C’est à Titty Twister, jeune groupe local, qu’il revient l’honneur d’ouvrir cette nouvelle saison de concerts organisés par Orange Factory. Derrière cet affriolant patronyme se cache un combo qui propose une musique à la croisée du stoner et du heavy, notamment sur quelques titres plus rapides, très axée sur des riffs bien carrés agrémentée de solos bluesy délivrés à grand renfort de wah-wah. C’est bien foutu sans être très original mais quelques compos plus audacieuses sortent du lot et laissent augurer d’une belle marge de progression pour un groupe qui vient de sortir une première demo 9 titres.
Malgré son aspect frêle, le chanteur délivre une prestation toute en puissance et en justesse et s’impose comme un des atouts du groupe. On regrette un peu que l’un des deux guitaristes prennent le dessus, relayant l’autre à n’être audible que sur quelques intros et breaks et confinant le bassiste à un rôle de figuration. Le manque d’expérience des planches se sent dans leur façon très rigide de jouer et de terminer les morceaux de façon assez brutale. A tel point que lorsque l’un des musiciens se plante un peu, c’est tout le groupe qui s’arrête pour reprendre depuis le début. Mais ces petites erreurs de jeunesse devraient s’estomper rapidement et leur permettre d’un peu plus se lâcher en concert.
Quand il s’agit de se lâcher, Josiah n’a de leçons à recevoir de personne. Pas qu’ils soient particulièrement prolixes ou qu’ils commencent à sauter dans tous les sens, mais ils font partie des groupes pour qui le passage en studio n’est qu’un prétexte pour aller suer sur le plus grand nombre de scènes possibles. Ces mecs jouent avant tout pour eux-mêmes, pour le plaisir de faire vibrer l’air qui les entoure, pour sentir l’électricité courir le long de leur échine. Il y a la formule d’abord, le trio, la meilleure façon de créer une alchimie particulière, de laisser à chacun suffisamment de place pour s’exprimer. Et c’est bien ce qui se passe ici, pas de leader, seulement trois mecs qui dialoguent, se complètent, se stimulent réciproquement. Et puis il y a cette énergie, cette façon de faire exploser les compos. Josiah se définit comme un groupe mid-atlantic. Entendez par-là qu’on retrouve chez eux une touche anglaise apposée à une musique typiquement américaine. Si cela est peut-être vrai sur leurs albums, ils franchissent allègrement l’océan dès qu’ils montent sur scène. Tout est beaucoup plus cru, plus agressif, plus in-your-face, plus ricain en somme. Disparues les effluves 70’s des guitares au son un peu trop propre, ici çà bave de partout et on se délecte de cette orgie de fuzz. Mat Bethancourt se colle aux vocaux parce qu’il le faut bien mais c’est secondaire. Son truc, c’est de faire rugir sa Gibson, de balancer des riffs qui visent les tripes et vous donnent envie de jouer de l’air guitar avec une moue de sale morveux. On songe d’ailleurs à Eddie Glass dans la façon d’alterner rythmiques et soli, de partir dans ses délires pour toujours retomber sur ses pattes. Evidemment, les deux autres ne sont pas en reste, le batteur sachant rester carré quand c’est nécessaire pour mieux se défouler l’instant suivant pendant que le bassiste (qui ressemble étrangement à Nick Oliveri avec des cheveux) fait groover tout çà pépère, gardant le cap pendant que ses acolytes se laissent emporter par leur enthousiasme. Seule déception, l’impression que ce concert était trop court. Court mais intense, c’est déjà pas mal.
Colour Haze s’offre le luxe d’une petite tournée européenne sans aucun album à promouvoir. Simplement pour se faire plaisir et visiter quelques pays un peu délaissés sur les tournées précédentes dixit Stefan Koglek. Le retour en studio n’est prévu que pour avril 2006. Nos amis germains, qui l’air de rien commencent à faire partie des « vieux » groupes de la scène européenne, peuvent donc se permettre de revisiter l’ensemble de leur discographie déjà bien remplie, ce qui nous donnera l’occasion de constater l’évolution du groupe. Et de se rendre compte à quel point Colour Haze a progressivement délaissé l’aspect heavy des débuts pour privilégier l’aspect psychédélique grâce à de longs morceaux qui ressemblent à des jams truffés de passages très aériens.
Début de concert tout en douceur, lent décollage avant un crescendo qui culmine par une débauche d’énergie avant de nous faire redescendre pour atterrir calmement. Tout le concert sera à cette image, offrant à l’auditeur un voyage en montagnes russes, suscitant une myriade d’émotions diverses, faisant headbanger le public pour l’emmener dans une douce rêverie l’instant d’après. Le seul fil conducteur pourrait être le jeu de guitare de Stefan, ce son et cette touche unique, directement identifiable et qui permet de différencier Colour Haze de tous les groupes évoluant dans le même registre. On songe vaguement à Josh Homme pour ces suites de notes courtes et saccadées, ces bribes de mélodies jouées en boucle qui au final donnent l’impression que chaque morceau n’est qu’un long solo. Ceci est particulièrement vrai pour les morceaux récents, le groupe intercallants parfois des vieux morceaux à la structure plus conventionnelle (ne me demandez pas les titres, çà fait longtemps que j’ai abandonné l’idée de mémoriser ces détails futiles), entendez par-là un bon gros riff, des couplets, un refrain et des vocaux beaucoup plus présents. Car c’est également un des traits marquant de l’évolution de ce groupe, les vocaux tendent à se faire de plus en plus discret et lancinant, Stefan préférant voyager, les yeux fermés, pour se laisser emporter par sa musique plutôt que de rester planté derrière son micro. Le bassiste au look anodin ne laisse transparaître aucune émotion, il reste confiné dans son coin de scène droit comme un I, ses maître-mots semblant être discrétion et efficacité. L’antithèse du batteur qui virevolte au-dessus de ses toms sur les passages les plus soutenus, à tel point qu’on craint parfois qu’il ne tombe de son siège tant il se démène. Ajoutez à cela des projections fascinantes et continuellement changeantes (pas les cinq même séquences passées en boucle) et vous obtenez au final une très belle occasion de déconnecter des turpitudes du quotidien pendant près de deux heures.
jihem
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