Voilà une info qui fait plaisir : ce soir, les Make It Sabbathy jouent à (presque) guichet fermé ! Rarement avait-on vu le Void aussi rempli effectivement, et la notoriété de Stoned Jesus n’y est manifestement pas étrangère.
Mais pour l’heure c’est à leurs partenaires de tournée (et concitoyens ukrainiens) d’ouvrir les débats (c’est Elephant Tree accompagnait Stoned Jesus sur le premier segment de leur tournée quelques semaines plus tôt). Somali Yacht Club monte donc sur scène pile à l’heure prévue et se lance dans une intro… molle. Pas vraiment emballés par le début de ce « Religion of Man », on revoit progressivement notre position quand sur la fin le morceau prend une tournure plus épique. Et dès lors les chevaux sont lâchés et le reste du set est juste délicieux. Le trio enchaîne ensuite plusieurs titres de son précédent opus, The Sun, dont on retiendra surtout un « Loom » dense à souhait, même si assez classique dans sa forme, ou encore la deuxième section de ce « Up in the Sky » quand le titre s’emballe. Mez distille quelques vocaux discrets et juste nécessaires, mais c’est à travers sa 6-cordes qu’il fait le taf, jumelée à un rack d’effets bien fourni, qu’il manipule généreusement pour apporter quelques artifices à son son, sans jamais trop en faire. Comme dans tout trio de stoner dans la veine psyche, c’est la base rythmique qui fait la différence, et à ce petit jeu Lesyk à la batterie et Artur à la basse ne sont pas venus faire de la figuration. Ce dernier en particulier renforce la rythmique et développe des plans mélodiques tout-confort qui permettent à Mez de distiller des leads impeccables. La communication avec le public est bon enfant, la convivialité et la bonne humeur sont de mise, et quand le groupe nous quitte au bout de trois quarts d’heure sur les dernières notes de « Vero », on se dit qu’on n’aurait pas craché sur un peu de rab’.
Après un changement de plateau exécuté à la vitesse de la lumière et un line-check éclair, vingt minutes plus tard à peine c’est aux très attendus Stoned Jesus de fouler les planches. Igor, frontman naturel du trio, arbore pour la peine un tee-shirt sur lequel il a gribouillé au marqueur noir « Merci Bordeaux ». Toujours sympa ! Soudainement moins souriant, il fait signe à quelques individus au premier rang qu’il préfèrerait qu’ils ne fument pas sous son nez – probablement une position entendable de la part d’un chanteur en milieu de tournée souhaitant protéger sa voix… mais un peu vain quand il est dans un club au volume rikiki complètement enfumé du 1er au dernier rang ! (imaginez un fumoir, portes fermées, sans aucune circulation d’air… Amis du tabagisme passif, bonjour !). Voilà en tout cas qui ne participera pas à la cordialité de la soirée… Musicalement, le trio donne rapidement le ton de la soirée à travers une set list dont la plupart des titres sont issus de son dernier effort, Pilgrims. Un choix audacieux et assumé pour un groupe apparemment persuadé que les réserves entendues ici ou là sur son disque – assurément pas un disque facile – devraient être balayées par la déclinaison live de ses titres. On comprend cela dès le début, avec un « Feel » déjà un peu malsain sur album, qui prend sur scène une tournure très intéressante, une fois passée cette première moitié un peu mièvre. Il en ira de même plus loin avec ce « Distant Light » froid et inconfortable sur disque qui prend plus de puissance sur scène. Le groupe épure ses titres pour le live, retire les intros et autres artifices de production, et ça fonctionne bien. Un peu plus tard, Igor vient sur le devant de la scène et, gratuitement, shoote dans les 2 gobelets posés au bord en faisant signe au premier rang que, en gros, c’est « sa scène » (il avait déjà poussé par terre en arrivant une bouteille en verre pourtant posée dans un coin quasi inaccessible…). Les gars qui ont récupéré leur veste posée par terre imbibées avec le contenu des bières ont dû être contents…
Au milieu des titres de Pilgrims, le trio ressort quand même son classique « Black Woods », comme d’habitude un peu ralenti en live, ce qui lui donne des relents de vieux doom sabbathiens tout à fait bienvenus. Un peu plus loin dans le set, le groupe se rassemble autour de son batteur pour entamer une intro travaillée (toute en saccades et silences pesants) pour son excellent « Water Me ». Sauf qu’une poignée d’abrutis dans le public se met à gueuler à chaque interruption, ruinant l’effet escompté. Ceux-ci se font délicatement réprimander par un encore plus gueulard « mais ferme ta putain de race », témoin d’une tension très atypique dans le public, tangible depuis le début de ce set, mais très difficile à décrire. Heureusement le groupe est pro et finit ce titre exigeant avec sérieux et efficacité. Igor reprend un peu son souffle en annonçant « that was the tough one, let’s play the easy one », signe que le très attendu « I’m The Mountain » pointe le bout du nez. Le succès de ce titre ampoulé ayant toujours laissé votre serviteur dubitatif, je m’abstiendrai d’en commenter l’interprétation, par ailleurs solide. mais c’est sur ce « Apathy » parfaitement amené (super intro toute en progression partant d’une ligne de basse groovy, et portée ensuite par un jeu de guitare discret mais punchy d’Igor, et des lignes vocales entêtantes bien vues, d’un Igor qui a dû voir Danko Jones en live interpréter “Mountain”…) que Stoned Jesus met tout le monde d’accord… juste avant de quitter la scène ! Au bout d’une bonne heure néanmoins, ça n’aurait pas été ridicule, mais deux minutes suffisent pourtant pour voir le groupe revenir sur scène avec le sourire et dégainer un nerveux et groovy « Excited ». Pour finir sur une bonne touche, Igor sort de ses gonds et vient taper sur les mains de quelqu’un qui roulait sa clope sous son nez au deuxième rang, le tout assorti d’un regard noir… D’un côté Igor n’a jamais exprimé au micro son souhait de limiter la « fumette » dans la salle, d’un autre côté le jeune « brimé » à l’instant avait bien vu ses voisins se faire rappeler à l’ordre en début de concert… Torts partagés donc, mais bon, ambiance… Probablement imperceptible depuis le fond de la salle, qui déguste le classique « Here Come the Robots » en clôture d’un set généreux (plus d’1h20).
On gardera donc au final un souvenir plutôt mitigé de ce concert, musicalement exempt du moindre reproche (c’est déjà pas mal) mais à l’ambiance… étrange. Est-ce le fait du groupe ? Pas uniquement. Du public ? Aussi. De la salle ? Un peu aussi (fumée, visibilité, exigüité qui ne semble pas ravir Igor…). Comme quoi, un concert, ce n’est jamais une équation simple à résoudre…
[Note : nous sommes désolés pour la qualité déplorable des photos proposées, les groupes ce soir ayant, comme d’habitude au Void, joué dans la plus sinistre pénombre, vaguement éclairés par deux spots respectivement rouge et verdâtre, statiques, orientés sur leurs pieds…]