Anvers, le bout du monde, 50 bornes, au moins 1 heure de route, les travaux en ville, les sens uniques partout, un véritable enfer ! Après bien des errements, je trouve par pure chance une place à 200 mètres de la salle. La salle, c’est vite dit !
C’est dans la cave du Drempel, un « pool-bar » comme disent mes amis flamands, que la jeune association « Smoke Catapult » organise ce soir son premier concert. Pour ce baptême du feu, nous aurons droit aux inséparables El Thule et Truckfighters, une équipe qui gagne. Maximus, les régionaux de l’étape se sont ajoutés à l’affiche en dernière minute.
Les 6 euros réclamés à l’entrée vous donnent immédiatement droit à une descente à tâtons le long d’un escalier sombre et glissant. Ensuite, il faut se diriger à l’ouïe vers la partie de la cave où à lieu le concert en évitant soigneusement tous les murs qui pourraient surgir sur votre passage. Un véritable enfer que je vous disais ! Maximus vient d’entamer son set. Après 2 morceaux, je commence à distinguer les musiciens et je me rends compte que je suis à côté de Wouter, l’organisateur de cette cérémonie dédiée au Fuzz cosmique. Ce n’est pas le light-show qui risque de ruiner son budget ! Par contre, le son est très correct.
Maximus pratique un rock assez groovy et mid-tempo dont le pilier est le bassiste/chanteur au jeu quasiment funky. Les compos recèlent de bonnes idées malgré des riffs un peu trop basiques et un batteur qui assure le minimum syndical. L’ensemble se laisse écouter sans être vraiment transcendant et le groupe y gagnerait à se dégotter un gratteux un peu plus inspiré. Place aux italiens de El Thule pour ce qui allait s’avérer être la bonne surprise de la soirée. Je n’avais que très moyennement apprécié leur album aux relents punk et je m’attendais à un concert composé d’une série de titres courts et expédiés. Ce ne fut pas du tout le cas.
Après une présentation prononcée avec un accent ne laissant aucun doute sur son origine, le minuscule guitariste attaque directement dans le vif du sujet. C’est d’énergie qu’il s’agit ce soir. Batterie sèche et rapide, basse ronflante et guitare saturée juste à point, je me dis que finalement, El Thule çà risque de le faire.
La recette du groupe est de mélanger différents styles (punk, heavy et rock garage) sans que l’un d’eux ne prennent le dessus, laissant de la place à chaque instrument. Pendant que le bassiste, pieds nus, ondule légèrement en rythme, le guitariste ne tient pas en place et termine la majorité des morceaux plié en deux, sa guitare touchant presque le sol. L’expérience accumulée aux cours des tournées récentes leur permet de se libérer complètement et de faire évoluer chaque titre vers une jam hypnotique. Ces jams, durant lesquelles ils ralentissent souvent le tempo, donnent une nouvelle dimension à leur musique qui devient de ce fait beaucoup plus riche qu’on ne l’imaginait. Pour le dernier morceau, ils inversent la donne avec une intro presque doom avant d’accélérer progressivement vers un final des plus chaotique.
Depuis, j’ai réécouté l’album et je n’ai pas changé d’avis. C’est définitivement sur scène que El Thule prend toute sa valeur. Il faudra un jour se pencher sérieusement sur la question suédoise. Depuis les balbutiements du stoner, ce pays a engendré un nombre incalculable de combos amoureux du gros son et du fuzz. Nombre d’entre eux ne sont que de pâles copies de Kyuss sans grand intérêt mais les nouveaux venus de Truckfighters sont à ranger dans le haut du panier. Leur album s’inscrit dans la lignée des meilleures productions de Dozer ou Astroqueen, bourré qu’il est de riffs accrocheurs agrémentés d’idées parfois audacieuses.
Reste à voir s’ils confirment tout le bien qu’on pense d’eux sur scène. Ils ouvrent avec l’irrésistible « Desert Cruiser » dont l’interprétation perd en finesse ce qu’elle gagne en puissance. Plutôt que de tenter de restituer fidèlement les détails de leur musique, Truckfighters opte pour un mur de son énooorme et très compact. Les quelques breaks plus calmes ne sont que prétextes à remettre la sauce de plus belle.
Après deux morceaux, le chanteur demande au public de s’approcher et ce sont les 50 personnes composant le public qui font un pas en avant. Visiblement enchanté par cette réaction, le groupe attaque « 6 takt-snabbt » (un nouveau morceau ?) avec une énergie incroyable, Dango descendant dans le public pendant un de ses solos.
Après ce début de concert très intense, TF nous donne l’occasion de reprendre notre souffle en développant des passages instrumentaux plus cool, le batteur allant jusqu’à quitter son poste pendant « New Woman » pour un passage des plus planant. Etant donné la durée des morceaux qui flirtent régulièrement avec les 10 minutes, nous n’aurons droit qu’a 6 titres et un rappel exécuté pied au plancher. Cela permettra néanmoins au groupe de faire la démonstration de toutes ses qualités, le concert étant finalement beaucoup moins linéaire que ce que les débuts laissaient présager.
Il ne reste plus qu’à souhaiter que Smoke Catapult (www.smoke-catapult.tk) nous offre d’autres soirées aussi réussies que celle-ci.
jihem