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MONKEY3 (+ Powder For Pigeons + The Necromancers) – 01/04/2019 – Paris (Petit Bain)

Après un hiver relativement calme de ce côté de la sphère musicale, Garmonbozia Inc. lance la fusée de détresse en ce lundi 1er avril avec une programmation loin d’une quelconque farce. En dépit de l’absence de Samsara Blues Experiment, qui se devait initialement d’officier le gros de la soirée, les fidèles sont nombreux à converger sous le pont du Petit Bain. Monkey3 prend en conséquence sa place de droit en tête d’affiche et ramène pour l’occasion le quatuor poitevin de The Necromancers et le duo survolté de Power For Pigeons pour assurer la chauffe.

Powder For Pigeons

Pour les avoir découverts dans cette même salle plus d’un an auparavant, c’est avec une joie teintée d’impatience que je me précipite vers Powder For Pigeons. Face scène, ma bière me rafraichissant les doigts et le gosier, je comprends que les retrouvailles avec la formation australo-germanique ne vont pas décevoir. Riffs gras, voix haute et saturée ainsi qu’une solide batterie tenant admirablement la baraque. Le tout bercé par un groove aussi crado que communicatif. Un duo qui claque. Mais là où Meg White se contentait d’assurer le minimum syndical et abandonnait le terrain de jeu à Jack White, Meike ne reste pas un instant en retrait face à Rhys. Les deux jouent d’ailleurs côte à côte, sans cesse tournés l’un vers l’autre, à se jeter des regards complices et à synchroniser leurs phrasés. Cette osmose musicale et scénique vient transcender leur composition devant une audience grandissante. La péniche vibre alors au rythme de ce stoner punk avec du fuzz plein les narines. Pour un 19h30 à Petit Bain, la fosse s’avère déjà bien remplie, même si les têtes encore accablées par les affres du travail peinent à s’agiter. « Early Grave » et « Ghost of You » viennent quand même arracher des vivats au public qui sortira prendre l’air avec une certaine excitation.

The Necromancers

Niveau énergie, le relai se transmet sans heurt au second bestiau de la soirée. Sous une lumière glissant du rouge infernal au violet occulte, avec une projection de vitraux donnant l’illusion d’un lieu de culte, The Necromancers prêche son obscure parole. Un exercice au goût de réminiscence pour les Français ayant partagé pas mal de dates avec Monkey3 lors de leur précédente tournée. Cette fois-ci, en revanche, ils reviennent armés d’un second album, et d’une occasion supplémentaire de secouer les foules. Et qu’ils s’agissent des pièces de Servants of the Salem Girl ou des titres d’Of Blood and Wine, l’agitation s’invite bel et bien. Au premier rang, les photographes planquent leurs objectifs à deux mille balles sous leurs bras et dirigent un œil menaçant vers l’arrière. Car à tout instant, un riff un peu vénère peut surgir et emporter la fosse des possédés dans la frénésie. Des énergumènes quand même assez bienveillants pour nous inviter à protéger nos bières lorsqu’ils nous voient débarquer comme des fleurs après le passage au stand. Côté scène, l’exécution impeccable du groupe trahit à nouveau leur aisance dans cette discipline. A l’instar de Benjamin le batteur qui, tout en mêlant désinvolture et précision de jeu, connecte régulièrement avec nous par ses mimiques et sourires. Difficile de savoir lesquels de nous s’amusent le plus. C’est finalement serré au coude à coude et non sans une certaine frustration que l’on voit le set s’achever ; les quatre bonshommes abandonnant de vains appels à « un dernier morceau » se perdent dans le brouhaha général.

Monkey3

Moins d’une demi-heure plus tard, le brouhaha se dissipe. Une décoration cérémonieuse habille la scène tandis qu’une projection dévoilant les merveilles du cosmos illumine le mur. Et chacun se prépare au spectacle. Monkey3 se présente devant son public, traversant les volutes de fumée émises par les vapoteuses de Boris et dB ; calme, serein. Tout comme leur musique. De là, toute l’effervescence des headbangers se substitue à une écoute beaucoup plus religieuse. Les pogos ne demeurent que comme un odieux souvenir tranchant avec l’introspection spirituelle induite pas la musique. Le tout sublimé par la propreté sonore du petit bain, qui permet d’apprécier au mieux les mélodies enivrantes, la déferlante des riffs et tous les effets sonores lâchés par le clavier. « Prism » en dispensera son content, tout comme « Mass », toutes deux issues de Sphere, dernier album dont le motif habille d’ailleurs la scène de part en part. Dans l’ensemble, qu’il s’agisse d’intangibles lieux interstellaires, des « traversées du désert », ou de francs solos de shredder, les compositions des Suisses mettent tout le monde au diapason. Celui d’un heavy psyché spatial maîtrisé et touchant. Une musique envoûtante qui conduit inévitablement à un long rappel sur la belle Icarus. Une pièce où personne n’hésitera un instant à se brûler les ailes.

Monkey3

D’aucuns déploreront sans doute l’absence de Samsara ce soir, à juste titre et sans un pincement au cœur tant l’expérience s’est révélée bonne par le passé. En revanche, personne ne daignera regretter un seul instant ces arrangements de dernières minutes. Les énergies de trois mondes bien distincts se sont croisées, mêlées et transformées, dans le seul but de rendre notre voyage plus palpitant. Et c’est avec les souvenirs savoureux de ces univers que nous repartons.