J’ai longtemps hésité avant de réaliser cette interview. Tout simplement parce ce que la batteuse de Caldera est ma soeur. Et que cela me posait un problème déontologique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je n’ai pas chroniqué leur première démo. J’ai changé d’avis le 26 juillet vers une heure du mat, dans ma bagnole, après avoir assisté au concert de Caldera au P-Werk de Bliekastel en Allemagne. Le groupe a délivré ce soir là, un concert absolument phénoménal dont j’ai éprouvé quelques difficultés à me remettre. Ces salopards ont littéralement terrassé la soixantaine de personnes présentes, qui le leur ont d’ailleurs bien rendu en les acclamant. Les émotions que le groupe m’avait procuré ce soir là, et la réaction du public à leur endroit (assez rare pour un groupe aussi jeune) me semblent être des éléments suffisamment éloquents pour justifier de cet entretien et me dédouaner de toute suspicion de collusion. La formation évolue dans un registre stoner doom instrumental de plus en plus inventif et ambitieux au fil des concerts. Leur son est tout simplement énorme. Ample et chaleureux, à base d’amplis à lampes surchauffés. Ainsi, c’est un mur qu’ils édifient autour de vous. Une enveloppe sonore épaisse et moite au climat contrasté, renforcée par l’intégration récente quel bonheur d’une double pédale de grosse caisse. De quoi en calmer plus d’un. Autre fait remarquable, ce fameux soir de juillet, la formation accueillait Matt chanteur de Low Vibes et fondateur du label Water Dragon Records au chant. Ce dernier a placé sa voix sur trois morceaux, en prenant grand soin de se démarquer de ce qu’il fait par ailleurs avec son groupe officiel. Il fut à la fois sobre et impérial. En résumé, quelle que soit sa configuration, Caldera est à mon sens l’un des groupes les plus prometteurs du moment. En attendant qu’ils nous pondent un vrai disque, voyons ce que la bête à dans le ventre avec Krikri et Claudio, guitaristes du groupe.
Pouvez-vous présenter brièvement le groupe et chacun de ses membres ?
Caldera est né à Nancy en octobre 2001. Il se compose de quatre membres à savoir, Claudio à la guitare, Fly à la basse, Kristin derrière les fûts (qui n’est autre que l’ex batteuse de feu Carn) et moi-même, KriKri à la guitare également.
Vous habitez relativement éloigné les uns des autres, n’est-ce pas un handicap pour le déroulement optimal de votre carrière ?
Un handicap ? Pas à proprement parler. Deux d’entre nous viennent de Forbach, Kristin habite Nancy et Fly , Paris, ça veut donc dire organisation et motivation. Nous assumons les déplacements. Cette année on répétait le vendredi soir de 20h à 24h, ça ne nous laisse pas de temps pour déconner. Chez Caldera on bosse dur ! Je pense que si on voulait répéter plus d’une fois par semaine cela nous poserait un réel problème. Nous devons faire face aux emplois du temps de chacun, dans tous les cas le groupe vaut par la détermination de chacun et dans ce cas précis nous sommes TOUS entièrement dévoués à Caldera, c’est pour nous tous une priorité !
Ok, mais cela nuit probablement à votre progression, à votre capacité de composer de nouveaux morceaux. Un concert qui se profile et hop, la créativité est sacrifiée pour faire tourner le set. Est-ce vraiment sérieux de répéter aussi peu ?
SERIEUX, le sérieux n’est pas à remettre en cause dans notre démarche. Nous n’avons que quelques concerts à notre actif, et privilégions donc les compositions, quoi qu’il en soit nous ne laissons jamais le set à l’abandon, ce qui nous permet d’exploiter au mieux les séances de répète sans gaspiller une seule seconde !!! De ce fait nous ne sommes jamais à la rue avant un concert !!! Tu noteras avec attention que deux répètes on suffit pour caler le chant avec Matt!! CQFD !
Le fait que vous n’ayez pas de chanteur n’est-il pas une autre forme de handicap ?
En fait nous bossons sans chanteur depuis le début, et de ce fait nos morceaux ont été composés sans l’intention même d’y ajouter un chant quelconque ! Notre démo « Bison Skull » ne contient aucune trace de chant, (sauf le titre en bonus More Sadness qui incorpore des voix, mais ce n’est pas un chant à proprement parler). Elle a fait l’objet de nombreuses chroniques et a été très bien reçue dans le milieu ! Si tu observes un groupe comme Karma To Burn, ils ne possédaient pas de chanteur, et leur musique n’est en rien ennuyeuse et monotone ! Pour conclure je ne pense pas que ce soit un handicap, c’est une histoire de choix.
Il est vrai que la qualité de vos titres les plus récents, plus complexes, plus touffus, laissent perplexes quant à l’utilité réelle d’un chanteur. Ils sont suffisamment riches pour maintenir l’attention du spectateur et lui procurer des surprises. Cela étant dit, l’utilisation parcimonieuse de voix, à défaut d’un chanteur, permettrait probablement d’enrichir plus encore votre musique. Un peu comme sur le premier album de KTB. Un chanteur intermittent en somme. C’est d’ailleurs sous cette configuration qu’ils ont pondu leur meilleur album. Qu’en penses-tu ? Pourquoi l’un de vous ne s’y colle pas de temps à autre ?
On s’interroge régulièrement sur ce sujet, et en ce sens, on a déjà fait quelques essais dans cette direction et le résultat était sympa ! Nous avons beaucoup d’idées qui ne demandent qu’à être concrétisées, mais pour l’instant je ne peux t’en dire plus, la question reste en suspens et nous y réfléchissons beaucoup.
Comment interpréter la présence de Matt sur trois titres lors de votre dernier concert en Allemagne ?
En fait, bien que nous ayons fait le choix de sortir une démo instrumentale, nous nous interrogeons sur la question d’un chanteur au sein de Caldera ! L’idée est venu de Matt, spontanément. Il avait bossé des paroles sur trois titres à savoir Cornac , Bison Skull et The Return . Il nous a fait parvenir un MD avec son travail. Le résultat était honorable, nous en avons discuté, l’idée nous paraissait séduisante et c’était surtout l’occasion de tester nos titres avec un chanteur ! Nous avons bloqué ça en deux répètes. Comme je te le disais Matt n’est pas venu les mains dans les poches ! L’accueil du public lors de notre dernier concert à été terrible !! Nous avons eu de très bons retours quant à la présence d’un chanteur au sein de Caldera ! Pour l’instant Caldera n’a toujours pas intégré de chanteur dans ses rangs mais je peux t’assurer que nous y réfléchissons plus que jamais !
Dans la perspective d’un chanteur intermittent ce serait peut être une bonne option, non ?
Peut être oui, il y a eu un très bon feeling entre le groupe et Matt, et le travail de Matt a fait ses preuves.
Cela étant dit, je confirme, la présence de Matt était incontestablement un atout. Il a été quasiment parfait.
Comme je te le disais il n’est pas venu les mains dans les poches.
Quelles sont vos prétentions ou si tu préfères, ambitions ?
Ah, nous voulons enregistrer nos nouveaux titres avec une pointure du son et signer sur un label honnête qui puisse nous assurer une bonne promotion et faire un maximum de dates, en d’autres termes faire parler de nous !
Tu parles de pointure, tu peux me citer quelques noms ?
Billy Anderson, Steve Albini, Bill T. Miller ou encore Kit Woolven, tous font un travail vraiment exceptionnel. Travailler avec l’un d’entre eux serait vraiment terrible et donnerait encore plus de personnalité à la musique de Caldera.
Qu’entends tu par un label honnête ?
Avant tout un label qui apprécie vraiment les groupes qu’il signe, que cela s’établisse en dehors des courants à la mode, que le label éprouve de la considération pour le travail du groupe, qu’il puisse assurer une bonne promo et une bonne distribution.
As-tu des références dans le genre ?
Des labels comme Rise Above, Southern Lord, Beard Of Stars,Tee Pee,Relapse, Rage Of Achilles, People Like You et quelques autres encore correspondent bien, à mon sens, à la description que je t’ai fait à l’instant.
Pour le reste, ta réponse est d’un commun consternant !
Tout doux s’il te plait.
J’admets que ma question ait pu être mal formulée, je la reprends donc
Merci.
Quels sont vos rêves avec ce groupe ? Devenir Iron Maiden ? Jouer de temps à autre dans un bar devant vos potes ?
Il est clair que nous éprouvons un plaisir intense quand nous sommes sur scène et nous souhaitons jouer de plus en plus, devant de plus en plus de monde, ne jouer que devant nos potes serait la preuve que nous n’évoluons pas ! L’immobilisme ne fait pas partie de Caldera. Et ça me fait rire quand tu cites Maiden, je m’imagine à leur place avec leur look !! Ahahahaah.
Comment s’organisent vos séances de travail ?
Claudio et moi bossons les riffs chez nous. Ils sont retravaillés en répète une fois basse et batterie ajoutées. Si le riff de départ sort assez spontanément, nous travaillons beaucoup avant que le titre ne soit bouclé. Les titres ne sont donc pas composés par une seule personne et sont le résultat d’une étroite coopération entre nous quatre.
Tu veux dire que tout part systématiquement d’un riff de guitare ?
C’est le cas oui ! Cela pourra paraître simpliste pour certains mais c’est notre façon de procéder ! Et le résultat final est plutôt élaboré non ? Au risque de me répéter, j’insiste sur le fait que la musique de Caldera est le fruit d’une étroite collaboration.
Vos derniers concerts donnent à voir et à entendre un processus de création de plus en plus abouti et complexe, comment ce processus opère-t-il ?
On est très exigeants, on cherche à ne pas se répéter et à se détacher des schémas classiques. Mais je pense surtout qu’on se connaît de mieux en mieux et qu’une réelle entente existe au sein de Caldera.
Comme c’est mignon. Cette proximité ne va-t-elle finalement pas constituer un rempart contre l’arrivée-intrusion d’une personne tierce dans ce bel équilibre ? Je veux dire par là, est-ce que la question d’un chanteur n’est pas déjà implicitement tranchée ?
Mmmh, tu mets le doigt sur un point sensible, nous ne sommes pas hostile à l’arrivée d’une personne tierce, nous avons eu l’occasion d’essayer quelques chanteurs dans Caldera (des mecs et des nanas), force est de constater que l’expérience n’a pas été convaincante, exception faite pour Matt qui a de loin le mieux honoré sa tâche. Cela dit, je ne pense pas que cela soit la conséquence d’une attitude réfractaire de notre part, nous sommes unanimes : aucun des chanteurs ne correspondait à ce que nous voulons et à ce que nous sommes.
Peux-tu me citer vos influences communes, celles sur lesquelles vous vous accordez parfaitement ?
Melvins, High On Fire, Kyuss, Neurosis, Sleep, Creedence Clearwater Revival, Karma To Burn, Green Leaf, Mastodon.
Que justifie la reprise d’un titre de Creedence ?
Nous aimons tous beaucoup ce groupe et ce morceau Sinister Purpose (issu de Green River) en particulier. Il ne manquait à ce morceau que le gros son pour être une bombe de doom stoner. Nous avons justement travaillé le titre dans ce sens !
C’est une tuerie absolue. Une des plus belles reprises qu’il m’ait été donné d’entendre. Vous faites même oublier qu’il y a Fogerty qui chante sur ce morceau. Ce qui n’est pas rien. Prévoyez-vous une autre reprise de cet acabit ?
En fait lorsque nous avons abordé la question d’une cover , nous avions plusieurs titres en tête, le choix pour les Creedence s’est fait tout simplement, nous ne prévoyons pour l’instant pas d’autre cover , mais quand nous déciderons d’en faire une, crois moi que les titres à reprendre ont un potentiel aussi riche que Sinister Purpose , je te laisse déduire la suite et chercher.
La musique que vous pratiquez se caractérise par la nécessité d’avoir un gros son. A votre niveau, comment vous organisez vous pour l’obtenir ?
Nous sommes des fans absolus de matos. Only a tube amp is good enough !!! Nous ne négligeons rien de ce côté et travaillons beaucoup sur les sons. Nous avons une idée très précise de la manière dont doit sonner Caldera.
C’est un peu la politique de l’écurie Southern Lord, à laquelle je souscris entièrement par ailleurs, non ?
Exact, exact !
Quels sont les types de sons qui vous scotchent le plus ?
Les sons gras de chez gras, crades de chez crades mais intelligibles, ce grain difficilement descriptible qui te fout la chair de poule dès le premier accord, en résumé les sons Sunn et Marshall vintage.
Vous avez partagé l’affiche avec des formations telles que High On Fire ou Mastodon. Qu’est ce que cela a représenté pour vous ?
Ces deux groupes figurent parmi nos groupes favoris et nos influences communes. Jouer sur la même scène qu’eux était très excitant surtout que pour l’occasion l’Austrasique affichait complet. Ce sont des types exceptionnels ! Des crèmes ! Un rêve qui devient réalité.
Quels sont vos projets à court et moyen terme ?
Tout d’abord l’imminente mise en ligne du site web de Caldera et comme on l’a dit avant, l’enregistrement de nos nouveaux titres et bien sûr faire un max de concerts.
Bonjour l’originalité. C’est bien, comme les trois milliards de groupes sur Terre en somme. Il va tout de même falloir penser à se distinguer un peu non ?
On est déjà différents à la base.
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