Deux facteurs nous mettent en joie en arrivant au Z7 cet après-midi : 1/ la météo est plus favorable qu’hier (où un crachin occasionnel était parfois un peu ennuyeux) et 2/ sur le papier, le programme du jour s’annonce énorme. C’est donc avec un enthousiasme certain (et une certaine envie) qu’on aborde cette troisième et dernière journée…
LORD KESSELI & THE DRUMS
Ce groupe au sobriquet pour le moins énigmatique prend la scène en début d’après-midi, tandis que les festivaliers, usés par deux grosses journées dans les jambes, se réunissent petit à petit, qui avec un café, qui avec une première bière en mode “réveil”, le tout baignant dans une atmosphère d’encens, qui brûle depuis un bon moment avant le set. L’ambiance est d’autant plus étrange que la musique développée par le duo (oui, le patronyme n’était pas trompeur) est pour le moins atypique : une base très électro, des nappes et des beats lancés par le batteur, le visage caché derrière son rideau de dreadlocks… Dominik Kesseli, le Lord du titre, se présente en costume quasi-cérémonial, maquillé et accessoirisé, et déroule ses titres au jeu de guitare minimaliste, avec occasionnellement quelques fulgurances saturées plutôt rares. On aura du mal à s’emballer franchement pour cette prestation, mais on retiendra une introduction soft plutôt bienvenue avant la montée en tension.
STEAK
Une montée en tension qui se dessine très vite sur la main stage, avec les anglais de Steak. Armés d’un super light show et d’un son impeccable, les quatre musiciens font très vite la démonstration de leur efficacité et de leur solidité : chacun connaît bien son rôle et fait le job, la section rythmique est impeccable, Reece mène les débats côté guitaristique (riffs et leads), et Kippa, frontman tout en humilité, finit de dessiner le caractère sonore de l’ensemble. Un ensemble qui reste bien ancré dans un stoner assez traditionnel, de bonne facture, dont finalement assez peu de représentants sont actifs sur la scène musicale aujourd’hui. Le groupe nos gratifie assez tôt dans le set de son classique “Liquid Gold” et de quelques autres compos efficaces. Bref, un très bon concert, qui nous interroge sur la place du groupe dans la journée, finalement assez tôt… Ça laisse augurer de beaux morceaux pour les concerts suivants !
LO-PAN
Puisqu’on parle de beaux morceaux, et sans jeu de mot foireux, les gaillards de Lo-Pan montent sur la side stage… Mâchoires serrées, mise en place immédiate, les ricains ne sont pas venus là pour louvoyer. Ça commence par le super-catchy groove de basse de “Sage”, et ça ne s’arrête plus pendant trois quarts d’heure. Ce ne sera d’ailleurs pas le seul extrait du dernier album du groupe, dans lequel ils piocheront l’essentiel du set du jour – pas de motif de plainte à l’horizon, il est excellent (et il rend bien en live). Les fans les plus anciens regretteront néanmoins que la pourtant qualitative discographie du groupe ne soit pas mieux représentée… Mais abandonnons immédiatement toute perspective de déception, Lo-Pan sur scène c’est une machine à l’efficacité remarquable : un bassiste solide et nerveux, un batteur hargneux et puissant, un guitariste taciturne mais redoutable, et bien sûr l’imposant Jeff Martin, vocaliste au registre atypique, aussi mélodique que puissant. On était habitués à le retrouver plus discret, parfois en fond de scène sur tout le concert, on le retrouve aujourd’hui aux côtés de ses collègues, assuré, à l’aise dans la communication avec le public et dans son rôle désormais assumé de frontman. Du coup le kif est total, et le concert se termine trop tôt à notre goût, on en aurait bien repris un peu…
ELEPHANT TREE
Elephant Tree sur la mainstage c’est une des garanties sans risque de l’affiche du jour. Raison pour laquelle le public est présent en masse pour accueillir les anglais, qui, à leur habitude, montent sur scène avec le sourire, ça fait toujours plaisir. Les gars semblent heureux d’être là, ça se voit, et ce sera le cas pendant les 45 minutes qui viennent. Ils blaguent avec le public, embarquent leurs nombreux potes en coulisses dans leur délire (les gars de Steak montent tous sur scène à un moment pour leur apporter des shots à chacun, Igor de Stoned Jesus vient chanter sur le dernier titre…). Et musicalement, car l’essentiel est bien là, c’est évidemment redoutable d’efficacité, l’exécution est parfaite et ça part dans tous les sens : rythmiques groovy, riffs nerveux, mid-tempo ou rapides, plans heavy… Elephant Tree marie subtilité et lourdeur, comme sur cette excellente version de “Surma”, qui finit de ravir un public en joie. Il nous tarde d’entendre le nouvel album, désormais imminent…
24/7 DIVA HEAVEN
On était plutôt dubitatifs initialement de constater la présence d’un groupe de punk rock aussi haut sur une affiche d’un festival qui fait la part belle au stoner rock et ses multiples déviances. Directe émanation du mouvement Riot grrrl, le trio berlinois déboule sur la side stage à l’heure de l’apéro, bien décidées à en découdre. Et finalement, la pilule passe étrangement bien. Nous ne revendiquerons aucune expertise sur le genre musical pratiqué que nous nous abstiendrons donc de commenter, mais l’énergie déployée semble contenter le public (même si en toute logique la fosse n’est pas la plus tassée du week end) et, plus que tout, offre une parenthèse et un peu d’air frais à cette affiche dense en grosses formations stoner.
NEBULA
…et s’il fallait un énième groupe aujourd’hui pour appuyer ce postulat, Nebula débarque sur scène, tout auréolé de son statut de pionnier du genre musical qui nous intéresse. Après une parenthèse de plusieurs années qui ressemblait fort à un split, Eddie Glass et Tom Davies étaient revenus motivés et en grande forme montrer que Nebula avait encore des choses à dire et de sérieux arguments à défendre. Le premier constat à l’arrivée sur scène du trio c’est : “Mais où est Tom Davies ?”. En effet, un grand bassiste à la longue tignasse brune frisée occupe le côté gauche de la scène en lieu et place de l’emblématique musicien à l’éternelle Gibson Firebird. Point de malaise a priori, ni de signe avant-coureur de retour des mauvais travers de Nebula : simplement, le bassiste est bloqué à Los Angeles pour des besoins administratifs (pas ce que vous croyez…), et Ranch, leur technicien guitare, le remplace sur cette tournée. On se dit alors que le concert risque d’être un peu boiteux, sans l’un de ses piliers, mais maître Glass – ayant par ailleurs retrouvé ses oripeaux traditionnels et ses cheveux bruns – est bien déterminé à nous rassurer. Et il s’y emploie avec fougue et un argument inattaquable : une set list en béton armé, s’appuyant sur une discographie pour le moins solide ! D’ailleurs, même si le frontman balance quelques bons titres du dernier album Holy Shit, il va taper bien loin dans ses vieilles compos pour dégainer des petites perles, à commencer par son intro sur le classique spacy/heavy “To the Center”, mais aussi des titres comme le terrible “Giant”, “Freedom” ou encore l’agressif “Fall of Icarus”. Quel pied ! Glass virevolte, écrase sa wah wah, parle au public… Bref, il est en forme, et Nebula se repositionne comme sérieux challenger aux meilleurs groupes du genre… en activité ! Superbe surprise.
GREENLEAF
Dire que l’on n’a pas vu Greenleaf sur scène depuis longtemps serait mentir. Il serait aussi abusif de dire qu’on ne sait pas à quoi s’attendre : à coup sûr, les suédois (et un peu allemand pour leur bassiste Hans) vont débouler sur scène comme des furies, Tommi va faire voler sa casquette au premier de ses furieux headbang, Arvid va arpenter la scène de long en large avec sa démarche bien particulière et haranguer le public à foison, le groupe jouera une majorité de chansons de ses derniers albums, etc… La recette est connue… mais elle marche à chaque fois ! Et aujourd’hui ne fera pas exception, le public massé devant la side stage a la banane et est ravi, il faut dire qu’il en a pour son argent. Les hits sont là, et l’énergie est aussi au rendez-vous. Petit couac au démarrage néanmoins, avec Hans qui casse sa corde de basse : le contexte est immédiatement mis à profit par Arvid qui s’engage dans un a capella blues-soul en interaction avec le public pour passer le temps. Parfaitement adapté, bien vu, particulièrement dans la continuité enchaîné avec le très soul “Sweet is the Sound”. Pour le reste, la set list tape uniquement dans les trois derniers disques, encore une fois sans aucune surprise, mais propose ce qui est désormais du 100% tube de haute efficacité. Tout le monde était content, et on n’en attendait pas moins.
CHURCH OF MISERY
Un peu plus rares sur les planches (même si finalement assez actifs depuis leur dernier album) les japonais de Church of Misery se retrouvent bombardés bien haut sur l’affiche du jour, ce qui n’est pas pour nous déplaire. De même, le line up nous revient identique aux dernières (remarquables) interventions du quatuor, ce qui est plutôt une perspective sympa lors de l’arrivée sur les planches du groupe (Mikami étant susceptible de changer son line-up assez radicalement quand bon lui chante). On a très vite la confirmation de la bonne tenue du set en prenant un “El Padrino” en pleine poire dès l’entame de match. Enchaîné à “I, Motherfucker” puis “Brother Bishop”, une autre information se dessine : ce soir, c’est un best-of que nous sert le groupe, rarement enclin malheureusement, il est vrai, à aller chercher quelques vieilles pépites oubliées au fond de sa foisonnante et excitante discographie. Autre constante avec le groupe : ils terminent leur set 5 minutes plus tôt que prévu, gâchant donc le potentiel de nous lâcher un toujours bienvenu “Murderfreak Blues”, “Badlands” ou autre joyeuseté… Mais on va pas bouder notre plaisir, comme à son habitude le groupe est en grande forme, avec toujours Mikami (la basse sous les genoux et en pattes d’eph’) qui vient au contact du 1er rang assez souvent et un vocaliste/frontman que l’on a connu plus excité, mais qui fait largement sa part du boulot – en particulier en usant plus souvent de son thérémine, notamment sur le final de “Killfornia” en clôture de set. Bref, du bon, du très bon même, et encore un concert de très haut vol dans cette journée qui finit par être étourdissante.
LOWRIDER
Ah, là, voilà un groupe pour lequel on ne pourra pas avancer qu’il est très présent sur les routes : Lowrider, hormis un break discographique qui se compte en décennies (ce qui va beaucoup changer dans les prochains mois….), n’est pas vraiment suractif sur scène depuis sa “réactivation” il y a quelques années. Chacune de ses prestations est donc un événement en soi… il ne faut pas nous pousser beaucoup pour nous retrouver au premier rang (où on est fort serré, on n’est pas les seuls à se languir des suédois semble-t-il). Le quartette engage les hostilités sur une série de classiques, “Caravan” et “Dust Settlin'”, on est en terrain connu, mais ô combien attendu… Puis rapidement, le concert bifurque, mais pas dans le mauvais sens du terme : Lowrider a désormais un paquet de nouveaux titres dans sa besace, posés sur bandes d’enregistrement, et est bien décidé à les partager (ou les tester ?). Du coup, ils les mélangent aux anciens titres, l’opportunité donc d’entendre des titres qui seront dans leur mini-album “Postwax” à venir ans quelques semaines et… d’autres ! On vous en dit pas plus. Quoi qu’il en soit, on a droit à ré-entendre “Into The Wild” (déja joué il y a 2 ans sur la même scène – cadeau : https://youtu.be/zREKvi_4Rcg) et une poignée d’autres (qu’il est difficile d’évaluer en première écoute, soyons honnête, en tout cas ça semble solide mais perfectible en live – on garde en mémoire une intro un peu bancale…), alternés avec quelques vieilles cartouches (“Convoy” bien sûr, “Lameneshma” chanté par Ola, mais aussi des titres plus rares comme “Ol’ Mule Pepe”). Le tout défile du coup bien trop vite… mais pas que pour nous, étant donné que le groupe vient bouffer son créneau horaire en dépassant d’une généreuse dizaine de minutes ! Régisseur magnanime, fin de fest en prévision, public en joie… Ça ne dérange personne ! Trop-plein de générosité : à un moment, ça déborde…
STONED JESUS
On va commencer en mode graveleux : pour être headliner d’une affiche de ce niveau, il faut en avoir une sacrée paire, reconnaissons-le. Sans pression apparente, Igor et ses deux compères montent sur la main stage sans effet de manche et lancent direct le vieux “Red Wine” qui donne le départ à ce qui ressemble fort à une set-list “assurance tous risques” avec tous les plus grands classiques du groupe, et seulement 2 ou 3 du dernier album… Mais n’est-ce pas justement ce que l’on attend d’un headliner, ou bien ce qu’un headliner “doit” proposer à un public forcément plus large que le sien pour lui présenter toutes les facettes du groupe ? Peut-être, toujours est-il que l’on n’a pas vraiment de surprise. Sur scène, après quelques minutes pour se chauffer, on retrouve le trio que l’on connaît, à l’aise sur les planches et avec leurs instruments, avec Igor toujours solide, à la manœuvre, et Serhiy à la basse (désormais dreadlocké) loin de se laisser effacer, dans son style bien particulier, rarement pratiqué dans ce genre musical. Ça joue bien, les titres défilent et, à 15 minutes de la fin, surprise !, l’intro nonchalante du boursoufflé, roboratif et rebattu “I’m the Mountain” (qui, à la grande surprise de votre serviteur, continue de contenter les foules…). Il faut bien en passer par là… et c’est donc après ce titre fleuve que le groupe salue le public et quitte la scène. Comme Lowrider, et sans impact vu qu’ils sont le dernier groupe à jouer, ils remontent sur scène après avoir dépassé leur horaire pour un (toujours pas très original mais efficace) “Here Come the Robots”, vivifiante outro à un set qui ne se sera exposé à aucune critique : solide, sérieux, pro.
Soyons lucides : autant la veille fut la journée des découvertes, des révélations et des bonnes surprises, autant aujourd’hui fut la journée des valeurs sûres, et le constat factuel est que ce qui s’annonçait comme une journée énorme sur le papier a tenu qualitativement toutes ses promesses. Il a manqué le petit grain de folie qui aurait pu faire bifurquer l’un ou l’autre de ces sets, mais chaque groupe fut présent au rendez-vous, voire au delà des attentes dans certains cas. Et quand une scène musicale dispose d’autant de richesses et de potentiel scénique, et qu’ils trouvent des orgas aussi compétentes pour les rassembler dans des conditions aussi sympas, on peut se dire qu’on risque de revenir à Bâle (et ailleurs) encore plusieurs années sans risque de s’y ennuyer !
Voir les commentaires (0)