By The Mill fait rentrer la soirée au panthéon des meilleurs concerts auxquels j’ai pu assister, sans exagération. Le set de Mantar est tout de même passé très vite et on aurait volontiers terminé sur un rappel, mais tant pis. Mantar über alles !