WEDGE – 21/03/2018 à Paris (L’International, avec Thousand Watt Burn + Fuzzy Grass) & 23/03/2018 à Bordeaux (Le Petit Maurian)

On a eu l’opportunité d’assister à deux des dates de la copieuse tournée européenne de Wedge, qui clairement, avec la sortie de son dernier album « Killing Tongue » (chronique ici) se donne les moyens de ses ambitions et va à la rencontre d’un public curieux ou connaisseur, dans tous les coins du continent. On a donc été s’en faire une idée grâce à nos amis Parisiens de Fuzzoraptors qui se sont empressés de les ramener à l’International ce mercredi 21 mars. Puis on s’est rendus à Bordeaux avec en sus un petit sentiment de découverte ce soir-là : premier concert (pour votre serviteur) au Petit Maurian, un lieu un peu inédit, un petit bar-restaurant où une petite scène occupe le fond de la salle.

 

Thousand Watt Burn

Thousand Watt Burn

On commence dans la capitale avec Thousand Watt Burn, quatuor de stoner rock garage à l’énergie sombre. Le portail de l’enfer s’ouvre par le lourd riff de « My darling » et nous propulse aussitôt dans l’univers occulte du groupe. La violence de la batterie fait ressortir la rythmique lancinante des grattes sur laquelle vient se poser la voix énervée et tout en réverbe de Roxane. En dépit de leur présence musicale, on sent les membres quelque peu timides sur scène, comme envoûtés par leur propre magie. Le seul qui semble véritablement s’éclater c’est le bûcheron assis derrière ses fûts. Un charmant jeune homme au T-shirt Sleep immanquable qui donne toute son importance à la qualité d’un hardware de batterie. Le quatuor parisien déroule un set qui s’enchaine bien, notamment grâce aux multiples samples de film à la Dopelord intercalés entre chaque titre. Tout s’arrête presque trop tôt, à l’instant où les nuques s’échauffaient et où la salle commençait tout juste à se remplir.

 

Fuzzy Grass

Fuzzy Grass

Qu’à cela ne tienne, Fuzzy Grass récupère un public à température et un effectif décent. Après un p’tit contretemps du côté de la basse – « Thomas ! Branche-là ! » –, occupé par des vocalises lyriques et des phrasés psychés à la guitare, le spectacle commence. Et quel show ! Les amplis ronronnent un groove puissant guidé par un jeu de batterie frénétique et techniquement nickel. Un style évoluant entre le psyché hypnotique de Naxatras et le Heavy Blues endiablé de Radio Moscow. « Healed by the Fire » et « Upside Down » en sont des exemples probants. Là-dessus, Audric offre un chant haut et saisissant. Et il y met tant de passion qu’il en tremble, donnant l’impression de performer depuis le pont d’un navire pris dans la tempête. De son côté, la redoutable Laura pallie sa discrétion scénique par de furieux soli, emportant les âmes dans son torrent électrique, et ce à chaque morceau. En bref, ça déménage sévère. Et bien qu’elle pourrait s’agiter davantage, comme le méritait sans doute « La Nouvelle », la foule se révèle conquise. Tant séduite par le set du groupe que par le smile de ses membres, elle se repaît de leur bienveillante énergie. On en vient à regretter le manque de matière sur le merch, car comme beaucoup en témoigneront à l’avenir, Fuzzy Grass possède toute la substance nécessaire à un album de qualité. Dépêchez-vous de nous le sortir, nom de dieu !

 

Wedge

Au tour de Wedge maintenant. On le disait, à Paris, le public est chaud et conquis. Quelle ne fut pas notre surprise de constater qu’à l’arrivée de la tête d’affiche le sous-sol de l’International souffre déjà de nombreux départs. À peine 22h30 et voilà que ça se défile. Pour le blond moustachu à santiags rouges qui prend le micro, aucun problème. Il arme sa guitare et distribue son rock vintage sans sourciller avec « Killing Tongue ». A Bordeaux, sans première partie, quelques dizaines de personnes remplissent déjà bien la minuscule salle quand le trio berlinois monte tranquillement s’installer derrière leurs instruments.

Leader assumé du groupe, Kiryk Drewinski n’est pourtant pas le frontman charismatique que l’on pourrait imaginer à la tête d’un trio de cet acabit. Modestie et mise en avant de ses acolytes ? Ou bien réel déficit de personnalité ? On penche sincèrement pour la première option, avec un trio, à l’instar d’un Kadavar, où chacun, les années passant, occupe une place de premier plan.

 

Wedge

Son pote David Götz, l’homme du match, l’artisan de l’ombre, émerge des amplis. Le discret bassiste cisèle une rythmique et un socle mélodique qui sont un élément clé du son du groupe. Et que dire quand il lâche sa 4-cordes pour faire chanter son double clavier Korg, ses doigts dansant sur les touches et son pied actionnant la discrète cabine Leslie dans son dos… Groovy ! Sans oublier qu’à ses côtés, Holger frappe ses futs avec détermination et efficacité, c’est carré, et ça communique bien en rythmique. La place de chacun dans le spectre sonore est ainsi équitable, et chacun trouve de généreuses séquences où il peut s’exprimer sur des soli jamais trop longs ni trop chiants. Sourires, communication régulière avec le public, jeu ample… Même devant une petite assistance le groupe se donne avec générosité.

À l’arrivée de « Makeyerselfree », ce simulacre de « Stairway to Heaven », la foule perd encore un peu plus de masse alors que les récidivistes gagnent en frénésie. Avec Wedge, les origines sont assumées. « The only thing we can do is old school Rock’n’Roll, are you OK with that ? » nous demande Kiryk avant de débuter « Push air ». Les gars sont en plein trip 70’s, son old school et amplis vintage en bonus. Dans l’ensemble cette excellente présentation laisse parfois un léger goût de frustration. On sent que sur certains morceaux la mayonnaise prend instantanément tandis que sur d’autres le soufflé retombe (ce duo de métaphores vous est proposé par © Top Chef). La performance apparaît trop carrée,  là où on aurait souhaité des impros, des envolées à rallonge qui sont pourtant généralement l’apanage du style lors des lives.

 

Wedge

 

A Bordeaux, quand, au bout d’une heure et quelques, le groupe feint de stopper leur set pour mieux amener à un rappel lourdement téléphoné, la configuration de la scène fait qu’ils ne peuvent même pas quitter leur emplacement ; c’est un peu penauds donc qu’ils s’emparent à nouveau de leurs instruments au bout de quelques secondes… Ils s’engagent alors dans un « High Head Woman » qui commence de bonne facture, mais surtout prétexte à un dérapage jammé incontrôlé mais jouissif, avec une séquence soli / impros d’une bonne dizaine de minutes parfaitement réussie. Même topo à Paris, où le final sur « Never Learn », issu du premier album, met tout le monde d’accord. Intervention divine ou subtile stratégie de la part du groupe, nous ne le saurons sans doute jamais. Toujours est-il que la piste s’étire sur presque le double de sa taille, accueillant un boogie jam déjanté qui aurait dû provoquer d’affreux pogos dans le sous-sol de L’International. On y découvre aussi, non sans joie, un solo de batterie absolument monstrueux qui mettra tout le monde d’accord.

En dépit d’un public parisien un peu frileux sur les excès du mercredi soir, on se félicite d’une soirée réussie. Une bonne dose de lourdeur entêtante, de bière et de délicieuses promesses qui participeront au succès de cette première date des Fuzzoraptors à l’International. Autre contexte mais même constat en terres girondines, où ce concert moins « traditionnel » dans sa forme (gratuit, petite salle…) aura convaincu une assistance ravie. Avec une ambiance bon enfant et joviale, ajoutée à un set bien exécuté,  vous parviendrez à la recette d’une soirée réussie.

 

 

Alex & Laurent

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