Non content de nous avoir régalé la semaine précédente dans l’antre du Gibus, Below The Sun remet le couvert ce jeudi 17 octobre avec une programmation pas piquet des hannetons. En premier lieu les Portugais de Vircator armés de leurs space rock psyché, puis de la grosse doomerie avec les Ricains Yatra et les superbes Sunnata venus de Pologne. Tout ce petit monde réuni dans le sous-sol intime de l’International pour quelques heures de balade auditive.
Le quatuor portugais Vircator se présente devant un parterre de convives pas beaucoup plus nombreux qu’eux. Mais confiant de la suite des événements, il débute avec « Yarrow » ; titre issu du dernier album Arcano sur lequel se centre le choix du set pour la soirée. Ici, les micros ne servent qu’à l’interaction avec le public, car aucun chant ne perturbe les obscures ambiances lancinantes dans lesquelles nous plonge le groupe. Les quatre gaillards officient avec assurance, envoyant tantôt les gros riffs de « Burdock », tantôt les phrasés éthérés de la céleste « Mandrake », le tout porté par une batterie robuste qui maintient toute la structure du bazar d’une poigne de fer. Attirés par cette sirène ténébreuse, les badauds rappliquent de l’étage pour s’enfoncer dans la caverne. Ainsi, ils sont de plus en plus nombreux à hocher la tête devant les humbles et non moins sympathiques Portugais qui les gratifient en retour de quelques timides sourires. A la fin de leur prestation, le sous-sol s’avère plein.
Petit interlude pour profiter de l’happy hour puis on y retourne. Premier constat tandis que les balances de Yatra sont ajustées, le batteur Sean Lafferty n’est pas là pour enfiler des perles. Et tandis qu’il martyrise ses fûts avec des roulements aussi techniques que puissants, je me dis que ça augure de bonnes perspectives. De son côté, avec sa stature de géant et ses tatouages faisant office de T-shirt, monsieur Helmuth en impose tout autant. Quant à la Maria Geisbert dissimulée derrière ses mèches de cheveux, elle n’est discrète que sans sa basse. Devant une foule au rendez-vous et énergisée, le trio from Maryland balance la purée. Une essence heavy métal et doom qui oblige Sean à régulièrement changer de baguette et à replacer sa grosse caisse tant celle-ci tente de s’échapper sous le traitement qu’elle subit. Côté chant, la tessiture d’Helmuth évoque un train en plein freinage sur des rails endommagés ; une patte graveleuse et braillarde qui rappelle sans mal Dopethrone et son aspect démoniaque. Les paroles sont plus parlées que chantées, un peu à la Sleep, là où les riffs évoquent davantage du Electric Wizzard. Un mélange qui ne manque guère de satisfaire un public en demande. Les Américains enchaînent les titres presque sans pause et terminent leur show en sueur par une accolade fraternelle éclaboussée de bière.
Ils se font attendre les patrons de la soirée. Alors qu’un parterre impatient de stonehead trépigne, les quatre Polonais installent encore leur attirail. Et quel attirail pour Sunnata… Rien moins que lumières, fumigènes, ventilateurs, et trois pédaliers n’ayant rien à envier à un transformateur EDF. Ça se baisse, ça branche, ça débranche et enfin ça teste. Puis, surviennent les inévitables soucis techniques : « on ne m’entend pas ! », « j’ai pas de retour », « cette pédale ne donne rien », etc. (bon, je ne touche pas une bille en Polonais, mais j’imagine qu’on navigue dans ces eaux-là). L’attente se prolonge, et même lorsque tout semble au poil, il faut encore patienter que le groupe reviennent en tenue de scène. Toutefois, en dépit des délais, l’humeur se maintient, chacun des zouaves concentré sur la gifle auditive qu’il s’apprête à prendre. Un coup d’envoi qui frappe avec « Lucid dream », morceau d’ouverture du génial album de 2018 intitulé Outland, et dont la majorité des pistes sont piochées ce soir. Maintenant vêtus de leurs robes noires de cérémonie, les quatre officiants nous baignent dans leur doom tribal à l’empreinte caractéristique ; un flot de delay et de reverb aux accents mystiques d’un autre temps qu’il nous ait donné de contempler l’espace d’un instant au travers de mélodies ciselées et d’arrangements judicieux : « Long gone ». Là-dessus se posent les chants monolithiques des deux frontman, mélodieux, aériens et d’une redoutable puissance. « Outland » et « Ascender » se succèdent et on constate que Sunnata c’est avant tout une machine impeccable, un engin bien huilé où le travail du son se révèle le fer de lance des ouvriers en charge de son fonctionnement. On ne peut hélas en apprécier toute la beauté dans une si modeste salle, mais on en appréhende quand même la dimension.
C’est le doublé gagnant pour Below The Sun qui, peu importe les salles, grandes ou petites, assoit encore un peu plus son emprise sur la programmation parisienne dans le style stoner doom, tout en sachant conserver une grande diversité dans ses choix de groupe. Une initiative qui, une fois revenu dans le monde réel, la fraîcheur de l’automne se substituant à l’étuve du sous-sol, mérite d’être saluée.
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