C’est au tour de Garmonbozia de frapper en ce mois d’octobre. Un coup fort en la personne des illustres Truckfighters accompagnés pour cette tournée survoltée de Swan Valley Heights. Une nouvelle occasion de secouer le Petit Bain qui affiche complet ce mercredi soir aux allures de weekend anticipé. Dès 19 h, le merch est littéralement dévalisé alors que les t-shirts à l’effigie du groupe sont déjà légion parmi les spectateurs. Y’a pas de doute, ce soir ça va envoyer.
On commence pourtant en douceur avec Swan Valley Heights, le trio originaire de Munich et Berlin qui vient défendre son dernier album signé chez Fuzzorama Record (comme par hasard). Une pièce que nous avons eu plaisir à écouter il y a un mois de cela et qui brille tout autant sur scène. En dépit d’un pédalier de guitare qui refuse d’obtempérer dès le premier morceau, forçant la basse et la batterie à meubler au mieux en attendant, le stoner psyché aux ascendances fuzzées et space rock prends sans difficulté. On se sent de suite baigné dans cet univers sophistiqué mais vaste, sans oppression, libre de hocher la tête en appréciant tant les riffs puissants, la voix claire et spectrale, que les phrasés délicats et mystérieux qui les précédent. Sur « Heavy Seed », le quatrième et dernier morceau du set, les toms sont même frappés avec paumes de mains et non baguettes. Un morceau qui par son écriture et sa longueur évoque assez facilement Colour Haze ou Mother Engine, tout comme « Teeth & Waves ». Pour leur tout premier concert en France, les Allemands reçoivent un accueil chaleureux de la part du Petit Bain. Succès rendu également possible par l’ambiance émanant de la scène ; une brume éthérée qui baigne les musiciens de mystère, puis des jeux de lumière qui, grâce à leur teinte spatiale et leurs mouvements délicats, apportent un vrai plus à la proposition de Swan Valley Heights.
Nous ne quitterons pas le devant de la scène trop longtemps, sous risque de voir un spot prisé disparaître sous les hordes qui s’amassent pour accueillir Truckfighters. Inutile de répéter à quel point le trio est attendu en cette soirée. Tandis qu’ « Altered State » attise cette convoitise, invitant les plus impatients à scander des appels, c’est le rouge qui occupe la scène. Puis enfin, l’équipe débarque. Dango n’a pas lâché un riff qu’il jette déjà son T-shirt dans la foule. Ensuite, avec un « A. Zapruder » dévastateur, ils font exploser le pit comme une caisse de nitroglycérine. Pour cette tournée axée sur le génialissime Gravity X, les Suédois ont choisi d’en jouer les pistes dans le sens opposé à celui de l’album. Histoire de finir par vous-savez-laquelle. Mais au regard de l’humeur des zouaves dans la salle, ça pourrait tout aussi bien être autre chose. Chaque intro reçoit un accueil où l’excitation la dispute à la joie d’en entendre les premiers accords. Les têtes se secouent sans discontinuité, les pogos animent le centre d’une fosse qui grimpe en température. Toutefois, cette énergie ne semble en rien rivaliser avec celle qui jaillit de sous les projecteurs. Si Ozo maintient son poste devant le micro, envoyant lignes de basse et de chant aussi impeccables les unes que les autres, l’énergumène à sa droite ne tient pas en place. Quand il ne saute pas en l’air, ne s’agite pas devant son ampli ou ne joue pas sa guitare derrière la tête, il vient arroser de sa sueur déperlante les assoiffés du premier rang, ou fait carrément le tour de la salle, ses doigts toujours à décrocher gros riffs fuzzés et soli frénétiques. Le tout provoque une marée d’émoi dont les tremblements qui en résultent nous rappellent qu’on se tient tous dans un bateau, et qu’il a de la chance d’être bien amarré. Avec un brin de naïveté, on pourrait s’imaginer un répit avec « Subfloor » et « Superfunk ». Hélas, même si c’était vrai, les « The Deal » et « Freewhelin’ » qui suivent ramènent tout le monde à l’ordre du jour. Dans cette tornade explosive, on décèle quelques petites erreurs, notamment dans les finish des morceaux qui frôlent par moment l’impro. À un autre niveau, il faut aussi reculer pour entendre décemment la voix ; malédiction qui ne cesse de sévir dans les salles parisiennes. Bémol que Truckfighters contourne en laissant son public chanter à sa place. Lorsque la fameuse « Desert Cruiser » est introduite, c’est tout le Petit Bain qui crie. Et contrairement à ce qu’ils nous hurlent dans les oreilles, on constate que s’il existe bien une équipe qui ne semble jamais à court d’essence, c’est bien le trio suédois.
À bien des égards, il paraît difficile de quitter le bateau sans sentir son cœur rempli d’allégresse. Le merch ressemble à une Fnac en fin de Black friday, la fosse est moite de bière et de sueur, le bar encore blindé, et tout semble constituer une norme louée proche de la félicité. La tournée de Truckfighters bat son plein, et accompagnés de Swan Valley Heights, ils promettent de faire encore beaucoup d’heureux.